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AL BADRI OU L'AUTRE VOIX !

Rédigé par leral.net le Samedi 6 Décembre 2025 à 23:34 | | 0 commentaire(s)|

Pour une fois, événement rarissime dans notre paysage digital saturé de clashs programmés, un influenceur sénégalais qui ne sort ni du show-business ni des factions politiques a damé le pion à une armée entière de créateurs de contenus.

Il arrive que, dans le tumulte d’un pays saturé de bavardages numériques, une voix inattendue ressuscite ce que les foules oublient : la beauté de la vertu et la puissance du sacré. En revoyant une vidéo sur les réseaux sociaux traitant d’un événement qui a retenu l’attention à la mi-novembre, je n’ai pu m’empêcher d’écrire cette chronique. En effet, pendant trois jours, ce n’étaient ni la politique ni le scandale qui régnaient, mais un simple récital du Coran. Une respiration. Une parenthèse. Un rappel. Comme si, soudain, quelqu’un avait entrouvert une fenêtre dans une pièce étouffante pour laisser entrer un souffle venu d’ailleurs.

Pour une fois, événement rarissime dans notre paysage digital saturé de clashs programmés, un influenceur sénégalais qui ne sort ni du show-business ni des factions politiques a damé le pion à une armée entière de créateurs de contenus. Plus de 72 heures durant, Al Badri a occupé le devant de la scène, non pas en imposant une polémique, mais une présence. Une lumière différente, douce, silencieuse, mais impossible à ignorer.

Nous étions jusqu’ici habitués aux « 72 heures » déclenchées par des influenceurs politiques pour crucifier un adversaire réputé avoir touché à leur mentor. Alors, comme un rituel devenu mécanique, des centaines de pages Facebook ou comptes TikTok se déchaînaient sur le malheureux du jour. Tout y passait, jusqu’au penalty raté en finale de navétanes… On te sortait tous tes cafards, même les plus insolites, pour te réduire au silence. Et souvent, hélas, ça marchait. Le numérique devenait un tribunal, et la rumeur, le verdict.

Al Badri donc, grand, élancé, teint d’ébène, drapé dans le blanc, ce blanc qu’il porte comme un étendard de pureté, a fait le tabac. Fort de plus de trois millions d’abonnés sur TikTok, il a relevé un pari audacieux en organisant, ce dimanche-là, une journée consacrée au récital du Coran : « Nafar Al Xur’an », au Grand théâtre de Dakar, un lieu rarement habitué à tant de recueillement. Des jeunes, issus des écoles coraniques les plus sérieuses du pays, de Touba à Porokhane, de Médina Baye à Tivaouane, de Ndiassane à Yoff, de Saint-Louis aux confins du territoire, se sont affrontés dans une émulation presque ascétique. Ils étaient venus convaincre le maître de cérémonie, mais surtout convaincre Dieu, chacun espérant que son souffle rejoindrait le souffle du Livre.

Ils ont récité dans leurs styles propres, puis dans l’imitation des plus grands maîtres du Coran : Soudaïs, voix de miel de La Mecque ; Al-Hussary, précision cristalline ; Abdul Bassit, souffle puissant ; Houdaifi, voix grave et posée, pesant chaque verset comme un diamant. Sous les vivats du public, la salle entière est entrée en extase. On venait écouter, mais on venait surtout se rappeler. « La parole, quand elle est juste, répare ce que le temps a brisé », disent les anciens.

Les réseaux sociaux, si prompts d’habitude à amplifier le dérisoire, se sont fait le relais émerveillé de ce moment rare, éclipsant, durant quelques heures, le vacarme politique devenu routinier, presque étouffant. Comme le disait Hampâté Bâ : « Lorsque la parole est belle, elle donne à l’âme la paix ». Et ce jour-là, la parole était belle, profondément belle.

Mais, le lendemain, aucun quotidien d’information n’en fit mention. Pas une ligne. Pas une photo. Pas un écho. On préféra encore s’attarder sur les calculs politiques plutôt que sur une démonstration de vertu, de discipline et d’élévation. À force de regarder les querelles, nous devenons parfois aveugles aux merveilles.

Les valeurs doivent pourtant retrouver leur place sur nos réseaux sociaux, ces carrefours où tout se joue : l’instruction comme la perdition, la lumière comme l’ombre. En effet, « un peuple qui oublie ses valeurs perd sa voix », répètent les sages, et avec elle, son horizon.

Vivement d’autres Al Badri. Vivement d’autres respirations. Vivement cette autre voix qui élève plutôt qu’elle n’enfonce, qui apaise plutôt qu’elle n’attise et qui rappelle que tout n’est pas perdu tant que demeure une étincelle de lumière.

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Alioune


Source : https://www.seneplus.com/opinions/al-badri-ou-laut...