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Tivaouane et Touba: Deux démarches, un même gouvernail

Les Khalifes généraux des Tidianes et des Mourides ont une fois de plus montré leur noblesse d’âme et de caractère dans la gestion de la pandémie de Covid-19. Malgré le tumulte, ils ont orienté les fidèles par des actes empreints de patriotisme, avec des approches différentes, mais toutes adossées à la foi.


Rédigé par leral.net le Mercredi 28 Octobre 2020 à 15:26 | | 0 commentaire(s)|

La pandémie de Covid-19 a révélé la résilience de tout un peuple et davantage mis en lumière la personnalité des figures religieuses du Sénégal. Dans la panique, elles ont apaisé les esprits. Face aux lendemains incertains, elles se sont mises au service de la communauté avec des démarches différentes, mais toutes guidées par leur foi qui n’a jamais chancelé.

À Tivaouane, Serigne Babacar Sy Mansour, toujours apparu en public avec son masque, a été constant et cohérent. Le Khalife général des Tidianes a jugé utile, face au péril de la Covid-19, d’aborder cette phase critique avec prudence. Son discours de vérité, émaillé de références historiques et jurisprudentielles, a été persuasif pour toute une communauté de foi qui se voit priver de ses communions annuelles par le sort qui accable l’humanité.

Constance et cohérence

Dès l’apparition du premier cas de coronavirus au Sénégal, le lundi 2 mars 2020, Tivaouane s’est inscrite dans une posture de cohérence, invitant au respect des mesures-barrières, comme l’a édicté l’Organisation mondiale pour la Santé et à éviter les rassemblements. Les « ziarra » ont été annulées. « Le khalife général Serigne Babacar Sy Mansour a adopté une ligne de constance depuis l’apparition du virus au Sénégal », se réjouit Serigne Abdoul Hamid Sy « Al Amine », responsable de la cellule communication du Gamou, ajoutant que cette décision est née d’un large consensus avec tous les membres de la famille Sy qui, en son sein, compte des médecins.

D’après lui, c’est le 14 mars que le président de la République a commencé à sensibiliser la communauté, à la veille de la « ziarra » générale, un important rendez-vous qui fait partie de l’agenda de Tivaouane depuis 1927. Les premiers fidèles qui commençaient à venir dans la cité religieuse, ont été obligés de retourner chez eux.

Au nom de la jurisprudence

Serigne Babacar Sy Mansour a pris la responsabilité de fermer les mosquées qui pouvaient être un terreau de transmission de la maladie de même que les mausolées. « Cette mesure a été respectée à Dakar et un peu partout au Sénégal », affirme le fils du défunt Khalife général des Tidianes et illustre porte-parole de cette confrérie, Serigne Abdoul Aziz Sy « Al Amine ».

D’après lui, cette démarche repose sur un hadith du Prophète Mouhamed perpétué par Seydi El Hadji Malick Sy qui dissuadait les musulmans de sortir d’une localité pandémique ou de s’y rendre. « En 1919, il y avait une épidémie de peste et Maodo avait écrit et adressé une lettre à toutes les mosquées de son obédience, pour se conformer aux directives du corps médical. C’est cette même logique qui a poussé le khalife à fermer les écoles coraniques et à retourner les apprenants chez eux », explique Serigne Abdoul Hamid Sy, non sans rappeler l’annulation de la « ziarra Achoura (tamkharit) ».

Il en avait fait de même auparavant pour les prières communes de Tabaski et de Korité, pour les mêmes raisons. « La Covid-19 est toujours chez nous. Soyons prudents ! Les médecins n’encouragent pas les rassemblements. C’est dans cet esprit, en cohérence avec la ligne adoptée depuis le début de la pandémie et sur les recommandation des hommes de l’art, qu’il a pris la décision d’annuler la célébration du Gamou à Tivaouane », a-t-il déclaré.

La pédagogie par l’exemple

À Touba, la symbolique se rattache également à la foi et à la bienveillance. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké n’a-t-il pas été l’un des premiers à répondre à l’appel de la Nation en mettant à la disposition de l’État, 200 millions de FCfa pour faire face à la crise économique que faisait craindre l’apparition de la Covid-19 ? Les Sénégalais, de toutes obédiences, s’en étaient émus.

Aux yeux du médecin-chef de région, Dr. Mamadou Dieng, le Khalife général des Mourides a beaucoup contribué à « décomplexer » certains Sénégalais sur le port du masque, en mettant en relief une pédagogie par l’exemple. Cela a été d’un grand secours lors du grand Magal de Touba, lors duquel la communauté s’est prise en charge. Par la voix de Serigne Bassirou Mbacké Abdou Khadre, il a appelé les disciples à la vigilance et au respect des mesures-barrières.

Unité d’action et de prévention épidémiologique

En perspective de ce grand rassemblement annuel, il a mis en place une Unité d’action et de prévention épidémiologique sous la conduite de Dr. Lamine Guèye, pour travailler en bonne intelligence avec le corps médical. Jusqu’ici et plusieurs jours après le Magal, les craintes sur une propagation de la maladie ne se sont pas confirmées, s’est félicité Dr. Dieng.

Pour le conférencier Fallou Gallas Sylla, quand le Khalife général des Mourides s’est rendu à la Grande mosquée de Touba pour la prière du vendredi en pleine pandémie, c’était moins un acte de défiance qu’une action de perpétuation de l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba et une manière de montrer aux disciples, la bonne attitude à avoir. Car, il y était apparu avec le masque et tous les gestes-barrières étaient respectés.

« En plus d’être un saint homme, il a tous les attributs d’un citoyen modèle. C’est la leçon de vie et de foi qu’il transmet à l’humanité », dit-il, non sans rappeler le discours fort du religieux lors de la prière de la Korité, où il appelait les fidèles à considérer le virus comme une créature de Dieu accomplissant une mission comme toutes les composantes de l’univers.

Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a veillé à la célébration du culte sans braver les périls de manière aventureuse. L’organisation de la 126e édition du Magal de Touba en est une belle illustration.





Le Soleil

Ndèye Fatou Kébé