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Quelques mois après le désencombrement des artères de la capitale : Dakar retrouve ses marchands ambulants

Les opérations de décombrement menées par les autorités municipales, au cours des mois passés, avaient privé les artères de Dakar de ses marchands ambulants. Le suivi des opérations ayant toutefois fait défaut, les acteurs du petit commerce ont fini par retrouver leurs lieux habituels de travail, quelque temps plus tard. Reportage sur l’avenue Cheikh Anta Diop et dans d’autres grandes artères de Dakar.


Rédigé par leral.net le Samedi 21 Février 2015 à 11:16 | | 0 commentaire(s)|

Quelques mois après le désencombrement des artères de la capitale : Dakar retrouve ses marchands ambulants
L’avenue Cheikh Anta Diop de Dakar, qui porte le nom de l’historien et égyptologue sénégalais, est en cette matinée du vendredi 20 février 2014 dans son vacarme quotidien. Le regard vigilant de l’agent de la circulation positionné au milieu du rond point de Fann n’y change rien. Les embouteillages sont toujours de mise. Les voitures se bousculent. Les coups de klaxons, mêlés à la fumée qui s’échappe des vieilles carcasses tout au moins de «Ndiaga Ndiaye » ou encore de « Car rapide » rendent l’atmosphère suffocante.

Dans cette ambiance kafkaïenne, se frayer un chemin devient quasiment impossible pour les milliers d’étudiants qui, matériels pédagogiques à la main, descendent rapidement des moyens de transport, se faufilent dans la foule et disparaissent dans le « Temple du savoir », dont on affuble l’université Cheikh Anta Diop. Le moindre déplacement des étudiants est surveillé par une bande de personnes qui était, autrefois, partie intégrante du décor de l’université jusqu’à ce que les autorités municipales, par souci d’aménagement de la capitale, déguerpissent leurs étals, cantines ou toutes autres tables pouvant servir de commerces. Eux, ce sont les marchands ambulants.

Des jours et de jours se sont certaines écoulés, mais le suivi du désencombrement ayant fait défaut, ces petits commerçants ont regagné la place « prohibée ». Maintenant, l’avenue Cheikh anta Diop n’a plus rien à envier aux grands lieux d’échange et d’interaction économique que sont les marchés, les souks et les loumas. Accessoires de téléphones portables, chemises, journaux, cartes de crédits, tout y est vendu. Mieux, des chaussures de friperie déposées le long du trottoir, des étals remplis de cahiers, des fruits soigneusement rangés s’offrent à la clientèle dont le seul coup d’œil est assimilé à du désir.

Le retour sur les lieux ne s’est pourtant pas fait avec le feu vert des élus locaux, mais tout simplement à la hussarde. « Ceux qui nous surveillaient ne sont plus là et nous nous sommes installés », indique sans fioritures un commerçant trouvé sur les lieux. Défier l’autorité requiert une certaine audace et, pour cela, poursuit notre interlocuteur, « seuls ceux qui ont osé mener le combat sont là en ce moment. Beaucoup de tenanciers d’étals sont partis. Ceux qui sont là aujourd’hui sont de nouveaux venus. Il y a des gens qui étaient là, mais actuellement, ils sont sur le canal de la Gueule Tapée. D’autres par contre sont partis vers des cieux beaucoup plus cléments », ajoute-t-il.

Eu égard à l’absence de suivi, les occupants de l’avenue Cheikh Anta Diop ne sont pas, à dire vrai, prêts à vider les lieux, « Nous ne faisons rien de grave. Que ceux qui nous empêchent de travailler aillent s’occuper des agresseurs et autres voleurs. Nous gagnons notre vie en travaillant. S’ils nous déguerpissent aussi, nous reviendrons », s’exclame un autre commerçant.

Interpellé sur la question de cette réinstallation forcenée, Aida Lô, une étudiante à la Faculté des lettres et sciences humaines constate le fait. « Les commerçants commencent à revenir et cela ne donne pas une image positive à l’Ucad. Quoiqu’ils veuillent travailler, une université revêt un symbole. Les autorités doivent veiller à la préservation de la stature du lieu d’enseignement ». S’affairant autour de leurs marchandises ou discutant entre amis, les commerçants de « Cheikh Anta » vaguent, eux, tranquillement à leurs occupations au mépris du vent qui déverse sur les visages des uns et des autres de la poussière, laquelle vient s’agglutiner nonchalamment sur leur lait de corps, ce produit nécessaire en ces temps de froid.

Rond-Point Sahm, Sandaga, Nabil Choucair… Les poches de « résistance »... fleurissent

Un autre lieu où le commerce était interdit et qui, aujourd’hui, a retrouvé ses habitudes se trouve être les abords de Rond point Sham. La place où se tient, chaque mercredi, le marché hebdomadaire de la Gueule Tapée, même en dehors du jour de marché, ne désemplit pas. Chaussures, habits, et divers autres objets s’étalent à perte de vue. Mais, les potentiels clients n’en ont cure. Vendredi étant jour de prière pour les musulmans, les fidèles bravent vent et poussière pour rallier les différentes mosquées. Il est 13h 30 et les appels des muezzins à la prière retentissent de tout bord.

Le marché Sandaga, lui aussi, n’échappe pas à la coutume. Rideaux baissés et portes fermées, les commerçants arrêtent pour quelques minutes leurs affaires afin de répondre à l’appel du Créateur. Les marchands ambulants, eux, jouent à cache-cache avec les hommes de tenue préposés à la surveillance de la place. Ceux qui osent braver l’interdit municipal portent la marchandise sur le dos et hèlent une clientèle en majorité féminine. « Viens à l’intérieur, je te montre mes articles. Je fuis le contrôle », s’empresse d’affirmer un jeune commerçant avec, en bandoulière, des chemises bien rangées sur son épaule.

A Nabil Choucair, le décor est presque tout autre. La devanture de l’hôpital, autrefois lieu de commerce, est maintenant vidée de ses occupants. Des grilles de protection délimitent le périmètre interdit. N’empêche, des récalcitrants commencent à y déposer leurs étals. Une situation qui n’épargne pas la passerelle qui desserte la voie. Toute sorte d’article est exposée à la vue des passants obligés de supporter le vacarme des hauts parleurs qui distillent le prix des produits.

Non loin delà, la station de la Patte d’Oie, autrefois noire de monde, n’a pas, elle, retrouvé son lustre d’antan après le déguerpissement musclé du mois de novembre à la veille du Sommet de la Francophonie. Seuls quelques vendeurs y sont visibles. Une situation qui ne déplait pas aux riverains. Modou, un tenancier d’une boutique de chaussures, estime ainsi : « les marchands ambulants gagnent leur vie en faisant leur petit commerce, mais il faut vraiment de l’ordre dans ce pays. Les autorités doivent tout faire pour que cela continue ainsi ».

Abondant presque dans la même veine, Marième, une habitante de la Patte d’Oie, dit souhaiter, elle aussi, un suivi des opérations. « Maintenant, il est facile de circuler dans le quartier. Nous partons jusqu’à Liberté 6 sans problème. On doit trouver aux ambulants un lieu de travail très vite car, il y a certains d’entre eux qui reviennent et, si cela continue ainsi, on risque d’avoir la même situation qu’auparavant », assène-t-elle presque avec désolation.

Sud Quotidien

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