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Alliés d’hier, « traîtres » d’aujourd’hui : Ces anciens fidèles qui ont trahi Macky Sall et en paient le prix

À la fin de son mandat, Macky Sall n’a pas caché son amertume : il a confié ressentir « un sentiment de trahison » vis-à-vis de certains de ses anciens compagnons. En douze ans au pouvoir, le président sortant a vu se déliter autour de lui, une partie de son cercle le plus fidèle. Ministres, collaborateurs et figures de la première heure ont quitté le navire, parfois au moment où il avait le plus besoin d’eux.


Rédigé par leral.net le Jeudi 30 Octobre 2025 à 15:31 | | 0 commentaire(s)|

Qui sont ces anciens alliés tombés en disgrâce ? Quelles conséquences ont-ils payées pour leur rupture ? De l’isolement à la perte de privilèges, jusqu’aux reconversions opportunistes dans le camp adverse, ces trajectoires racontent la fragilité des fidélités en politique sénégalaise.

Des compagnons de la première heure devenus opposants

Parmi les cas les plus symboliques figure Aminata “Mimi” Touré. Ancienne Première ministre et présidente du CESE, elle fut longtemps le visage de la loyauté absolue envers Macky Sall. Artisan de la victoire présidentielle, tête de liste aux législatives de 2022, elle a brutalement tourné la page après ces élections, dénonçant une trahison des idéaux qu’elle défendait.

Opposée à un éventuel troisième mandat – « nous avions fait campagne pour la Constitution de 2016, qui limite à deux mandats consécutifs », rappelait-elle –, elle fut aussitôt sanctionnée. Son siège de députée lui fut retiré par la coalition au pouvoir, une décision jugée purement politique.

Isolée mais combative, elle a dénoncé la posture de son ancien mentor : « Douze ans après, entendre le mot trahison de sa part, est une grande déception ! », a-t-elle lâché, estimant que Macky Sall devait de la gratitude à ses compagnons d’origine.

Autre exemple : Abdoul Mbaye, premier Premier ministre du régime Sall. Technocrate réputé, il fut limogé dès 2013, sans explication claire. Un départ sec, vécu comme une humiliation. Devenu opposant, il n’a depuis cessé d’attaquer la gouvernance qu’il avait contribué à bâtir. Aminata Touré résumera plus tard : « Il ne pardonnera jamais au président de l’avoir remplacé ».

À cette liste, s’ajoute Moustapha Cissé Lô, l’un des plus fervents défenseurs du président à l’époque dorée de l’APR. Verbe haut et provocateur, il a fini par payer ses débordements. En 2020, il est exclu du parti par la commission de discipline. « Je ne suis plus actif sur le plan politique », admettra-t-il, résigné.

Même sort pour Moustapha Diakhaté, ancien Chef de cabinet du président, radié lui aussi pour avoir osé critiquer les orientations du parti. Quant à Alioune Badara Cissé (ABC), compagnon de route de Macky Sall depuis les années Wade, il s’était marginalisé après plusieurs désaccords. Nommé Médiateur de la République, il est décédé loin du premier cercle du pouvoir. « On a tous vu comment cela s’est terminé entre lui et le président », commentait Mimi Touré, amère.

Ruptures et sanctions : la dissidence se paye cher

Pour tous ces anciens piliers, la rupture a souvent signifié la chute. Être démis de ses fonctions ou perdre ses privilèges, est devenu une conséquence quasi automatique.

De la destitution de Mimi Touré à celle d’Abdoul Mbaye, en passant par les exclusions spectaculaires de Cissé Lô et Diakhaté, le message du pouvoir était clair : la désobéissance ne serait pas tolérée.

Mais au-delà des postes, c’est la solitude politique qui guette les dissidents. Privés de l’appareil de l’APR, ils peinent à reconstruire une base. Mimi Touré, malgré sa notoriété, a du mal à fédérer. Abdoul Mbaye a lancé son propre parti, sans succès électoral. Cissé Lô s’est retiré, désabusé.

Certains ont même vu la rupture se transformer en cauchemar judiciaire. L’affaire Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, a marqué les esprits : un allié devenu rival, rattrapé par la justice. Idem pour Bamba Fall, maire dissident de la Médina, dont l’arrestation fut perçue comme un avertissement.

Beaucoup y ont vu la main du pouvoir, accusant Macky Sall d’utiliser la justice comme arme politique. Quoi qu’il en soit, s’opposer à lui au mauvais moment, n’a jamais été un pari gagnant.

Alliances renversées et calculs politiques

Certains ont choisi un autre chemin : celui du retournement stratégique.
Le cas d’Idrissa Seck reste le plus frappant. Adversaire acharné de Macky Sall en 2012, il rallie la majorité en 2020, devient président du CESE, avant de tout quitter trois ans plus tard, pour… se représenter contre le candidat du camp présidentiel. Une alliance-éclair dictée par le calcul, qui lui a valu les railleries d’une partie de l’opinion.

Malick Gackou, lui, a préféré quitter son mentor Moustapha Niasse, quand celui-ci a décidé de soutenir Macky Sall. En 2015, il claque la porte de l’AFP, fonde le Grand Parti et rejoint l’opposition. Un choix courageux, mais qui ne s’est pas encore traduit par un poids électoral concret.

Autre figure marquante : Aly Ngouille Ndiaye, baron du régime et ministre-clé. Déçu de n’avoir pas été désigné candidat du pouvoir pour 2024, il claque la porte à son tour. Démission publique, indépendance assumée et ambitions personnelles affichées. Une nouvelle preuve que la fidélité en politique sénégalaise se mesure à la température du pouvoir.

À noter que la transhumance n’a pas qu’un sens. Des opposants d’hier, à l’image d’Ousmane Ngom ou d’anciens libéraux, ont aussi rejoint Macky Sall pour des raisons souvent qualifiées d'« alimentaires ». La valse des alliances n’a donc épargné aucun camp.

La fidélité politique, une illusion sénégalaise

L’histoire se répète : Macky Sall lui-même fut autrefois le « traître » d’Abdoulaye Wade, avant de devenir président. Ce schéma cyclique illustre la culture de la transhumance politique au Sénégal, où convictions et loyauté sont souvent remplacées par le pragmatisme et les calculs personnels.

« La transhumance a transformé la fidélité en transaction et la conviction en plan de carrière », résume un observateur. Et Macky Sall, tout en en ayant profité, en a aussi subi les conséquences.

Sa gestion rigide du pouvoir, marquée par des exclusions et un contrôle vertical, a sans doute renforcé ce climat de défiance. Les départs en série ont mis en lumière un déficit de démocratie interne et une personnalisation excessive du pouvoir.

Résultat : un jeu d’alliances à géométrie variable, où les « trahisons » se succèdent, révélant autant l’usure du système que la fragilité des engagements politiques.

Trahisons ou désillusions ? Le sort réservé aux ex-proches de Macky Sall illustre la dure loi de la politique sénégalaise : la fidélité n’est pas éternelle.

De Mimi Touré à Cissé Lô, de Mbaye à Ndiaye, chaque départ a montré qu’on ne quitte pas impunément le cercle du pouvoir. Certains ont perdu leur statut, d’autres leur influence, tous ont payé le prix de leur indépendance.

Mais à l’aube de l’après-Macky, la question reste entière : qui, parmi ses fidèles d’aujourd’hui, saura rester loyal lorsque les équilibres changeront ?

L’histoire du Sénégal politique le prouve : ici, les amitiés passent, les ambitions demeurent.

( Les News )