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Sauvons notre peau avant qu’il ne soit trop tard

Rédigé par leral.net le Mercredi 11 Juillet 2012 à 16:23 | | 0 commentaire(s)|

« L’Etat voit désormais ses prérogatives de puissance publique sérieusement concurrencées et remises en cause par des forces et des flux qui doivent leur impact à leur caractère résolument international ». (Josepha Laroche)


Sauvons notre peau avant qu’il ne soit trop tard
Il ne s’agit pas de faire l’éloge de l’interventionnisme militaire, mais face à la situation catastrophique qui prévaut au nord du Mali, il serait terrible pour la CEDEAO et l’ONU de rester amorphes, en pensant qu’une simple négociation pourra faire reculer ces bandes armées privées.
Les putschistes ont commis une erreur stratégique en renversant le Président Amadou Toumani Touré, lequel n’a pas été capable de gérer efficacement la menace des rebelles touaregs du Nord, et des islamistes d’Aqmi. Mais, je crois fermement que l’Afrique et l’ONU, empêtrées dans une lourdeur bureaucratique, avec une classe politique malienne profondément divisée, commettront également une erreur stratégique majeure en laissant ces bandes armées privées s’emparer définitivement du territoire malien, où le pouvoir central a perdu partiellement le monopole de la violence physique légitime. Ce serait grave pour nous les Etats voisins de laisser le Mali devenir un foyer du terrorisme et du djihadisme international. Sa dislocation entraînera le chaos et provoquera un état de guerre permanent, un état hobbesien.

Les enseignements que nous avons tiré de l’Afghanistan des talibans sont suffisamment graves pour accepter cet état de fait.
L’OTAN n’avait pas évalué suffisamment les conséquences de son intervention militaire en Libye. Car, en effet, la plupart de ces combattants qui ont renversé Kadhafi sont repartis avec armes et bagages pour semer le chaos au Mali et dans la sous région.
La lutte contre ces bandes armées criminelles se réclamant d’Al-Qaeda est un impératif.

Ce réseau global qui utilise les moyens de communication les plus sophistiqués sort définitivement du cadre de la question nationale, de la géopolitique, et il devient global. Il porte en lui une critique de la mondialisation. De plus, ce nouveau phénomène terroriste est capable de mobiliser les ressources humaines nécessaires, d’investir d’énormes sommes d’argent, et beaucoup de temps dans la planification et la conception d’une attaque criminelle, car il le fait dans le but ultime d’atteindre des cibles stratégiques et de déstabiliser l’ordre régional et mondial.

Le 11 septembre a ainsi confirmé nos appréhensions sur la stratégie post guerre froide de voir ces groupes armés adopter une nouvelle stratégie asymétrique et éviter tout choc frontal. Cette violence spectacle, radicale,
marque en outre, une mutation radicale dans les actions ordinaires du terrorisme. Cette rupture de sens trouve aussi ses explications dans la singularité de ce terrorisme globalisé. Il unit des acteurs criminels, aux origines sociales, et nationales différentes sur une même conception de l’Islam radical.

La violence totale, globale, était l’œuvre des régimes totalitaires. Sous le nazisme hitlérien et le fascisme mussolinien, on a assisté à des massacres sans précédents, où le but affiché par les dirigeants politiques d’alors était l’épuration ethnique en arrivant au stade industriel. A chaque période de l’histoire, on assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de terreur, de violence, avec de nouvelles méthodes.
Désormais nous accédons à l’ère des conflits asymétriques ou le nouvel ennemi ne combat plus à la loyale. Il utilise tous les moyens pour arriver à ses fins.

Il est avéré que Oussama Ben Laden, père spirituel de ces bandes armées privées fut soutenu financièrement et matériellement par la CIA, et les services de renseignements pakistano-saoudiens, pour venir à bout de l’ennemi soviétique en mettant sur pied un bureau chargé de recruter les jeunes extrémistes prêts à combattre les troupes soviétiques. Cependant, après la défaite de l’armée rouge, la plupart de ces combattants qui sont retournés dans leur pays d’origine se sont baignés dans un fondamentalisme pur et dur et ont voulu renverser leurs gouvernements, au profit de régimes extrémistes. Ces vétérans de la guerre afghane vont installer des cellules, et appliquer les méthodes de terreur et de combat qu’ils ont appris en Afghanistan contre leurs propres Etats.

On a tous été choqué de voir ces bandes armées détruire des mausolées à Tombouctou. Le monde ne doit plus se limiter aux simples déclarations de principes, et d’indignations. Le problème de la diplomatie, c’est qu’elle a toujours un temps de retard sur la réalité d’un théâtre d’opération militaire. Quand le mollah Omar et ses amis talibans ont investi Kaboul en 1996, ils prirent la décision de détruire tous les monuments, jugés profanes ; d’installer la terreur en faisant de l’Afghanistan une base arrière du terrorisme, mais la Communauté internationale resta passive. Ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre que les Etats ont décidé de remettre la question de la sécurité intérieure au centre des débats stratégiques.

Intervenir d’une façon intelligente, rapide et efficace au nord du Mali serait juste. La théorie de la guerre juste inaugurée par Saint Augustin, systématisée par Saint Thomas d’Aquin, implique une cause juste, c’est à dire un dernier moyen de réparer le préjudice quand toutes les voies pacifiques ont été épuisées. Ici il s’agit en l’occurrence d’empêcher que ces bandes armées ne prennent le contrôle total du pays, et ne nuisent à tous les Etats de la sous région et du monde entier. Donc, elle vise à promouvoir le Bien et à éviter le Mal.

L’arrestation la semaine dernière à Dagana de djihadistes confirme le danger qui menace nos frontières nationales, devenues poreuses. C’est pourquoi, il est capitale, malgré les contraintes financières, que le nouveau pouvoir entreprend la modernisation de nos forces armées, en augmentant ses effectifs, sa capacité de frappe et en développant ses services de renseignements.

Rien ne sera efficace infine si nos Etats ne mettent pas en place une politique ambitieuse de défense, tout en renforçant la coopération policière et judiciaire pour mieux lutter contre ces bandes armées privées criminelles, lesquelles attisent des conflits armés dans de nombreux pays pour mieux développer leurs activités.




Par Souleymane Sadio Diallo, docteur en science politique/pour tamba info
dialloley@yahoo.fr