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Thiès - paiement des pensions de réversion : Le calvaire indescriptible des veuves

A Thiès, les veuves souffrent avant de percevoir leurs pensions de réversion. Depuis dix jours, elles passent leurs journées devant les agences de La Poste de la ville, pour ne rien recevoir. Elles dénoncent ces retards de paiement et interpellent les autorités. Reportage du quotidien « EnQuête »


Rédigé par leral.net le Dimanche 22 Août 2021 à 09:52 | | 0 commentaire(s)|

Thiès - paiement des pensions de réversion : Le calvaire indescriptible des veuves
Astou Diène fait les cent pas devant la grande agence de La Poste, à Thiès, malgré la fine pluie. Elle est fatiguée de rester assise et son pied droit, atteint d’arthrose, commence à enfler. Vendredi est la troisième journée que cette sexagénaire passe à La Poste. Elle n’a toujours pas reçu sa pension.

‘’Avant-hier, je suis restée ici jusqu’à 16 h, pour avoir de quoi préparer le repas de la Tamkharit. Mais je suis rentrée bredouille. J’ai dû emprunter encore de l’argent pour pouvoir faire la cuisine’’, confie-t-elle.
A l’entrée de l’agence, plusieurs femmes, des veuves pour la plupart, attendent. Sur place, pas de bancs pour s’asseoir. Certaines ont pris place sur les barres de fer fixées sur les murs de l’agence. D’autres ont étalé des tapis de prière, écharpes et sacs de riz vides à même le sol. Elles sont venues pour percevoir leurs pensions de réversion.

‘’C’est le fruit du travail de nos défunts maris que nous venons chercher. Ce n’est ni de l’aumône ni un prêt. C’est de l’argent qui nous revient de droit’’, martèle Oumou Diallo, assise par terre. Le visage fatigué, les traits tirés, des rides couvrent ses yeux larmoyants.

‘’Je suis là depuis 5 h du matin. Il est 14 h passées et je n’ai rien mangé. En venant, je n’avais même pas de quoi acheter un café’’, confie-t-elle.
Depuis quelques mois, percevoir la pension de réversion est devenu un casse-tête pour ces veuves. Elles sont obligées de faire des aller retours interminables dans les agences de La Poste pour recevoir moins de 40 mille francs CFA.

Certaines d’entre elles perçoivent moins de 20 mille francs. ‘’Avant, on percevait le 10 du mois. Mais maintenant, c’est compliqué ! On est le 20 aujourd’hui et toujours rien. C’est comme ça, depuis quelques mois’’, ajoute-t-elle.

Des femmes laissées à elle mêmes. Aucune explication plausible fournie par les agents de La Poste.
‘’Tantôt, ils nous disent qu’il n’y a pas de connexion, tantôt les machines sont en panne. On n’y comprend rien’’, déplore cette dame, la soixantaine, qui a préféré garder l’anonymat.

Amy Thiam a perdu son mari, il y a de cela quatre ans. Elle cache son visage derrière le bout de tissu décoloré qui lui sert d’écharpe. Son fils ainé ne travaille pas et ses autres enfants sont encore élèves. Cette pension est la seule source de revenu de la famille.

D’une voix triste et à peine audible, elle explique : ‘’En venant, je n’avais personne pour faire la cuisine à la maison. Et j’ai laissé un malade chez moi qui doit manger et je suis encore là. Je ne compte que sur cet argent pour nourrir ma famille’’, déclare-t-elle. De l’argent qui ne suffit pas pour couvrir les charges de sa maison.

‘’Je reçois moins de trente mille, alors qu’il faut payer la nourriture, les factures d’eau et d’électricité, les frais de scolarité des enfants et se soigner, quand on tombe malade. C’est trop dur. Je suis endettée jusqu’au cou’’, confie Amy.

Elles dénoncent une maltraitance de la part des agents de La Poste
La dame Maguette Diop, elle, interpelle le chef de l’Etat. ‘’Puisqu’il faut supplier pour avoir notre argent, nous supplions le chef de l’Etat de nous venir en aide. Cette situation devient intenable’’, lance-t-elle.

‘’Je paye 1 200 F à chaque fois que je viens, parce que mes pieds me font mal. Depuis le 10, je viens tous les jours. Imaginez combien je dépense dans le transport et ma pension est très maigre’’, dit-elle, amère.

Autre fait dénoncé par ces veuves, le traitement que les agents leur réserve, quand elles viennent pour percevoir leurs pensions. ‘’Ils nous maltraitent !’’, s’écrie Maguette.
‘’On n’a nulle part où s’assoir, ici. Et quand ont entre, les agents de sécurité nous demandent de sortir et d’attendre dehors. Ils nous crient même dessus. Et pourtant, nous avons l’âge de leurs mères’’, dénonce Amy Thiam.

‘’Nous quittons nos maisons avant la prière du Fadjr. Et eux ne viennent qu’après 8 h. Il a plu toute cette semaine. On n’a même pas où s’abriter de la pluie’’, fulmine Astou Diène.

Des veuves qui s’inquiètent également des retenues sur les pensions, après l’avance Tabaski. ‘’Nous avons peur qu’ils fassent les retenues de l’avance Tabaski. La pension est déjà maigre. Enlever dix mille de ce que nous devons percevoir ne ferait qu’empirer notre situation’’, confie Marguerite Samb.

Elle est veuve et retraitée. Elle n’avait reçu que vingt mille comme avance Tabaski. Il était pourtant annoncé que l’avance Tabaski est fixée à cent mille francs par le président de la République.

‘’En tout cas, moi, je n’ai reçu que vingt mille. Je ne sais pas pourquoi, puisqu’on nous avait parlé de cent mille’’, a-t-elle expliqué.

Ces femmes disent vivre un supplice avant de percevoir des pensions qu’elles jugent dérisoires. Elles souhaitent des mesures qui leur permettent de rentrer dans leurs fonds, au début de chaque mois.
Enquête