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Un Sénégalais kamikaze en Irak : Des spécialistes parlent d'épiphénomènes

Un Sénégalais du nom d'Abdou Djafar figure parmi les kamikazes du triple attentat-suicide qui a tué quatre soldats irakiens, au niveau du poste frontière de Toureibil entre l'Irak et la Jordanie. L'information laisse circonspect et interpelle sur le danger encouru par le Sénégal, avec cette flambée djihadiste. Des spécialistes décryptent le phénomène.


Rédigé par leral.net le Mardi 28 Avril 2015 à 14:58 | | 0 commentaire(s)|

Un Sénégalais kamikaze en Irak : Des spécialistes parlent d'épiphénomènes
Un Sénégalais, kamikaze ! L'image suscite l'émoi dans la capitale sénégalaise avec une série de questionnements sans réponse. Mais un psychologue interpellé hier sur la question estime qu'il s'agit d'un "épiphénomène". "Un seul cas est enregistré. On n'est pas au stade de tendance. Donc, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Ce n'est pas un phénomène, scientifiquement parlant. Il peut arriver que des Sénégalais qui vivent, par exemple, en Inde, en Australie ou dans d'autres contrées du monde, posent des actes pires que les populations autochtones, pourtant ce sont des cas isolés", rassure-t-il. Mais cette explication ne balaie pas le scepticisme de quelques compatriotes qui craignent que le cas de ce Kamikaze ne soit la face visible de l'iceberg. Déjà qu'au mois de mai 2013, un rapport de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao) tirait la sonnette d'alarme. Il soulignait que "le Sénégal n'est pas totalement à l'abri d'une propagation de la menace djihadiste, ne serait-ce que sur le plan idéologique". Des menaces prises au sérieux par le gouvernement de Macky Sall qui s'est résolu, depuis quelques années, à renforcer le dispositif sécuritaire et à mettre en œuvre des mécanismes de prévention aptes à contrecarrer le terrorisme. L'armée sénégalaise s'est récemment dotée de trois drones et hélicoptères de combat pour venir à bout du terrorisme.

"... nous ne devons pas dormir sur nos lauriers"

Par ailleurs, des universitaires sénégalais n'ont eu de cesse de dénoncer, depuis quelques années, la menace des "wahabistes" ou encore des "salafistes" qui seraient en train de ratisser large, aussi bien dans notre pays que dans d'autres régions du monde. Ces deux mouvements islamiques, aux origines saoudiennes, qui se distinguent par leur caractère conservateur, attirent de plus en plus de jeunes désireux de purifier l'islam de toute innovation ou influence étrangère. Pour parer à toute éventualité, des prédicateurs d'émissions religieuses, tels le journaliste Maodo Faye, par ailleurs animateur d'émissions religieuses sur la radio Sud Fm, sonnent l'alerte depuis plus de deux ans. Ils préviennent d'un enrôlement des jeunes Sénégalais dans des mouvements qui réclament l'instauration de cet islam radical, en mesure de combattre l'hégémonie de l'Occident, voire des Etats-Unis d'Amérique qui ont, à leurs yeux, orchestré une campagne de dénigrement à l'encontre de la communauté musulmane.

Aujourd'hui, l'animateur d'émissions religieuses en appelle à la vigilance. "On ne peut pas identifier, à l'œil nu, ces mouvements bien établis un peu partout dans la sous-région et notre pays n'est pas à l'abri. Ils recrutent des jeunes révoltés par la lutte menée actuellement contre l'Islam. Des innocents sont tués en toute impunité, la religion musulmane est reléguée au second plan. En France, par exemple, on tolère l'homosexualité bannie par l'islam ; et quand le Prophète Mouhamed (Psl) est attaqué, on parle de liberté d'expression. Israël bombarde la Syrie, personne ne réagit. Politiquement, il y a beaucoup de problèmes. Pour ces jihadistes, c'est le seul moyen de pression à leur disposition. Ils cherchent à faire trembler les occidentaux et à rétablir la justice, ce au prix de leur vie." Si des jeunes endoctrinés se recrutent aussi bien en France, qu'en Belgique, pour les religieux, la présence de Sénégalais dans ces rangs ne doit guère surprendre. "On a l'habitude de mettre en avant l'islam confrérique, cette image d'un islam pacifique dans notre pays, mais nous ne devons pas dormir sur nos lauriers", ajoute le prédicateur.

"Les Sénégalais ne sont pas enclins (...) à poser de tels actes"

Pour sa part, l'islamologue, Imam Hassane Seck, titulaire d'une maîtrise en Droit islamique et premier viceprésident de la Ligue des Imams et Prédicateurs du Sénégal (LIPS), souligne qu'il faut savoir raison garder. "Un Sénégalais infecté par un tel virus l'a certainement été de l'extérieur. Ce kamikaze a certainement fait l'objet d'un endoctrinement profond, car cela est contraire à nos croyances religieuses. Je crois que les Sénégalais et les religieux ne sont pas enclins, par rapport à leur éducation, à leur formation, à poser de tels actes", dit-il.

Des universitaires craignent que la "wahabisation" de quelques pays africains dont le Sénégal ne crée désordre. Ils mettent en avant la prolifération de structures d'enseignement à vocation islamique dans notre pays. Mais sur ce point, l'islamologue tient à apporter des précisions : "Toutes les écoles de formation islamique présentes au Sénégal, dit-il, vont à contre-courant du terrorisme. Elles luttent généralement contre la formation d'un Sénégalais enclin à la violence. Elle vise des générations montantes et font la promotion d'un islam pacifique." Autre précision du vice-président de la ligue des Imams et Prédicateurs du Sénégal (Ips) : "Contrairement à une idée véhiculée, les wahabites et salafistes ont toujours prôné la non-violence. Ils servent de rempart contre le terrorisme", dit-il.

"L'Islam, une antinomie au terrorisme"

Par ailleurs, la proximité avec le Mali où des groupes de terroristes armés font leur loi au nord du pays ne doit pas créer, à ses yeux, un climat de suspicion. "Comparaison n'est pas raison. Le Sénégal et le Mali sont deux pays voisins, mais très différents, aussi bien du point de vue géographique que sur le plan des composantes ethniques. La chute de Kadhafi a contribué à cette situation. Il n'y a pas cette contingence qui lie le Mali à la Lybie avec le Sénégal", rassure Imam Hassane Seck. Entres autres solutions, il préconise la mise à contribution des guides religieux. "De même qu'un corps vivant peut être affecté par une excroissance ou un cancer causé par la folie des cellules, une religion peut aussi être affectée par des personnes embrouillées, à cause d'autres facteurs étrangers à cette religion, qui cherchent à interpréter ces textes d'une manière erronée, versant dans le compte du terrorisme. Des interlocuteurs ne peuvent être plus privilégiés, pour faire revenir ces personnes à la raison, que les acteurs religieux qui font autorité. Ils doivent les faire revenir au juste milieu qui est l'une des caractéristiques de l'Islam, une antinomie au terrorisme".

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