Mon entrée dans le «monde des femmes» s’est faite relativement tôt: j’avais 10 ans lors de mes premières règles. Durant toute mon adolescence, celles-ci ont été douloureuses et abondantes, ce qui m’obligeait parfois à manquer l’école.
Mais la plupart du temps, de peur de passer pour une petite nature, je supportais la douleur en silence, car le mot d’ordre autour de moi était: «il faut souffrir pour être une femme». Grâce à la prise de la pilule contraceptive à 17 ans, mon flux menstruel est certes devenu moins intense, mais je ressentais toujours des douleurs diffuses qui irradiaient dans mes jambes et mon dos.
Diagnostiquée épileptique
A 21 ans, en rentrant de mon voyage de noces, j’ai fait un malaise dans l’escalier. A l’hôpital, comme j’avais des morsures sur la langue, on m’a fait passer un électroencéphalogramme. Pour les médecins, il n’y avait pas de doutes: j’étais épileptique.
J’ai donc commencé à suivre un traitement que j’avais beaucoup de mal à supporter. Par moments, j’avais même des black-out. Je me souviens avoir une fois oublié de descendre du bus… je me suis retrouvée à plusieurs kilomètres de chez moi, en ne sachant pas ce que je faisais là.
J’avais aussi de la peine à me concentrer à mon travail, et suite à mes absences répétées, j’ai finalement été licenciée. Un coup d’assommoir, car c’est moi qui subvenais aux besoins de mon couple à cette époque, mon mari étant encore étudiant.
En plus de mes soucis de santé se sont donc ajoutés des problèmes financiers. Mais le pire était de ne pas me sentir prise au sérieux avec mes douleurs récurrentes. Pour les autres, j’étais «la petite fille adoptée», qui n’avait rien trouvé de mieux que de se plaindre pour se faire remarquer.
Fausses couches à répétition
Après un an de prise de médicaments pour traiter l’épilepsie, j’ai eu la surprise d’apprendre que je n’étais pas du tout épileptique. Un choc et un soulagement. Mais vu le taux inflammatoire élevé dans mon sang, on m’a prescrit de la cortisone. Ce qui a eu un effet radical: j’ai grossi de 30 kilos en l’espace de quelques mois. Au milieu de tous ces aléas, je rêvais plus que tout de fonder une famille.
Alors quand j’ai appris que j’étais enceinte, à 25 ans, j’ai été folle de joie. Mais cela a été de courte durée, car j’ai fait une fausse couche. Là encore, pas question de m’apitoyer sur mon sort: on m’a dit que j’étais jeune, que j’avais tout le temps devant moi. Tout ce que j’encaissais en silence – mes douleurs, l’absence de diagnostic, ma prise de poids, les hospitalisations – commençait à peser sur mon moral.
Je n’osais plus sortir car je me sentais jugée. On m’a prescrit des antidépresseurs que je n’ai pas pris, car au fond de moi, je savais que la raison de mon mal, était ailleurs. Heureusement, dans ce chaos, j’ai pu compter sur le soutien inconditionnel de mon mari. Je n’étais pas au bout de mes peines: quelque temps plus tard, j’ai fait une autre fausse couche.
Une femme sur dix concernée
Lors d’une hospitalisation, le corps médical a décidé d’aller enfin voir ce qui se passait dans mon ventre. On a alors découvert que j’avais des lésions partout, que mes organes étaient sens dessus dessous. Pour la première fois, on a pu poser un nom sur le calvaire que j’endurais depuis des années: j’étais atteinte d’endométriose à un stade 4.
Cette maladie peu connue touche environ une femme sur dix. Durant le cycle menstruel, l’endomètre – qui est une muqueuse présente dans l’utérus – grossit. Lorsqu’elle devient bien épaisse, elle permet à l’ovule fécondé de se fixer dans l’utérus et de se développer en futur bébé. Sinon, elle est expulsée hors du corps sous forme de flux menstruel.
Chez certaines femmes, des cellules de cet endomètre ne vont pas sortir du corps et vont se greffer ailleurs: sur les ovaires, la vessie, les intestins ou les poumons. Les tissus vont continuer à se développer, devenant des lésions, des sortes de «tumeurs».
Une envie d’enfant plus forte que tout
Etant donné que les hormones produites par le corps stimulent cette pathologie, les médecins ont décidé de me mettre momentanément sous ménopause artificielle. Puis j’ai été opérée par un spécialiste, qui a procédé à une laparoscopie afin d’éliminer les foyers d’endométriose.
Mon envie d’enfant étant grande, on m’a conseillé de ne pas tarder, car la maladie risquait de revenir. Avec mon mari, nous nous sommes rendus dans un centre de procréation assistée afin de mettre toutes les chances de notre côté. Le coût d’une fécondation in vitro étant élevé, environ 12 000 francs, nos amis ont créé une chaîne de solidarité pour recueillir des fonds.
Après une première tentative qui a échoué, on m’a implanté d’autres embryons, et je suis tombée enceinte. Mais les souffrances étaient si fortes qu’il a fallu se résoudre à interrompre cette grossesse qui n’évoluait pas comme il le fallait: les hormones injectées pour la stimulation ovarienne ont «nourri» l’endométriose, qui a repris de plus belle. Et suite à cette interruption, j’ai eu une hémorragie.
Opérée d’urgence, on m’a enlevé un ovaire qui était «collé». Décidée à en finir avec ce calvaire, j’ai écouté mon médecin qui m’a conseillé d’enlever l’utérus afin de mettre définitivement un terme à ma pathologie.
A 28 ans, je me suis donc retrouvée ménopausée, devant faire le deuil de devenir maman d’un enfant biologique. Un an plus tard, les douleurs sont revenues. J’ai pu être dirigée vers un spécialiste qui a effectué une dernière opération et m’a libérée de ce mal qui m’a volé tant d’années.
Afin de pouvoir aider d’autres femmes qui traversent cette difficile épreuve, j’ai fondé une association, car cette maladie méconnue a un impact sur la vie professionnelle, sociale, mais aussi intime. Au sein de notre couple, il a fallu beaucoup communiquer tout au long de ces périodes difficiles. Et réinventer sans cesse la tendresse, la passion et le désir. Un nouveau chapitre de ma vie s’ouvre aujourd’hui, car je suis actuellement en procédure d’adoption. Que du bonheur à venir, il était temps
afriquefemme.com
Mais la plupart du temps, de peur de passer pour une petite nature, je supportais la douleur en silence, car le mot d’ordre autour de moi était: «il faut souffrir pour être une femme». Grâce à la prise de la pilule contraceptive à 17 ans, mon flux menstruel est certes devenu moins intense, mais je ressentais toujours des douleurs diffuses qui irradiaient dans mes jambes et mon dos.
Diagnostiquée épileptique
A 21 ans, en rentrant de mon voyage de noces, j’ai fait un malaise dans l’escalier. A l’hôpital, comme j’avais des morsures sur la langue, on m’a fait passer un électroencéphalogramme. Pour les médecins, il n’y avait pas de doutes: j’étais épileptique.
J’ai donc commencé à suivre un traitement que j’avais beaucoup de mal à supporter. Par moments, j’avais même des black-out. Je me souviens avoir une fois oublié de descendre du bus… je me suis retrouvée à plusieurs kilomètres de chez moi, en ne sachant pas ce que je faisais là.
J’avais aussi de la peine à me concentrer à mon travail, et suite à mes absences répétées, j’ai finalement été licenciée. Un coup d’assommoir, car c’est moi qui subvenais aux besoins de mon couple à cette époque, mon mari étant encore étudiant.
En plus de mes soucis de santé se sont donc ajoutés des problèmes financiers. Mais le pire était de ne pas me sentir prise au sérieux avec mes douleurs récurrentes. Pour les autres, j’étais «la petite fille adoptée», qui n’avait rien trouvé de mieux que de se plaindre pour se faire remarquer.
Fausses couches à répétition
Après un an de prise de médicaments pour traiter l’épilepsie, j’ai eu la surprise d’apprendre que je n’étais pas du tout épileptique. Un choc et un soulagement. Mais vu le taux inflammatoire élevé dans mon sang, on m’a prescrit de la cortisone. Ce qui a eu un effet radical: j’ai grossi de 30 kilos en l’espace de quelques mois. Au milieu de tous ces aléas, je rêvais plus que tout de fonder une famille.
Alors quand j’ai appris que j’étais enceinte, à 25 ans, j’ai été folle de joie. Mais cela a été de courte durée, car j’ai fait une fausse couche. Là encore, pas question de m’apitoyer sur mon sort: on m’a dit que j’étais jeune, que j’avais tout le temps devant moi. Tout ce que j’encaissais en silence – mes douleurs, l’absence de diagnostic, ma prise de poids, les hospitalisations – commençait à peser sur mon moral.
Je n’osais plus sortir car je me sentais jugée. On m’a prescrit des antidépresseurs que je n’ai pas pris, car au fond de moi, je savais que la raison de mon mal, était ailleurs. Heureusement, dans ce chaos, j’ai pu compter sur le soutien inconditionnel de mon mari. Je n’étais pas au bout de mes peines: quelque temps plus tard, j’ai fait une autre fausse couche.
Une femme sur dix concernée
Lors d’une hospitalisation, le corps médical a décidé d’aller enfin voir ce qui se passait dans mon ventre. On a alors découvert que j’avais des lésions partout, que mes organes étaient sens dessus dessous. Pour la première fois, on a pu poser un nom sur le calvaire que j’endurais depuis des années: j’étais atteinte d’endométriose à un stade 4.
Cette maladie peu connue touche environ une femme sur dix. Durant le cycle menstruel, l’endomètre – qui est une muqueuse présente dans l’utérus – grossit. Lorsqu’elle devient bien épaisse, elle permet à l’ovule fécondé de se fixer dans l’utérus et de se développer en futur bébé. Sinon, elle est expulsée hors du corps sous forme de flux menstruel.
Chez certaines femmes, des cellules de cet endomètre ne vont pas sortir du corps et vont se greffer ailleurs: sur les ovaires, la vessie, les intestins ou les poumons. Les tissus vont continuer à se développer, devenant des lésions, des sortes de «tumeurs».
Une envie d’enfant plus forte que tout
Etant donné que les hormones produites par le corps stimulent cette pathologie, les médecins ont décidé de me mettre momentanément sous ménopause artificielle. Puis j’ai été opérée par un spécialiste, qui a procédé à une laparoscopie afin d’éliminer les foyers d’endométriose.
Mon envie d’enfant étant grande, on m’a conseillé de ne pas tarder, car la maladie risquait de revenir. Avec mon mari, nous nous sommes rendus dans un centre de procréation assistée afin de mettre toutes les chances de notre côté. Le coût d’une fécondation in vitro étant élevé, environ 12 000 francs, nos amis ont créé une chaîne de solidarité pour recueillir des fonds.
Après une première tentative qui a échoué, on m’a implanté d’autres embryons, et je suis tombée enceinte. Mais les souffrances étaient si fortes qu’il a fallu se résoudre à interrompre cette grossesse qui n’évoluait pas comme il le fallait: les hormones injectées pour la stimulation ovarienne ont «nourri» l’endométriose, qui a repris de plus belle. Et suite à cette interruption, j’ai eu une hémorragie.
Opérée d’urgence, on m’a enlevé un ovaire qui était «collé». Décidée à en finir avec ce calvaire, j’ai écouté mon médecin qui m’a conseillé d’enlever l’utérus afin de mettre définitivement un terme à ma pathologie.
A 28 ans, je me suis donc retrouvée ménopausée, devant faire le deuil de devenir maman d’un enfant biologique. Un an plus tard, les douleurs sont revenues. J’ai pu être dirigée vers un spécialiste qui a effectué une dernière opération et m’a libérée de ce mal qui m’a volé tant d’années.
Afin de pouvoir aider d’autres femmes qui traversent cette difficile épreuve, j’ai fondé une association, car cette maladie méconnue a un impact sur la vie professionnelle, sociale, mais aussi intime. Au sein de notre couple, il a fallu beaucoup communiquer tout au long de ces périodes difficiles. Et réinventer sans cesse la tendresse, la passion et le désir. Un nouveau chapitre de ma vie s’ouvre aujourd’hui, car je suis actuellement en procédure d’adoption. Que du bonheur à venir, il était temps
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