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Une employée licenciée pour défaut de sourire

Rédigé par leral.net le Mercredi 19 Septembre 2012 à 13:16 | | 0 commentaire(s)|

Une femme maître d'hôtel dans un hôtel Sofitel à Cannes a obtenu gain de cause devant le conseil de prud'hommes contre son employeur, qui l'avait licenciée pour son manque d'amabilité envers les clients.


Une employée licenciée pour défaut de sourire
Le fait de ne pas sourire peut-il justifier un licenciement? Non, a répondu le conseil de prud'hommes de Cannes, qui s'est prononcé le jeudi 26 juillet en condamnant le Sofitel Méditerranée à verser 115 000 euros d'indemnités à son ancienne employée, considérant que le licenciement était «dépourvu de cause réelle et sérieuse». Nadine Fréville entre au Sofitel de Cannes en 2000 en qualité de maître d'hôtel. Un an plus tard, elle est élue au comité d'entreprise, puis désignée en 2003 déléguée CGT. Elle a alors plusieurs fois maille à partir avec son employeur, au point de déposer plainte contre lui en avril 2004 pour harcèlement moral et discrimination syndicale. Un mois plus tard, elle est licenciée, notamment pour attitude désobligeante vis-à-vis de la clientèle.

L'inspecteur du travail, qui doit donner son autorisation au licenciement d'un salarié protégé, répond que le manque d'aménité du maître d'hôtel ne constitue pas une faute d'une «gravité suffisante pour justifier son licenciement». Le Sofitel dépose alors un recours auprès du ministère de l'Emploi, qui, en novembre 2004, autorise le licenciement, en considérant que l'attitude de la salariée, attestée par les courriers de deux clients, est une faute suffisamment grave «eu égard au niveau élevé des prestations offertes par l'hôtel».

Nadine Fréville persiste et saisit alors le tribunal administratif de Nice, qui annule la décision du ministère, jugeant qu'une «attitude négative» est peut-être fautive dans la restauration, mais ne justifie pas un licenciement. En 2010, la cour administrative d'appel de Marseille estime que «l'employeur ne démontre pas que le manque d'amabilité qu'aurait eu» la salariée «était un comportement habituel de sa part». Statuant à l'issue de ces décisions, les prud'hommes ont considéré d'une part que la salariée avait été victime de harcèlement moral et d'autre part que son licenciement était «sans cause réelle et sérieuse». L'hôtel n'a pas fait appel.

Une affaire judiciaire inédite
Peut-on alors être réellement renvoyé pour «mauvaise humeur»? Selon Caroline André-Hesse, avocate spécialisée en droit social au cabinet Altana, la justification du licenciement dépend de «l'appréciation de l'importance du sourire dans le cadre de l'exécution des fonctions». Si elle admet que ce comportement est «gênant dans la mesure où cela porte préjudice à l'employeur», elle s'interroge toutefois sur le lien entre le licenciement de l'employée du Sofitel et sa désignation en tant que déléguée syndicale. Néanmoins, elle souligne que la justice doit «prendre en considération la situation opérationnelle de l'entreprise», si celle-ci parvient à démontrer que la clientèle a été choquée, en apportant des attestations de clients ou de collègues de travail par exemple. Avocate associée au cabinet LexCase, Florence Drapier-Faure insiste quant à elle sur «l'importance de la communication faite auprès des employés». L'entreprise doit d'abord verbaliser son exigence, que ce soit à travers la formation du personnel, la charte des valeurs de l'établissement ou les avertissements préalables.

Il y a quelques mois, aux États-Unis, une serveuse de la chaîne de pizzerias Papa John's Pizza avait été licenciée après avoir qualifié de «dame aux yeux bridés» une cliente d'origine asiatique sur le reçu de son restaurant new-yorkais. Quelques années auparavant, c'était à un technicien de la Sagem d'être renvoyé pour «port du bermuda» non autorisé. Mais il semble bien qu'un cas tel que celui du Sofitel Méditerranée n'avait encore jamais été tranché jusqu'à maintenant.


Par Sébastien Thévenet