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Suspension des auditions dans l'affaire des 74 milliards : La Justice se perd dans le "protocole"

La suspension des auditions annoncées dans le cadre de l’affaire des 74 milliards du protocole de Rebeuss, ne fait pas l’unanimité chez certains acteurs de la vie publique. Interpellés hier, mercredi 20 juillet, par la rédaction de sud quotidien, Moussa Sarr, porte-parole de la Ligue démocratique (Ld) affirme que «cette suspension donne une mauvaise image de la justice». Abondant dans la direction, le journaliste et analyste politique Yoro Dia, estime, de son côté, que l’arrêt des auditions montre que «l’initiative ne revenait pas au Maître des poursuites». «La seule chose qui reste, c’est de mettre en place le jury d’honneur », demande Boubacar Ba, président du forum du justiciable.


Rédigé par leral.net le Jeudi 21 Juillet 2016 à 11:04 | | 0 commentaire(s)|

Moussa Sarr, porte-parole de la Ligue démocratique (Ld) : « Cette suspension donne une mauvaise image de la justice »

« J’ignore les raisons qui ont amené le procureur de la République à suspendre les auditions qui étaient décidées, parce que nous avions entendu, à travers la presse, qu’il s’était auto-saisi de ce dossier. Une initiative que nous avions saluée parce que nous pensons que le moment est venu d’éclairer les Sénégalais sur ce scandale des chantiers de Thiès, mais aussi sur les 74 milliards parce qu’il est manifeste que c’est de l’argent qui oppose Abdoulaye Wade à Idrissa Seck. Cet argent-là est du contribuable Sénégalais. Donc, nous réaffirmons notre position selon laquelle la lumière doit être faite pour que les Sénégalais sachent à quoi s’en tenir. Et, s’il y a des fautifs, qu’ils soient sanctionnés pour que demain de tels scandales puissent être évités dans ce pays.

Je le répète encore, j’ignore les raisons qui ont emmené le procureur à suspendre les auditions. Mais nous pensons simplement que c’est une suspension et que ce dossier devra être repris par des autorités compétentes de la justice. Est-ce le procureur ou une autre instance judiciaire, je ne sais pas. Mais dans tous les cas, la lumière doit être faite et nous tous, la classe politique sénégalaise, avons intérêt que la lumière soit faite. Parce que de plus en plus, les scandales que nous connaissons discréditent la classe politique. Cela n’est pas bon pour la démocratie. Maintenant, cacophonie ou pas, dans tous les cas, cette suspension donne une mauvaise image de la justice parce qu’on a l’impression que ce qui devrait être fait ne l’est pas suffisamment pour que cette justice engagée soit atteinte. Il faut donc que toutes les personnes incriminées soient entendues ».

Boubacar Bâ, président du Forum du justiciable : « La seule chose qui reste, c’est de mettre en place le jury d’honneur... »

« La première question que je me pose est de savoir : est-ce que effectivement le procureur de la République s’était auto-saisi dans cette affaire. Parce que quand on parle de l’auto-saisine, cela veut dire que c’est le procureur qui a pris l’initiative d’ouvrir une information judiciaire, sans avoir reçu des injonctions ou d’instructions de qui que ce soit.

Mais, vu comment les choses se sont déroulées, on suppose qu’il avait plutôt reçu des instructions de la part de quelqu’un et c’est ce dernier qui lui a demandé d’arrêter les auditions. Et cela ne fait que conforter la thèse selon laquelle la justice sénégalaise est toujours dépendante de l’autorité politique. Ce que nous avons toujours dénoncé parce qu'il faudrait qu’on ait une justice indépendante. Il nous faut également couper le cordon ombilical qui lie le procureur de la République au ministère de la Justice, mais faire de sorte que le président de la République ne siège plus avec le ministre de la justice au Conseil supérieur de la magistrature.

Tout le monde avait salué la décision du procureur de la République d’ouvrir une information judiciaire concernant cette affaire. Mais dès l’instant qu’il a décidé de faire machine arrière, je pense que la seule chose qui reste, c’est de mettre en place, comme l’a proposé Idrissa Seck, un jury d’honneur, même si cela ne va certainement pas mettre à l’aise le pouvoir judiciaire, parce que les Sénégalais ont besoin d’être élucidés sur cette affaire. Depuis le début, nous nous sommes battus pour que le procureur s’auto-saisisse et entende toutes les personnes impliquées dans cette affaire de protocole de Rebeuss, en commençant par l’actuel président de la République qui occupait le poste de Premier ministre à l’époque ».

Yoro Dia, analyste politique : « Cela prouve que l’initiative ne lui revenait pas »

« Cette suspension des auditions montre que, dans notre système démocratique, la justice est le maillon faible. Cela veut dire qu’elle est sous la tutelle de l’Exécutif. Cela montre également qu’il n’y a pas de pouvoir judiciaire. Le procureur s’auto-saisit et se dessaisit dans la même journée, ça prouve que l’initiative ne lui revenait pas. La justice est assujettie au politique au Sénégal. Dans le système démocratique du Sénégal, la justice, les juges ne font pas leur travail. Ils sont toujours à la remorque de l’Exécutif. La justice devient une sorte de bras armée de l’Exécutif. C’est normal que les hommes politiques aient leur agenda. Les juges doivent avoir eux aussi leur propre agenda. L’agenda de la justice ne doit pas être celui du politique. Les deux doivent être séparés. Ce sont les politiques qui ont créé cette histoire qui est déjà jugée et qui concerne un ancien président de la République.

Cela veut dire que les fonds spéciaux sont aussi concernés. Je ne sais pas ce qui a arrêté le procureur, mais c’est quelqu’un qui a du bon sens. L’affaire Karim Wade a pris quatre ans. Si les gens ouvrent encore un autre feuilleton, le protocole de Rebeuss, cela pourrait nous prendre trois autres années. Ce qui fait que les sept ans de Macky, on aura consacré quatre ans à Karim Wade et peut-être trois ans au protocole de Rebeuss. On vient de terminer le baccalauréat, les résultats sont catastrophiques, on entend aucun homme politique se prononcer sur la question. Or, l’avantage du Sénégal, c’est la ressource humaine. Les résultats du Bac n’intéressent personne. Mais, quand il s’agit d’agenda politique, toute la classe politique s’y met. L’enseignement est à terre. On va vers l’hivernage, mais aucun membre de la classe politique ne s’y intéresse ».

Sud Quotidien