Abdou Latif Coulibaly accuse Karim Wade de trahison

Interrogé sur les 700 milliards supposés être le patrimoine de l’ancien super ministre, Karim Wade, Abdou Latif Coulibaly veut faire la part des choses. Aussi répond-il : « Sur ce point-là, je voudrais faire une distinction entre deux choses. D’abord, la culpabilité d’un individu qui sera établi effectivement au terme d’une procédure judiciaire. Sur ça, je ne voudrais pas me prononcer. Je vais partir de constats de faits qui me paraissent politiquement graves et je les pose sous l’angle de la responsabilité politique.

Premièrement, selon Latif Coulibaly, « est-ce qu’il y a un seul Sénégalais qui peut un seul instant accepter que les services les plus importants qui sont faits à l’aéroport de Dakar soient assurés par une société qui s’appelle Ahs ? Et que dans cette société, qu’il y ait un seul actionnaire que l’ancien ministre du Transport aérien ne peut pas identifier ? Qui est propriétaire de cette société ? ». « Pour moi, la question n’est pas de savoir à l’heure actuelle à qui appartient cette société. Mais le seul fait qu’il y ait une société présente dans le capital, qui est de droit panaméen, est un scandale. C’est une trahison » a estimé Abdou Latif Coulibaly.

Deuxièmement, « comment un Sénégalais qui a géré un ministère a-t-il pu permettre qu’une société panaméenne puisse détenir une part du capital social d’une société qui opère sur la seule plateforme aéroportuaire dont dispose l’Etat du Sénégal ? Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que même 10% du capital de DP World Sénégal puisse être détenu par une société non connue de l’Etat ? ». « C’est une trahison nationale. Je ne parle pas de qui est derrière cette société-là », a insisté le ministre de la Bonne Gouvernance.

Troisièmement, « Comment un citoyen sénégalais qui accepte d’être Sénégalais, qui vit sa « sénégalité » jusqu’à la profondeur de son âme, peut-il donner des parts sociales à une société de droit panaméen appelé Jp Adventure dans la configuration du capital de la seule compagnie aérienne nationale battant pavillon sénégalais ? ». « Je ne dis même pas à qui appartient cette société ! Mais Jp Adventure est bien une société de droit panaméen présent dans le capital de Sénégal Airlines. C’est comme prendre l’armée sénégalaise qui défend la souveraineté nationale mais que le commandant des parachutistes soit au Panama. Parce que pour moi l’aéroport et le port sont aussi important que l’armée dans la défense de notre souveraineté. C’est pour cette raison d’ailleurs que les droits de trafic aérien sont un patrimoine exclusif de la nation. Ce sont des instruments extrêmement importants. Vous vous imaginez le ministre français du Transport aérien monter Air France et donner 5% ou 35% du capital à une société de droit panaméen et qui soit inconnue de l’Etat français ? C’est exactement ce que nous vivons présentement avec la plupart des sociétés. Aucun Sénégalais, qui vit sa « sénégalité » dans son âme n’aurait accepté ça », a dit M. Coulibaly.

Quatrièmement, « ce n’est pas tout. 3e catastrophe. Comment pouvez-vous imaginer qu’on constitue chez un notaire des sociétés pour distribuer des actions entre son domestique, son ami d’enfance et l’ami de ce dernier ? ». « Des gens respectueux et respectables qui de par leurs positions ont été mêlés à une histoire à laquelle ils ne comprennent rien du tout. La fraude est tellement manifeste qu’on n’a même pas besoins d’autres instruments d’analyse sur ce qui s’est réellement passé pendant ces 12 dernières années. Je suis parfois déçu de voir qu’on insiste beaucoup plus sur la propriété du capital et moins sur la trahison nationale qui a été savamment mise en place, orchestrée en toute conscience par des Sénégalais ou des personnes se réclamant de nationalité sénégalaise. Je ne parle pas de culpabilité au sens de l’acquisition de patrimoine, la justice le fera. Ce qui me préoccupe aujourd’hui, en tant que citoyen et responsable politique sénégalais, c’est de savoir quel est le rapport que les gens qui ont fait ça ont avec le Sénégal ? Quel est le degré de fusion avec cette nation ? Quelle est la responsabilité qu’ils ont exercée et comment ils ont compris cette responsabilité ? », s’interroge Abdou Latif Coulibaly.