Leral.net | S'informer en temps réel

« Ganalé » au retour de la Mecque : Entre ripaille et festivités

Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Octobre 2015 à 21:39 | | 0 commentaire(s)|

Cinquième pilier de l’Islam, le pèlerinage à La Mecque est devenu au Sénégal un véritable phénomène social où se mêlent business et festivités, généralement sans rapport avec le sacré. Entre les cérémonies familiales organisées au départ comme au retour d’Arabie saoudite et l’achat des présents à distribuer aux parents et amis, les Sénégalais peuvent dépenser des sommes faramineuses pour un seul pèlerin. Les Sénégalaises sont généralement accusées d’être à l’origine des excès constatés.


« Ganalé » au retour de la Mecque : Entre ripaille et festivités
Effectuer le pèlerinage à La Mecque, tous les musulmans et musulmanes en rêvent. Il devient comme un impératif pour ceux qui le peuvent. Pour d’autres, moins nantis ou aux moyens limités, faire des économies pour pouvoir se rendre au lieu saint de l’Islam s’impose comme une nécessité impérieuse. Certains même, plus veinards que d’autres gagnent leur billet grâce à des tirages. La Mecque, lieu sacré de dévolution religieuse est aussi le lieu adéquat pour réaliser de bonnes affaires. Surtout pour les commerçantes et autres femmes d’affaires. Il n’est, dès lors, pas étonnant qu’elles s’inscrivent en masse pour le «Hadj», beaucoup en profitant pour les affaires : commerce, restauration, etc. S’expliquant sur les pratiques ostentatoires notées dans le déroulement du «Hadj» au Sénégal, cette nouvelle «Adja», fraîchement débarquée de La Mecque, affirme que ces faits sont «des réalités de la société auxquelles on est obligé de se soumettre, pour éviter la marginalisation». Il est normal qu’on distribue des présents aux parents et amis au retour de La Mecque», se défend cette autre pèlerine sous le sceau de l’anonymat. Aussi, beaucoup tiennent, avant d’embarquer, à faire le tour des connaissances et parents pour des «séances d’au revoir». Un prétexte fort rentable dans la mesure où ils sortent souvent le porte-monnaie renfloué de billets de banques. Et dans ce cas-ci, comme une sorte de «ndawtal», le rendez- vous du donner et du recevoir trouve tout son sens. En échange de cette générosité, obligation lui est faite d’acheter à chacun de ses bienfaiteurs, un cadeau symbolique estampillé « La Mecque ». Encens, foulard, chapelet, … tout y passe, au titre de «cadeaux venus de La Mecque». En effet, c’est à de véritables excès qu’on assiste durant les festivités marquant le retour des pèlerins de la Mecque. En cette période- ci, ne vous y trompez surtout pas! Dès que vous voyez un gros taureau attaché à l’entrée d’une devanture de maison, ne posez même pas la question. C’est un «ganalé» en bonne et due forme qui se prépare. Les Sénégalais, friands de cérémonies et passés maîtres dans l’art du voyez-moi et du gaspillage, ne lésinent pas sur les moyens pour mettre les petits plats dans les grands.

Le «Yébbi» fait son entrée dans les «ziarras»

Jadis réputé pour son aspect sobre et discret, le «ganalé» se fait maintenant en grandes pompes. Les Sénégalais réputés pour leurs largesses («xeurr») ne se privent et effectuent des dépenses ahurissantes pour des repas gargantuesques auxquels tous les parents et proches sont conviés. L’occasion est aussi toute trouvée pour se livrer à des «ziarras» d’une autre trempe. Vu que la belle famille sera présente, c’est le lieu pour l’épouse du nouveau «Hadj» de démontrer sa «force» et de faire bénéficier à ses beaux-parents de ses largesses. C’est ce qu’on exprime généralement sous le vocable «yébbi». Une expression qui est lourde de significations. Et qui signifie offrir des présents (qui se résument en termes de grosses enveloppes d’argent ou de tissus) à ses «njekké» (belles sœurs) et à ses «goro» (beau-père ou belle-maman). De l’avis de N. Sambou en attente du retour de son mari parti à la Mecque, «c’est devenu presque une obligation de gratifier sa belle famille de cadeaux, tissus ou argent quand leur fils qui est ton mari revient de La Mecque. C’est un devoir au risque de devenir la risée aux yeux de sa belle famille». «Équipée» pour accueillir sa belle famille pour le retour de son «El Hadj», elle dit avoir dépensé une importante somme dont elle ne saurait nous fixer le montant pour pouvoir satisfaire aux exigences du voyez-moi. Coumba Sow - la soixantaine révolue – pense, elle, que ces histoires de «yébbi» sont des futilités et dépossèdent le «hadj» de son côté sacré et sacralisé. «Les gens n’ont qu’à se ressaisir et revenir à l’orthodoxie. Quand un pèlerin revenait de La Mecque, sa famille se réjouissait d’abord de le revoir en bonne santé, sain et sauf car le pèlerinage n’est pas aisé. On peut y laisser sa vie», sermonne t-elle. Rappelant les Sénégalais à la raison, elle les exhorte à plus d’humilité et de mesure.

Quand la contrefaçon s’invite dans la cérémonie

En fait, plus personne ne s’y trompe vraiment au Sénégal. Pour éviter toute surcharge de bagages (20 kg au départ, 40 kg au retour autorisés) certains futurs pèlerins se ravitaillent tout bonnement à Dakar, soit avant même d’embarquer on confie cette tâche à leur épouse ou soeur. Ces futurs présents soigneusement gardés à la maison serviront à tromper des visiteurs post Hadji, tout aussi conscients que ce qui leur est offert peut parfaitement avoir été acheté à Sandaga ou encore au marché Hlm. Ce n’est pas un hasard si des semaines avant ou après le départ des pèlerins, les magasins, souks et même étals s’approvisionnent en produits faussement estampillés «venant des Lieux Saints». Petit tour dans quelques artères du centre-ville, histoire d’en avoir le cœur net.

Au coin des bonnes affaires

12H, à l’avenue Lamine Guèye, le soleil impitoyable ne manque pas de darder ses rayons sur les piétons qui ont infesté la rue. Les marchands ambulants toujours présents à l’affiche prennent d’assaut les voitures qui vont et viennent, pour leur proposer leurs produits en tous genres. Aux abords du centre commercial, le décor est planté. Tel un capharnaüm, les clients sont fourrés dans les échoppes, marchandant à qui mieux mieux. On aurait dit que l’on ne revenait pas d’une longue série de fêtes. Les commerçants, pour mieux répondre aux exigences de leur clientèle, ne rechignent pas à étaler toutes sortes de produits pour toutes les occasions et de surcroît pour toutes les bourses. L’occasion étant au rendez-vous, cette fois-ci, c’est le retour de La Mecque qui est au beau fixe. Ainsi, écharpes, chapelets, encens, nattes pour la prière, zam- zam (eau bénite), bonnets… etc, tout ce qui est susceptible de provenir du lieu saint n’échappe pas au rouleau compresseur des marchants. Les mots de ce tenancier qui a préféré garder l’anonymat confirment aisément nos propos : « A quelques semaines du pèlerinage à La Mecque, on s’approvisionne en grande quantité des produits qui peuvent être offerts en cadeau au retour de La Mecque. Il arrive même qu’on en revende en gros à certains petits commerçants. Les pèlerins aussi ne sont pas en reste : la plupart d’entre eux viennent faire leurs achats avant de partir. En somme, le pèlerinage est le moment approprié pour écouler ce genre de produits, et ceci avec un bénéfice considérable». Au moment où les commerçants bourrent leurs escarcelles, les acquéreurs eux déboursent beaucoup. C’est le cas de Madame Sy, cette dame venue se procurer des cadeaux à offrir à ses proches, voisins et autres : «Mon mari va bientôt rentrer de La Mecque, avant de partir il m’avait chargé d’acheter des présents qu’il offrira à nos proches». Avec un sourire en coin, elle ajoute : «Vous savez que les hommes n’ont pas le temps pour faire ce genre de truc… En plus, les acheter là-bas pour les transporter jusqu’ici, cela coûtera plus cher avec les frais de bagages». À côté de ces adeptes du voyez-moi et du folklorisme lors des départs et des retours de La Mecque, il y a une certaine catégorie qui fait dans l’orthodoxie et qui se limite au minimum, c’est-à-dire un accueil dans la totale simplicité sans tambours ni trompette. Tout le monde connaît les règles. On attend le retour d’Arabie Saoudite pour jouer sa partition, dans le label Sénégal: ne laisser passer aucune occasion de festoyer, parader, rivaliser de générosité calculée et de sacralité sans lendemain. Pratique légitime ou cruelle vanité… Jugez en par vous- mêmes.

Retour de la Mecque ou «Ganalé maka»: entre ripailles et festivités




11 heures tapantes, nous sommes à Sacré cœur 3, derrière la boulangerie jaune. Bâches et chaises bien en vue font croire à un mariage ou un baptême mais il faut croire que non car à la place du « Mbalakh » ou autres rythmes habituels, c’est du Coran qu’égraine la chaîne à musique. Ceci, au moment où des hommes notamment des femmes parées de leurs plus beaux atours, vont et viennent. Renseignements pris, il s’agit bien d’un «Ganalé».


La « Adja » en question, toute de blanc vêtue, parée de bijoux en or, est assise dans son salon. Chapelet en main, elle explique à ses invités, comment s’est déroulé son voyage. Auprès d’elle, une jeune fille sert du « zam zam », l’eau bénite en provenance de la Mecque que tout pèlerin se doit de distribuer aux proches et parents que ne manqueront pas de se présenter à elle.


Sur la terrasse, des femmes s’activent à la préparation des mets. Un bœuf et une mouton acheté pour le déjeuner, du riz et le dîner, couscous traditionnel, sont prévus pour la réussite de la cérémonie pour laquelle, toute la maisonnée s’est réveillée à l’aube pour les derniers détails de la fête afin d’accueillir la foule.


Ce, pour dire que, jadis réputé pour son aspect sobre et discret, le «ganalé» se fait maintenant en grandes pompes. Les Sénégalais réputés pour leurs largesses («xeurr») ne se privent et effectuent des dépenses ahurissantes pour des repas gargantuesques auxquels tous les parents et proches sont conviés. L’occasion est aussi toute trouvée pour se livrer à des «ziarras» d’une autre trempe. Cinquième pilier de l’Islam, le pèlerinage à La Mecque est devenu au Sénégal un véritable phénomène social où se mêlent business et festivités, généralement sans rapport avec l’Islam.


La nouvelle « Adja », fraîchement débarquée de La Mecque, affirme que ces faits sont «des réalités auxquelles, on est obligé de se soumettre, pour éviter la marginalisation». Il est normal qu’on distribue des présents aux parents et amis au retour de La Mecque», se défend cette dernière tout en requérant l’anonymat.

Ce sont deux (2) heures de temps plus tard que le déjeuner est servi. Les commérages vont bon train. Pis, vu que la belle-famille sera présente, c’est le lieu pour la «Adja» de démontrer sa «force» et de faire bénéficier à ses beaux-parents de ses largesses ou plus communément appelé, « Yebbi ». Une expression lourde de significations qui sous-entend, offrir des présents (qui se résument en termes de grosses enveloppes d’argent ou de tissus) à ses «Njekké» (belles sœurs) et à ses «Goro» (beau-père ou belle-mère).


De l’avis de N. Sambou, une invitée, «c’est devenu presque une obligation de gratifier sa belle-famille de cadeaux, tissus ou argent quant-on revient de La Mecque. C’est un devoir au risque de devenir la risée aux yeux de sa belle-famille». Elle dit avoir dépensé une importante somme dont elle ne saurait nous fixer le montant, rien que pour pouvoir satisfaire à cette exigence. Coumba Sow, la soixantaine révolue , pense, quant à elle, que ces histoires de «Yebbi» sont des futilités et dépossèdent le «hadj» de son côté sacré et sacralisé.

«Les gens n’ont qu’à se ressaisir et revenir à l’orthodoxie. Quand un pèlerin revenait de La Mecque, sa famille se réjouissait d’abord de le revoir en bonne santé, sain et sauf car le pèlerinage n’est pas aisé. On peut y laisser sa vie», sermonne t-elle. Rappelant les Sénégalais à la raison, elle les exhorte à plus d’humilité et de mesure. La mort du pèlerin d'Ousmane Birama Diallo ce 7 octobre à Mouna, en est l'exemple patent.


En lieu et place, aujourd'hui, le pèlerin reçoit des sommes avant de partir, pactole qu’il doit doubler à son retour. Sans compter, ce qu’il doit dépenser pour la fête c’est-à-dire le « Ganalé ». Pour beaucoup, c’est devenu un impératif. Car, si l’on veut se faire respecter, gare à ceux ou celles qui dérogeraient à la règle. Pis, certains vont même jusqu'à rendre leur billet, préférant repousser le "Hadj" car n'ayant pas encore "réuni assez d’argent" pour un bon "ganalé" où les griots comme dans les mariages ou baptêmes, chantant les louages du pèlerin. Par ces temps de crise, on aurait pensé que le gaspillage en aurait pris un sacré coup. Mais, il n'en est rien.


Alors que ces formes de gaspillages sont interdites par la loi. Dans ce domaine, la société passe outres. Dès lors, a-t-on le droit de parler de développement au Sénégal avec toutes ces dépenses anormales ? Dans tous les cas, les mentalités devraient changer surtout que dans des cas, ces actes frisent l’indécence, au regard des voisins ou des proches qui sont, eux, dans des situations précaires.









Ndeye Diakhou BA