A en croire toutes ces personnalités, qui par ailleurs, sont beaucoup moins critiques par rapport aux incohérences de la politique sanitaire du gouvernement, les médecins, pharmaciens et dentistes du secteur public seraient tous de cupides chasseurs de primes, adeptes inconditionnels du travail noir, qui mériteraient d’être livrés à la vindicte populaire. Est-ce pour cette raison, que des plans sont ourdis pour les évincer progressivement de tous les postes de décision (Direction Régionale de la Santé par exemple), pour en faire de dociles exécutants de politiques définies sans eux et contre eux ?
UN LEADERSHIP DEFICIENT
Nous voulons, pour commencer, clairement réaffirmer, que les agents de santé sont soumis aux mêmes règles de discipline régissant tous les agents étatiques et municipaux, fonctionnaires ou non fonctionnaires et ne demandent aucune faveur particulière, pourvu que leur dignité soit sauvegardée par un management discret. Néanmoins, une discipline générale, emportant l’adhésion de tous ceux qui sont censés la subir n’a de chances de prospérer, que si elle sous-tendue par la justice et l’équité. Pourquoi le cumul de fonctions non réglementé –condamnable a priori- ne devrait-il être dénoncé que dans un seul secteur ? L’ampleur prise par ce phénomène au niveau de l’Administration sénégalaise ne devrait-elle pas plutôt inciter les pouvoirs publics à s’interroger sur la démotivation profonde des agents de la Fonction Publique, qui fait de la fuite des cerveaux une des préoccupations essentielles de nos dirigeants ? Revenant plus particulièrement au Secteur de la Santé, c’est l’absence d’un véritable contrôle du secteur privé par les autorités sanitaires de notre pays qui explique la plupart des travers que nous observons. Il est, par exemple, plus rentable pour un propriétaire de clinique privée d’utiliser, de manière informelle, une main-d’œuvre spécialisée, expérimentée et compétente que de recruter officiellement et à plein temps des ressources humaines de qualité et donc forcément plus exigeantes. Comment le directeur d’une clinique privée peut-il rentabiliser son scanner dernier cri si l’hôpital public voisin dispose du même appareil ? Tout se passe comme si le Ministère chargé de la Santé n’était comptable que de la prestation de services dans le secteur public. Or, un véritable leadership implique de définir, de manière participative, un plan sanitaire national, qui détermine une orientation claire pour l’ensemble du secteur de la santé, centré sur l’équité et une gouvernance efficace et redevable.
RESSOURCES HUMAINES INSUFFISANTES ET MAL GEREES
Une autre épine dans le pied des décideurs de notre pays en matière de politique de santé a trait aux ressources humaines. Les autorités sanitaires sénégalaises, suivant en cela, l’orientation générale du gouvernement, sont adeptes du découpage administratif itératif, (par la création irréfléchie et intempestive de nouvelles régions médicales et de nouveaux districts sanitaires) et de la création de nouvelles infrastructures hospitalières onéreuses à vocation exclusivement curative. Tout cela induit un besoin accru en personnels soignants, dont le déficit est estimé par les syndicats à près de 3000 agents au moment même où il y a 1500 sages-femmes, 2000 infirmiers et 400 médecins en chômage. Confrontés à cette pénurie de ressources humaines, certains responsables de structures sanitaires des districts se voient obligés de contractualiser, par le biais de leurs comités de santé, avec des techniciens de santé, en vue d’assurer la continuité d’un service public de qualité. Paradoxalement, au même moment, les deux principaux employeurs des agents de santé que sont l’Etat et les Collectivités Locales recrutent en priorité des personnels provenant de leur clientèle politique et dont très peu ont le profil de l’emploi. C’est à cause de tout cela, que les responsables des structures sanitaires du niveau opérationnel ressentent comme une grande frustration, les reproches qui leur sont faits dans leurs efforts pour remédier aux carences de l’Etat central. On leur demande de maintenir dans un état de quasi-servage des agents de santé sous prétexte qu’ils seraient des agents de santé communautaire, alors qu’en réalité le fonctionnement régulier des structures repose sur leurs épaules. Enfin, sur un autre plan, la gestion quasi-discrétionnaire des carrières des cadres de santé devrait céder la place à l’irremplaçable gestion démocratique des personnels.
LE FINANCEMENT DE LA SANTE AUX FRAIS DES USAGERS
Concernant les ressources financières, on note leur insuffisance causée essentiellement par au moins trois facteurs :
- l’absence de maîtrise de l’exécution et de la mise à disposition des fonds de dotation logés au niveau des collectivités locales, que ce soit par détournement d’objectif ou à cause des pesanteurs du nouveau Code des Marchés,
- les normes d’allocation budgétaire favorisant les grands hôpitaux nationaux urbains ainsi que les services centraux au détriment des réseaux de soins de proximité,
- les initiatives de gratuité irréfléchies pour la plupart dans un système centré sur le recouvrement de coûts…
Tout cela se traduit par le caractère insignifiant des ressources financières provenant de l’Etat et de ses démembrements, destinées au fonctionnement des structures sanitaires, qui ne survivent finalement que grâce aux ressources provenant de la participation des populations. C’est ainsi que l’équilibre financier des structures de santé repose sur les épaules des agents de santé, qui deviennent de fait des « chefs d’entreprise » par défaut, avec plus ou moins de bonheur selon l’état du marché local en matière d’offre de santé et leurs propres aptitudes innées. C’est en raison de toutes ces réalités si souvent occultées, qu’il devient urgent de revoir non seulement les normes de gestion financière au sein des structures sanitaires dans le sens de leur modernisation, mais aussi les principes de l’allocation budgétaire prenant en compte la nécessité d’une péréquation en rapport avec le volume d’activités et le niveau de fréquentation. En effet, le financement de la santé peut servir de levier pour améliorer la santé et réduire les inégalités sanitaires, par la suppression des obstacles financiers à l’accès aux soins. Il est donc temps de redynamiser, sous l’égide des présidents de collectivités locales, les comités de gestion jusque là léthargiques, en vue de rechercher suffisamment de fonds pour la santé. La mise en place de conseils d’administration (qui ne devra pas servir de prétexte pour encore une fois dessaisir les cadres de santé de leurs prérogatives) et la capacitation des responsables sanitaires en gestion, semble inévitable et permettra aussi de mettre en commun les ressources de différents groupes de la population afin de partager les risques financiers. Les comités de santé deviendront ainsi des associations d’usagers tout en continuant à impulser la santé communautaire avec l’appui de réseaux communautaires. Les agents de santé communautaire seront dotés d’un nouveau statut en adéquation avec la législation du travail.
Ainsi la gouvernance sanitaire sera améliorée au niveau le plus périphérique, grâce à l’adoption d’une législation pertinente avec un audit financier et un examen des dépenses publiques, ainsi que des règles opérationnelles claires pour garantir une utilisation efficace des fonds.
LES PENURIES REPETEES DE MEDICAMENTS, OBSTACLE A L’ACCES AUX SOINS
La crédibilité et l’efficacité du système sanitaire dépend essentiellement de l’accès à des médicaments essentiels, des outils de diagnostic abordables, ainsi qu’à des consommables (chirurgie, anesthésiques…). Il est établi, du point de vue économique, que les produits médicaux constituent le principal poste de dépenses privées en santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Or, tout le monde constate les défaillances du système d’approvisionnement et de distribution des médicaments essentiels principalement au niveau de la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA), au grand dam des couches les plus modestes de notre pays. Par ailleurs, l’évolution de l’offre de soins ne soit pas seulement répondre à une logique commerciale. Elle devrait plutôt être en adéquation avec la demande soins, ce qui implique que les pouvoirs publics disposent d’une carte sanitaire qui, sans distinguer le secteur public et le secteur privé, détermine les structures et les équipements nécessaires à la prise en charge des soins hospitaliers, ainsi que leur localisation.
PARALYSIE DU SYSTEME D’INFORMATIONS SANITAIRES
L’atteinte des OMD relatifs à la santé ne pourra se faire que si l’on dispose d’informations de qualité sur les problèmes de santé ce qui est compromis par la paralysie du système national d’informations sanitaires depuis plus d’un an. En effet, la rétention des informations sanitaires compromet gravement la mise en œuvre du processus de suivi-évaluation des divers programmes de santé, notamment les progrès accomplis dans la résolution des problèmes de santé. Elle empêche aussi une visibilité sur le financement de la santé, les besoins en ressources humaines, la consommation de produits pharmaceutiques…etc.
La répartition et la pertinence des infrastructures ainsi que l’accès aux soins et la qualité des services fournis deviennent presque impossibles à évaluer car c’est la mesure des besoins de la population sur la base de données démographiques et épidémiologiques qui permet d’établir la carte sanitaire. Enfin la non-disponibilité des informations sanitaires porte aussi gravement préjudice à une bonne gouvernance sanitaire, ce dont les pouvoirs publics semblent assez bien s’accommoder.
Nous avons voulu, en cette période de détérioration du climat social dans le secteur, apporter notre soutien au SAMES et faire entendre la voix des agents de santé ayant choisi de servir leur peuple, dévoués à leur pays, qui en plus d’être très mal rémunérés au regard de la longueur de leurs études, sont si souvent condamnés et si peu écoutés !
Dr Mohamed Lamine LY,
Rassmission-Médina
Militant SUTSAS
UN LEADERSHIP DEFICIENT
Nous voulons, pour commencer, clairement réaffirmer, que les agents de santé sont soumis aux mêmes règles de discipline régissant tous les agents étatiques et municipaux, fonctionnaires ou non fonctionnaires et ne demandent aucune faveur particulière, pourvu que leur dignité soit sauvegardée par un management discret. Néanmoins, une discipline générale, emportant l’adhésion de tous ceux qui sont censés la subir n’a de chances de prospérer, que si elle sous-tendue par la justice et l’équité. Pourquoi le cumul de fonctions non réglementé –condamnable a priori- ne devrait-il être dénoncé que dans un seul secteur ? L’ampleur prise par ce phénomène au niveau de l’Administration sénégalaise ne devrait-elle pas plutôt inciter les pouvoirs publics à s’interroger sur la démotivation profonde des agents de la Fonction Publique, qui fait de la fuite des cerveaux une des préoccupations essentielles de nos dirigeants ? Revenant plus particulièrement au Secteur de la Santé, c’est l’absence d’un véritable contrôle du secteur privé par les autorités sanitaires de notre pays qui explique la plupart des travers que nous observons. Il est, par exemple, plus rentable pour un propriétaire de clinique privée d’utiliser, de manière informelle, une main-d’œuvre spécialisée, expérimentée et compétente que de recruter officiellement et à plein temps des ressources humaines de qualité et donc forcément plus exigeantes. Comment le directeur d’une clinique privée peut-il rentabiliser son scanner dernier cri si l’hôpital public voisin dispose du même appareil ? Tout se passe comme si le Ministère chargé de la Santé n’était comptable que de la prestation de services dans le secteur public. Or, un véritable leadership implique de définir, de manière participative, un plan sanitaire national, qui détermine une orientation claire pour l’ensemble du secteur de la santé, centré sur l’équité et une gouvernance efficace et redevable.
RESSOURCES HUMAINES INSUFFISANTES ET MAL GEREES
Une autre épine dans le pied des décideurs de notre pays en matière de politique de santé a trait aux ressources humaines. Les autorités sanitaires sénégalaises, suivant en cela, l’orientation générale du gouvernement, sont adeptes du découpage administratif itératif, (par la création irréfléchie et intempestive de nouvelles régions médicales et de nouveaux districts sanitaires) et de la création de nouvelles infrastructures hospitalières onéreuses à vocation exclusivement curative. Tout cela induit un besoin accru en personnels soignants, dont le déficit est estimé par les syndicats à près de 3000 agents au moment même où il y a 1500 sages-femmes, 2000 infirmiers et 400 médecins en chômage. Confrontés à cette pénurie de ressources humaines, certains responsables de structures sanitaires des districts se voient obligés de contractualiser, par le biais de leurs comités de santé, avec des techniciens de santé, en vue d’assurer la continuité d’un service public de qualité. Paradoxalement, au même moment, les deux principaux employeurs des agents de santé que sont l’Etat et les Collectivités Locales recrutent en priorité des personnels provenant de leur clientèle politique et dont très peu ont le profil de l’emploi. C’est à cause de tout cela, que les responsables des structures sanitaires du niveau opérationnel ressentent comme une grande frustration, les reproches qui leur sont faits dans leurs efforts pour remédier aux carences de l’Etat central. On leur demande de maintenir dans un état de quasi-servage des agents de santé sous prétexte qu’ils seraient des agents de santé communautaire, alors qu’en réalité le fonctionnement régulier des structures repose sur leurs épaules. Enfin, sur un autre plan, la gestion quasi-discrétionnaire des carrières des cadres de santé devrait céder la place à l’irremplaçable gestion démocratique des personnels.
LE FINANCEMENT DE LA SANTE AUX FRAIS DES USAGERS
Concernant les ressources financières, on note leur insuffisance causée essentiellement par au moins trois facteurs :
- l’absence de maîtrise de l’exécution et de la mise à disposition des fonds de dotation logés au niveau des collectivités locales, que ce soit par détournement d’objectif ou à cause des pesanteurs du nouveau Code des Marchés,
- les normes d’allocation budgétaire favorisant les grands hôpitaux nationaux urbains ainsi que les services centraux au détriment des réseaux de soins de proximité,
- les initiatives de gratuité irréfléchies pour la plupart dans un système centré sur le recouvrement de coûts…
Tout cela se traduit par le caractère insignifiant des ressources financières provenant de l’Etat et de ses démembrements, destinées au fonctionnement des structures sanitaires, qui ne survivent finalement que grâce aux ressources provenant de la participation des populations. C’est ainsi que l’équilibre financier des structures de santé repose sur les épaules des agents de santé, qui deviennent de fait des « chefs d’entreprise » par défaut, avec plus ou moins de bonheur selon l’état du marché local en matière d’offre de santé et leurs propres aptitudes innées. C’est en raison de toutes ces réalités si souvent occultées, qu’il devient urgent de revoir non seulement les normes de gestion financière au sein des structures sanitaires dans le sens de leur modernisation, mais aussi les principes de l’allocation budgétaire prenant en compte la nécessité d’une péréquation en rapport avec le volume d’activités et le niveau de fréquentation. En effet, le financement de la santé peut servir de levier pour améliorer la santé et réduire les inégalités sanitaires, par la suppression des obstacles financiers à l’accès aux soins. Il est donc temps de redynamiser, sous l’égide des présidents de collectivités locales, les comités de gestion jusque là léthargiques, en vue de rechercher suffisamment de fonds pour la santé. La mise en place de conseils d’administration (qui ne devra pas servir de prétexte pour encore une fois dessaisir les cadres de santé de leurs prérogatives) et la capacitation des responsables sanitaires en gestion, semble inévitable et permettra aussi de mettre en commun les ressources de différents groupes de la population afin de partager les risques financiers. Les comités de santé deviendront ainsi des associations d’usagers tout en continuant à impulser la santé communautaire avec l’appui de réseaux communautaires. Les agents de santé communautaire seront dotés d’un nouveau statut en adéquation avec la législation du travail.
Ainsi la gouvernance sanitaire sera améliorée au niveau le plus périphérique, grâce à l’adoption d’une législation pertinente avec un audit financier et un examen des dépenses publiques, ainsi que des règles opérationnelles claires pour garantir une utilisation efficace des fonds.
LES PENURIES REPETEES DE MEDICAMENTS, OBSTACLE A L’ACCES AUX SOINS
La crédibilité et l’efficacité du système sanitaire dépend essentiellement de l’accès à des médicaments essentiels, des outils de diagnostic abordables, ainsi qu’à des consommables (chirurgie, anesthésiques…). Il est établi, du point de vue économique, que les produits médicaux constituent le principal poste de dépenses privées en santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Or, tout le monde constate les défaillances du système d’approvisionnement et de distribution des médicaments essentiels principalement au niveau de la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA), au grand dam des couches les plus modestes de notre pays. Par ailleurs, l’évolution de l’offre de soins ne soit pas seulement répondre à une logique commerciale. Elle devrait plutôt être en adéquation avec la demande soins, ce qui implique que les pouvoirs publics disposent d’une carte sanitaire qui, sans distinguer le secteur public et le secteur privé, détermine les structures et les équipements nécessaires à la prise en charge des soins hospitaliers, ainsi que leur localisation.
PARALYSIE DU SYSTEME D’INFORMATIONS SANITAIRES
L’atteinte des OMD relatifs à la santé ne pourra se faire que si l’on dispose d’informations de qualité sur les problèmes de santé ce qui est compromis par la paralysie du système national d’informations sanitaires depuis plus d’un an. En effet, la rétention des informations sanitaires compromet gravement la mise en œuvre du processus de suivi-évaluation des divers programmes de santé, notamment les progrès accomplis dans la résolution des problèmes de santé. Elle empêche aussi une visibilité sur le financement de la santé, les besoins en ressources humaines, la consommation de produits pharmaceutiques…etc.
La répartition et la pertinence des infrastructures ainsi que l’accès aux soins et la qualité des services fournis deviennent presque impossibles à évaluer car c’est la mesure des besoins de la population sur la base de données démographiques et épidémiologiques qui permet d’établir la carte sanitaire. Enfin la non-disponibilité des informations sanitaires porte aussi gravement préjudice à une bonne gouvernance sanitaire, ce dont les pouvoirs publics semblent assez bien s’accommoder.
Nous avons voulu, en cette période de détérioration du climat social dans le secteur, apporter notre soutien au SAMES et faire entendre la voix des agents de santé ayant choisi de servir leur peuple, dévoués à leur pays, qui en plus d’être très mal rémunérés au regard de la longueur de leurs études, sont si souvent condamnés et si peu écoutés !
Dr Mohamed Lamine LY,
Rassmission-Médina
Militant SUTSAS