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Un armateur de pêche dans les filets du foot

Un tour du monde de dix-huit mois en traversant vingt-quatre pays à la rencontre des footballeurs de la planète… Voilà le projet un peu fou de trois mordus du ballon rond. Football365 a décidé de suivre leurs aventures. Premier volet de leur passage au Sénégal


Rédigé par leral.net le Jeudi 23 Octobre 2008 à 06:02 | | 0 commentaire(s)|

Un armateur de pêche dans les filets du foot
Début d’après midi. Quartier du plateau, c'est-à-dire en plein centre de Dakar. Nous allons à la rencontre du président du comité de normalisation, Monsieur Saer Seck, afin de réaliser son interview et d’obtenir des informations concernant l’état actuel du championnat sénégalais. En effet, ce dernier a connu une période difficile suite à la CAN 2008. Quelles en ont été les raisons ? Problèmes financiers ? Corruption ? Mésententes entre les dirigeants ? Pour répondre à ces questions, nous sautons dans le premier taxi jaune et noir que nous apercevons et en avant ! Problème : le premier taxi-driver n’a aucune idée de l’endroit que nous lui mentionnons. Soit, nous prendrons le suivant. « Bonjour, pouvez-vous nous conduire à CICAV ? », « Hamoul problème, c’est 3 000 », nous répond le second chauffeur, « D’accord, savez-vous où ça se trouve ? », demandons-nous, « Non je ne sais pas trop », nous répond-il… C’est alors le début d’un petit périple automobile.

En effet, la scène est récurrente avec la dizaine de taxis arrêtés. Le chauffeur peut nous emmener au prix fort quelque part mais certainement pas où nous souhaitons aller. Que faire ? Un gendarme, qui observait la scène depuis quelque temps, vient à notre rencontre et nous apprend que ce n’est pas la CICAV que nous cherchons mais le quartier SICAP ! Forcément, ça ne pouvait pas coller. Nous voilà donc partis pour le quartier SICAP, soit une petite ville dans la ville de par son étendue. Suite à quelques soucis d’orientation, il nous est indispensable de passer plusieurs coups de fil à Monsieur Seck afin de trouver son bureau. Enfin, c’est un bras tendu (appartenant à l’homme que nous cherchons) sortant d’une fenêtre haute perchée qui nous indique le chemin à suivre.

Dans la salle d’attente, point de photos ou d’objets rappelant cette diablerie de ballon rond mais plusieurs clichés de pêche au thon à la canne et à la gaffe. M.Seck nous accueille chaleureusement. C’est le président du Comité de Normalisation Sénégalais de Football que nous sommes venus interrogés. Cependant, M.Seck se présente d’abord comme le PDG de quatre entreprises de pêche. Son métier premier est celui d’armateur (pêche au thon principalement et exportation de crevettes). Les sociétés qu’il dirige constituent un véritable petit empire halieutique. Il fait également partie (excusez du peu) des « quatre fous » ayant participé à la création de l’institut Diambars situé à Saly. Il s’agit de Jimmy Adjovi-Boco, (béninois et ancien joueur de l’équipe de Lens), Bernard Lama, (guyanais et ancien portier de l’équipe de France), Patrick Vieira (sénégalais, milieu défensif de l’équipe de France) et Saer Seck, homme d’affaires ayant connu une brève carrière footballistique dans son pays.

Diambars (« guerriers » en wolof), cette école modèle sur le continent africain et à la renommée internationale. Le leitmotiv de cette dernière, est de donner à ses jeunes élèves (entre 13 et 17 ans) une éducation à travers le sport… Cet institut, aux structures très modernes, forme d’abord des footballeurs (20 à 30 % d’entre eux deviendront professionnels) mais elle s’engage également à fournir un enseignement de qualité durant les cinq années de scolarité. Ainsi, les 70% restant obtiendront un métier, au mieux en lien avec le football sinon dans un autre domaine. Une aubaine dans un pays comme le Sénégal où le taux de scolarisation atteint des pourcentages extrêmement faibles dans les milieux sociaux les plus défavorisés. Une priorité pour M.Seck qui, depuis que l’institut existe, doit donc jongler entre le management de ses quatre entreprises et son rôle majeur au sein de l’école de formation. Tâche ardue !

Comme si ses occupations n’étaient pas assez prenantes, Saer endosse, en début d’année 2008, un rôle nouveau et unique en son genre au sein de la communauté footballistique sénégalaise. En effet, à l’issue de la CAN 2008 est apparu « un désamour » entre les membres de l’équipe fédérale et l’équipe nationale. Les mauvais résultats des Lions de la Teranga (élimination au premier tour contre la Tunisie) ont échauffé les esprits et de nombreuses pressions ont abouti à la démission en cascade des membres fédéraux. Comme si cela ne suffisait pas, les vieux conflits entre la Fédération et le Ministère des Sports ont refait surface. Ces bouleversements, ainsi que le manque de moyens financiers qui en ont découlé (pas d’argent venant de l’Etat ou de la feu Fédération), ont logiquement provoqué un arrêt du championnat sénégalais. Il fut alors nécessaire de mettre en place une structure transitoire d’exception agréée par la FIFA. La lettre de mission était la suivante : relance du football sur le plan local, respect du calendrier international, réforme des textes, unification du football entre les navetanes (matchs de quartier) et le reste du foot sénégalais. Plébiscité pour devenir président de cette structure appelée comité de normalisation, Saer hésite à endosser ce difficile rôle. Mais bien que le moment soit mal choisi et que la tâche se révèle particulièrement ardue - « on est surveillé comme du lait sur le feu » - la passion prend le pas sur la raison. Et de l’aveu même de M.Seck : « Quand il faut y aller, il faut y aller ! »

Aujourd’hui, le chantier débute à peine et les challenges semblent toujours aussi importants : manque de moyens, désamour entre le public et l’équipe nationale… Cependant, la création du comité n’aura pas été vaine puisqu’elle a permis la reprise du championnat en août dernier. Pourtant, ce dernier, alors qu’il souffrait déjà d’un manque de popularité auparavant, peine encore à rivaliser avec les navetanes, ces matchs de quartiers qui tiennent en haleine tous les Sénégalais pendant la période estivale. Le fossé se creuse quant au spectacle proposé d’où l’objectif prioritaire du Comité : redorer le blason du championnat sénégalais. D’un certain point de vue, Saer y participe déjà depuis la création de l’institut, certains des pensionnaires de Diambars étant susceptibles d’intégrer le championnat local. Et donc de le rendre plus attractif…

A travers ses différentes actions sur le football national, M.Seck possède le profil parfait pour perdurer à la tête de la future organisation fédérale. Est-ce son envie ? Nous ne pouvons répondre. Toujours est-il que ce passionné de football, qui partage sa matinée à la mer et dédie son après-midi au ballon rond, cultive bien une sorte de folie constructive. Pourvu que ça dure !

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