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Réponse à Ibrahima Sène du PIT


Rédigé par leral.net le Lundi 29 Décembre 2014 à 07:09 | | 1 commentaire(s)|

Réponse à Ibrahima Sène du PIT
Monsieur Sène,

Suite à votre opinion publiée dans la presse et dans laquelle vous vous êtes exprimé sur la demande de liberté provisoire de M. Karim WADE, je viens par la présente, apporter une réponse à vos propos.

De prime abord, je tiens à préciser qu’Il ressort de l'analyse de vos propos, une absence de rigueur scientifique qui ne résiste pas à une réflexion qui s'appuie sur une démonstration juridique. L'insuffisance de vos propos suscite deux interrogations auxquelles les réponses y relatives, vont bousculer l'édifice de votre thèse.


1.Pouvez-vous me sortir un arrêt dans lequel une Cour Suprême(CS) du Sénégal a reconnu la constitutionnalité de la CREI ?

Non, cet arrêt n'existe pas, car il n'est pas du ressort de la Cour Suprême de se prononcer sur la constitutionnalité d'une loi. Pour vous rectifier, et j’espère que allez vous en servir dans vos prochaines sorties, c'est le Conseil Constitutionnel qui a rendu un arrêt, suite à une question préjudicielle, soulevée par la défense devant la Cour Suprême. Cette dernière a renvoyé la question de constitutionnalité de la CREI devant l'office du juge constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel a considéré dans sa décision de l’été dernier, que le législateur ordinaire, en l'espèce, la loi ordinaire n° 81.54 du 10 juillet 1981 portant création de la CREI, peut exceptionnellement déroger à la Constitution et aux principes qu'elle a posés. Ce qui est quand même pathétique, au moment où le juge constitutionnel béninois,
dans sa mission de garant exclusif du respect des droits de l'Homme, rappelle sans cesse, qu'une loi n’exprime la volonté générale, que lorsqu'elle est conforme à la Constitution. C'est la position de la Cour Suprême des Etats Unis depuis sa décision du 24 février 1803 dans l'affaire Marbury/Madison.

C'est dire que la validité d'une loi, celle ordinaire de surcroît, est subordonnée à son respect à la Constitution. Ce qui n'est pas le cas avec la CREI, car le juge constitutionnel lui-même le reconnait lorsqu'il affirme que l'auteur de la CREI, en l’occurrence le législateur ordinaire sénégalais, peut violer la Constitution à titre exceptionnel. A en croire le juge constitutionnel sénégalais, la loi portant création de la CREI, fusse-t-elle contraire à la Constitution, doit être admise dans l’ordonnancement juridique sénégalais. Une telle position ouvre une voie de dérives au législateur que le Conseil Constitutionnel était pourtant censé encadrer et limiter. Dans les pays de grande démocratie, la puissance du législateur est limitée par les attributions du juge constitutionnel.

2. Je vous rappelle également que la Cour de justice de la C.E.D.E.A.O n'a jamais reconnu une constitutionnalité de la CREI.

Ce n’est pas de son ressort. D'ailleurs, c'est à bon droit qu'elle ait considéré qu'elle ne saurait apprécier la légalité des lois et règlements du Sénégal. En revanche, elle a reconnu de manière expresse, que la CREI viole le principe de la présomption d'innocence, un principe sacro-saint en matière de droit de défense. Il s'ensuit qu'une décision de constitutionnalité de la CREI que vous avez bien voulu imputer à cette Cour n'est pas fondée, en tout cas, pas dans son
arrêt que vous avez cité en référence.

En dernière analyse, je partage un célèbre principe en droit, qui voudrait, "qu'en absence de preuves, le demandeur libère le défenseur". La demande de liberté provisoire de M. Karim WADE, s'inscrit dans ce cadre.

Yaya NIANG
Université Gaston Berger de Saint-Louis
Direction Affaires Juridiques
Chef de Division Contentieux
Doctorant UGB/Bordeaux IV
Tel 00337 60 47 16 52