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Qui est-ce qui est apte à exercer l’autorité régalienne ?


Rédigé par leral.net le Mercredi 12 Août 2015 à 11:04 | | 7 commentaire(s)|

Depuis notre indépendance, le Sénégal n’a pas su instaurer un régime politique dans lequel ses citoyens s’y reconnaissent : Un système politique inadapté, une économie sous perfusion, un système éducatif qui coûte très cher et peu efficace et des scandales financiers dans chaque rapport publié par la Cours des comptes. Même si les responsabilités sont partagées, les autorités politiques et administratives en sont en grande partie responsables.

On peut penser que le manque d’éthique des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires de l’Etat peut nous expliquer la situation actuelle du pays. Sans l’éthique et la morale, aucun Etat ne saurait mettre des règles de jeux et les appliquer correctement. Benjamin Franklin, un des pères fondateur des Etats-Unis d’Amérique en était conscient lorsqu’il déclarait : « Je n’ai jamais été dépourvu de principes religieux. Je n’ai jamais douté, par exemple, de l’existence de la Divinité… Je n’ai jamais douté que nos âmes sont immortelles, et que tout crime sera puni, tandis que la vertu sera récompensée, dans ce monde ou dans l’autre.»

Vu que la foi est nécessaire dans un Etat, Jean-Jacques Rousseau a consacré le chapitre 8 du livre 4 à la religion dans Du Contrat social. Il pense que celle-ci viabilise le vivre-ensemble de la communauté citoyenne. Même s’il considère que le fanatique menace la cohésion de la société, il soutient également que l’athée nuise le vivre-ensemble. Parce que ce dernier ne défend que ses intérêts personnels et souvent au détriment de ses concitoyens. L’incrédule n’a que la force physique et visible comme obstacle face à l’injustice ; par conséquent s’il ne voit pas cette force, il n’hésitera pas à violer les règles du jeu, d’où les détournements de fonds publics que la Cours des comptes révèle chaque année.

Dans la République, Platon raconte le mythe de Gygès dans le but de montrer que l’homme vicieux a la tendance à commettre l’injustice dès lors qu’une force physique n’est plus là pour le dissuader. Gygès, le berger du roi ; en surveillant le troupeau royal dans la brousse, trouva un cadavre portant une bague d’or dans une crevasse dont il s’empara. Cette bague lui donna le pouvoir d’être invisible quand il tourna le chaton vers l’intérieur de sa main et il partit immédiatement tuer le roi et épouser la reine.

Dans ce mythe, il s’agit de l’invisibilité. L’une des interprétations qu’on lui donne est que l’homme vicieux n’hésitera pas à commettre l’injustice dès qu’il a une immunité. Gygès tue le roi parce qu’il a le pouvoir d’être invisible sinon il n’aurait jamais osé tenter l’assassinat du roi. Platon soutenait que ce qui rend les hommes sages, c’est la loi, c’est-à-dire la punition. Mais le problème est qu’on ne peut pas faire surveiller chaque citoyen par un agent. Il est donc impossible de mettre un policier à côté de chaque personne ; donc la solution réside dans la foi en un Dieu, c’est-à-dire la crainte d’une divinité infaillible et omniprésente. Ainsi, le prophète (PSL) nous avertit : « Al-ihsan [la parfaite adoration de Dieu] consiste à adorer Allah comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois pas, certes, Lui te voit ».

C’est cette omniprésence qui permet à l’homme d’être avec Dieu par la pensée et se laisse conduire dans la rectitude. Par conséquent, les vertueux sont les plus aptes à exercer l’autorité. Parce qu’ils savent qu’ils rendront des comptes à une divinité infaillible, comme l’a dit le prophète (PSL) « vous êtes tous responsables et la gestion de chacun sera auditionnée ».

C’est pour cela lorsque l’une des deux filles de Souhaïbou (selon certains récits) suggérait son père de recruter Moïse, elle lui dit : « Ô mon père, engage-le moyennant salaire, car le meilleur à engager, c’est celui qui est fort et digne de confiance». Quant à Joseph, il disait au roi d’Egypte, lorsque ce dernier voulait le nommer ministre : « Assigne-moi les dépôts du territoire: je suis bon gardien et connaisseur ». Toujours, Dieu qualifie le prophète (PSL) comme étant quelqu’un : « digne de confiance ». De même, Serigne Touba recommandant Samba Laobé roi du Djolof, lui disait : « de ne jamais tomber dans la tyrannie et dans l'injustice car tout homme injuste le regrettera un jour ».

A mon sens, ce sont les autorités ayant la foi et la crainte de Dieu qui sont les plus aptes à diriger les Etats et ceux surtout dont les institutions ne sont pas assez solides pour contrôler ses agents comme c’est le cas du Sénégal.

Donc, de deux choses l’une : soit on cherche à consolider les institutions étatiques pour qu’elles puissent contrôler ceux qui exercent les pouvoirs étatiques ; soit on se focalise davantage sur la personne des candidats briguant ou postulant une fonction régalienne ; c’est-à-dire leurs qualités morales et éthique. Mais pas seulement sur leurs qualifications techniques et professionnelles. Sinon on risque de connaitre encore d’autres scandales comparables, voire pire, à celui de l’affaire ArcelorMittal.

En 2007, ArcelorMittal avait le privilège d’exploiter le minerai de Falémé. Mais il décide unilatéralement d’abandonner l’exploitation à cause de la chute du prix du fer et une mauvaise évaluation du minerai. Par conséquent la Cours internationale d’arbitrage CCI de Paris le condamne à dédommager l’Etat du Sénégal.

La somme que ArcelorMittal devait payer au Sénégal était évaluée à 5 milliards $ par Gustavson Associates. Mais lorsque le président Macky Sall est arrivé au pouvoir, les avocats initialement pris par l’Etat sénégalais ainsi que l’agent judiciaire de l’Etat sénégalais ont été écartés dans le dossier. C’est finalement son avocat personnel, à savoir François Meyer qui a conclu l’affaire avec ArcelorMittal. Mais ce qui est scandaleux dans cette affaire, c’est la différence des sommes. Car le dédommagement était évalué à 5 milliards $, mais ArcelorMittal n’a payé que 150 millions $ et pire encore l’argent est versé dans le compte personnel de François Meyer. Le dénouement de cette affaire est tellement obscur que l’Assemblée Nationale du Sénégal devrait ouvrir une enquête.

Ainsi, on constate l’absence d’une institution solide pouvant enquêter sur le pourquoi du comment de l’écartement dans le dossier des deux premiers avocats, à savoir Rasseck Bourgi et Sébastien Bonnard ainsi que l’agent judiciaire de l’Etat, Aïssa Gassama Tall. Pourquoi a-t-on abandonné les 5 milliards $ pour accepter les 150 millions $ et pourquoi l’argent est-il versé dans le compte de l’avocat personnel du président Macky Sall à l'agence centrale parisienne BNP PARIBAS alors que l’Etat du Sénégal dispose d’un compte en banque en France ? Toutes ces questions n’ont pas été tirées au clair. Mais, si cela s’était passé dans un Etat de droit, dont les institutions font leur travail correctement, une enquête aurait été ouverte dans le but de clarifier les tenants et les aboutissants de cette affaire, mais il n’en est rien.

Ainsi toute la responsabilité incombe au président de la République Macky Sall qui n’a pas su défendre les intérêts du peuple sénégalais et pourtant il est élu pour cela… Quel dommage !!!

Khadim-Mbacke Abass
mbackekhadim@hotmail.fr