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Trois questions à Modibo Diop, leader politique et ex-directeur de l’Aser: «En 2 ans, j’ai quadruplé le taux de 40 ans d’électrification rurale !»


Rédigé par leral.net le Samedi 6 Août 2016 à 19:13 | | 0 commentaire(s)|

Qui travaillait avant l’aube peut se reposer avant le soir ! Cet adage, l’icône politique de la jeunesse de Gueule-Tapée-Fass-Colobane et ex-directeur de l’agence sénégalaise de l’électrification rurale (Aser) peut se l’approprier. Et pour cause, c’est sous son magistère que l’Aser s’est départie de la déchéance dans laquelle elle a été plongée depuis sa création en 1999, pour éclore au grand bonheur du Sénégal des profondeurs. En 2 ans et demi, le taux de l’électrification est passé de 15 à 23 %. Pour autant, Modibo Diop ne tardera pas à payer le lourd tribut de sa gloire. Victime d’une conspiration longuement ourdie par ses rivaux en politique, il finira par être éjecté de son siège et trainé en justice. Au sortir de cette mésaventure, la notoriété de l’homme s’est amplifiée, même dans la sphère religieuse. Homme politique et brillant ingénieur, l’homme est toujours au service de son pays. Dans cet entretien accordé à Senenews.com, il est revenu, à cœur ouvert, sur son bilan rayonnant, son leadership religieux et son essor fulgurant en politique. Background qui cause actuellement la panique chez certains ténors libéraux.

Modibo ! Ce nom est très familier aux Dakarois. En même temps, il est associé à l’Aser. Pourriez-vous nous retracer brièvement votre passage à la tête de cette agence ?

Tout d’abord, je préciserai que je suis ingénieur et pur produit de l’école polytechnique de Thiès (encadré par l’école polytechnique de Montréal) où je suis sorti en 1984. J’ai tout de suite travaillé dans de grandes sociétés françaises au Sénégal pendant 10 ans et j’ai eu à gravir tous les échelons. D’abord, comme simple ingénieur commercial; ensuite, directeur commercial; enfin, directeur général jusqu’en 95. A cette date, j’ai intégré la consultance internationale, dans les finances, l’énergie et l’eau où j’ai eu à représenter de grandes sociétés françaises au niveau du Sénégal et plus d’une dizaine de pays de la Cdeao. Entre autres, il y a la société Electricité de France pour laquelle j’ai beaucoup travaillé dans des projets structurants d’électricité et d’eau. J’ai également travaillé pour des structures comme «water house» et de grandes sociétés comme Aréva et Siémens. C’est ce cursus que j’ai eu par la grâce de Dieu avant d’atterrir en 2007 à l’agence sénégalaise de l’électrification rurale comme directeur général. Et ce fut par la grâce de Serigne Saliou Mbacké qui m’avait mis en rapport avec le président Wade dans les années 90. Par la suite, le président Wade m’a choisi pour présider à la destinée de l’Aser. Sur le plan professionnel, cette mission a été un très grand succès pour moi-même et pour l’Aser. Cette dernière a été créée en 1999 avec pour objectif d’électrifier le Sénégal. Quand je suis arrivé en 2007, ce que j’aime rappeler avec beaucoup de plaisir, le taux d’électrification rural était à 15 %. Quand je quittais la direction, après 2 ans et demi, le taux était à 23%. J’ai fais monter le taux de 8 points en deux ans. Pour référence, de 1960 à 2000, ce taux était à 5%. En définitive, j’ai fait en 2 ans ce que d’autres n’ont pas pu faire en 40 ans. Cet exploit, on ne peut le nier! C’est une réussite connue de tous les Sénégalais qui avaient l’habitude de voir les équipes de l’Aser à l’œuvre sur toute l’étendue du territoire, dans les zones les plus reculées et dans toutes les contrées religieuses. J’ai réussi à donner une dimension sociale à l’électrification, et cela a été un succès reconnu par le gouvernement de l’époque et les bailleurs de fonds qui m’ont félicité publiquement dans des conférences internationales. Mais vous savez, souvent quand la politique se mêle à la profession, cela pose problème.

Pourrait-on insinuer que cette réussite a été à l’origine de vos démêlés avec la justice? Et pourquoi ?

C’est exactement cela. La réussite a posé problème au sein de mon parti, le Pds, parce que quand tout était sombre dans l’énergie, l’Aser se portait à merveille. En témoignent mes séances à l’assemblée nationale et au sénat. Il y avait tout le département de l’énergie, mais j’étais le seul à être félicité par les élus du peuple pour le travail que j’abattais. Les sénateurs et députés me rendaient hommage devant l’assistance, et cela suscitait de la jalousie. Les remerciements que je recevais mettaient certains à l’étroit dans ce vaste département de l’énergie. Du coup, je suis devenu une cible potentielle, l’ennemi à abattre. Je savais que tôt ou tard, j’aurai des difficultés. En tout cas, au plan professionnelle, tout le Sénégal sait ce que nous avons réalisé. Ainsi, j’ai quitté l’Aser avec fierté et le sentiment d’avoir fait un excellent travail pour mon pays et pour les Sénégalais. Je remercie ces derniers pour leur appréciation et leur soutien. Quand j’ai eu des problèmes «politiques» qui m’ont conduit en prison, des gens se sont réunis jusque dans les villages les plus reculés du pays, pour réciter le coran et formuler des prières. Les sympathisants étaient convaincus que je me battais pour rendre concrète la vision du président Wade. Mais quand vous êtes dans un parti ou le succès se paye cash, les problèmes ne manqueront pas; et les Africains gagneraient à rompre avec cette façon de faire la politique. Je suis dans une commune assez spéciale (Fass-Gueule Tapée-Colobane) qui est l’une des rares communes où le Pds n’a presque jamais perdu des élections. Je partageais cette commune avec des personnalités du Pds qui, franchement, n’ont pas compris que je travaillais pour eux. Ce qui s’est passé est que nous avons gagné notre commune quand tout était vert et que le Pds perdait Dakar pour la première fois. On s’est battu et le président Wade m’avait demandé solennellement de céder la mairie à l’une de nos sœurs, Seynabou Wade, ce que j’ai accepté et j’ai continué à travailler aussi. Lors des renouvellements, sur les 19.000 cartes, nous avions les 12.000 et cela a fait peur aux personnalités politiques qui y étaient depuis longtemps. D’autant que je venais d’arriver en politique avec la popularité due à l’Aser. Malgré tout, j’ai du les rassurer sur mes intentions de travailler uniquement pour les populations, le parti et le président car je suis ancré dans le principe qu’au-delà des structures politiques ou étatiques, la seule constante est de servir le peuple. Mais comme vous le savez, les suspicions ont longue vie, et des messages négatifs ont été transmis à notre sujet.

C’est avec vous qu’un collectif de marabout avait pris d’assaut les locaux de la Dic. Aujourd’hui encore, il se dit que vous êtes une idole incontestable pour la jeunesse dakaroise. A quoi cette aura est-elle due ?

J’ai trouvé un système économique qui a développé la PME et la PMI. J’ai regroupé des jeunes de Dakar pour qu’ils montent des sociétés, des GIE et ces jeunes ont soumissionné à des marchés, naturellement, à l’Aser pour gagner de l’argent et aller travailler à l’intérieur du pays. J’ai amené ces jeunes dans les banques pour les bancariser , je les ai amené devant les bailleurs de fonds pour leur donner un potentiel, ce qui fait que ces jeunes-là, en gagnant de l’argent par un travail normal et légal, ont pu faire face à la demande sociale. C’est cela mon astuce. C’est là le succès que j’ai eu, j’ai réussi à donner du travail et non de l’argent. Beaucoup n’avaient pas compris que c’est une théorie économique qui démontre l’importance de tirer la croissance par la petite entreprise. J’ai appliqué une théorie libérale par le biais de l’Aser et cela a été mon plus grand succès. J’ai pu créer des milliers d’emplois en milieu jeune avec énormément de revenus dans des zones sociales fragilisées par la pauvreté. On a donc fait face concrètement à la demande sociale, et cela rend populaire parce qu’on est utile à des gens au moment où on occupait des postes plus stratégique sans songer à une quelconque demande sociale. C’est une vision libérale que j’ai développée dans une agence nationale et le succès n’a pas tardé. S’agissant du soutien des marabouts, je rappelle que je suis mouride de souche et depuis très longtemps. Je n’ai pas connu Touba en 2002 comme bon nombre de mes camarades de parti. Pour mémoire, Abdou Dieng Balla Faly, un grand érudit mouride, logeait chez ma grand-mère à Colobane quand il venait à Dakar, et ce fut aussi le cas pour l’actuel khalife général des mouride, Serigne Sidy Makhtar, qui y logeait dans les mêmes conditions. Le mouridisme, c’est dans mon sang, ce n’est pas une couverture, encore moins une stratégie. Tout le monde connait mes relations privilégiées avec Touba, et c’est antérieur à ma vie politique. Pendant plus de 25 ans, j’ai été un proche de Serigne Saliou Mbacké, et c’est chez lui-même que le président Wade m’a connu. C’est vrai que c’était impressionnant à la Dic. Pendant mes 16 heures d’audition, une ribambelle de jeunes marabouts étaient au dehors et ils m’ont suivi après, en cortège. Ils m’ont soutenu pour ce que je représentais pour Serigne Saliou, un disciple, un ami, un confident et je rends grâce à Dieu et à Serigne Touba pour la place privilégiée que j’ai dans cette famille qui a très tôt compris que j’étais victime d’une injustice politique. J’ai aussi d’excellents rapports avec toutes les autres familles religieuses du Sénégal. Serigne Abdou Aziz Sy Junior est un grand ami comme le fut Imam Hassan Cissé de Médina Baye. C’est pareil pour Chérif Ousseynou Laye qui fut un grand ami. Pour l’Eglise, je me faisais le plaisir de rencontrer le Cardinal chaque année. D’ailleurs, j’ai électrifié énormément d’églises et de diocèses. Aujourd’hui, j’entretiens ces relations qui sont purement humaines !
Propos recueillis par El Bachir THIAM senenews.com

Ndèye Fatou Kébé