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Ballon d’Or : faut-il changer les règles pour éviter un nouveau scandale ?

Le Ballon d'Or décerné par le magazine France Football est attribué en fonction de trois critères principaux qui sont dans l'ordre : les performances individuelles et collectives (palmarès) pendant l'année, la classe du joueur (talent et fair-play) et la carrière du joueur. Si les deux premières règles sont indiscutables pour un trophée annuel, la troisième pose en revanche un véritable problème. Le meilleur joueur de l’année devrait-il souffrir de lointaines erreurs ou d’une éclosion tardive ? Inversement, un Ballon d’Or peut-il récompenser l’ensemble d’une carrière malgré un exercice moyen ? La symbolique n’a pas sa place pour ce type de récompense, sauf à acter officiellement un principe de subjectivité. Cette règle ne peut que faire le jeu des joueurs les plus médiatiques. Certes les stars font vendre et leur présence est indispensable pour promouvoir la plus belle récompense individuelle du football. Comme la Ligue des Champions se monnaiera toujours mieux avec 16 équipes garanties des plus grands championnats qu’envahie de vainqueurs de championnats mineures. On sait par ailleurs que de nombreux journalistes asiatiques, africains, européens ou (sud)américains se contentent bien souvent de suivre (ou n'ont pas accès) les matchs des grosses écuries type Real, Barça, Manchester United, Bayern Munich, PSG, au détriment de l’Atletico, Naples ou Lyon par exemple. Conséquence, certains joueurs comme Antoine Griezmann sont moins scrutés. La preuve avec le détail du Ballon d’Or 2018 : 79 journalistes ont placé Luka Modric 1er contre 29 pour le numéro 7 de l’équipe de France. Ahurissant au regard des performances du Français bon individuellement toute l’année et vainqueur de trophées majeurs. Soit pile dans les critères édictés par France Football pour élire le Ballon d’Or... Alors, si cette règle de base n’est pas suivie, est-elle seulement valable ?

Pierre Ménès
Un classement stupide. Le 1er français 3eme. Qu’on ne me parle plus jamais du ballon d’or
À quoi sert la Coupe du monde ?

Autre question : pourquoi le magazine France Football détermine-t-il lui-même une liste de 30 joueurs et selon quels critères ? Les journalistes ne sont-ils pas suffisamment éclairés pour décider par eux-mêmes ? Cela éviterait à Hugo Lloris ou Isco de finir à zéro point. Jamais très agréable quand on n’a rien demandé.

Pourquoi lorsqu’une équipe gagne le plus beau trophée du football, la Coupe du monde, aucun de ses représentants n’a le droit aux honneurs du Ballon d’Or ? C’était le cas en 1998 (Zidane), 2002 (Ronaldo, le vrai, le Brésilien) et 2006 (Cannavaro). Puis plus rien. Rien pour les Espagnols, Allemands, et Français. N’aurait-on pas dû consacrer un joueur de ces équipes nationales, à condition, bien sûr, que le reste de leur saison soit bon ? Iniesta ou Xavi en 2010, Neuer en 2014, Griezmann ou Varane en 2018 ne méritaient-ils pas ces honneurs ?

Pourquoi a-t-on fait les années précédentes des buts en cascade de Ronaldo et Messi l’argument numéro 1 dans l’attribution du trophée pour snober aujourd’hui Griezmann, auteur de 33 buts et 18 passes décisives en 2018 quand Modric émarge à une demi-douzaine de réalisations ? Ces questions justifient aujourd’hui le renouvellement des règles d’attribution du Ballon d’Or qui a trop souvent récompensé la mauvaise personne. La preuve depuis 10 ans.

Ronaldo, Messi, Messi, Ronaldo, Ronaldo, Messi... L'histoire du Ballon d'Or depuis 2008.

© Power Sport Images/Getty Images

2008 - Mérité

Le premier sacre de Cristiano Ronaldo ne souffre d’aucune contestation. Champion d’Angleterre avec Manchester United, le numéro 7 des Red Devis a inscrit 31 buts en 33 matchs. Il remporte également la Ligue des Champions face à Chelsea, en inscrivant un but en finale (8 en 11 matchs au total). Malgré un Euro décevant (1 but, élimination en quarts de finale par l’Allemagne) et le triomphe des Espagnols, il finit largement en tête des votes du Ballon d’Or devant Lionel Messi et l’Espagnol Fernando Torres.

2009 – Mérité

Le chassé-croisé Ronaldo-Messi commence en 2009. En l’absence de Coupe du monde (on verra plus tard que cela ne change finalement pas grand-chose), la Ligue des Champions devient le critère principal d’attribution du trophée. La première partie de la saison, jusque fin mai-début juin, est décisive puisque s’y joue la finale de la coupe aux grandes oreilles. Avec le FC Barcelone, Lionel Messi réalise le triplé championnat d’Espagne-Coupe d’Espagne-Ligue des Champions. Tout comme Iniesta et Xavi, les deux métronomes du milieu de terrain catalan. Mais les dribbles et les buts du lutin argentin font la différence. Il obtient 473 points sur 480 possibles. Un plébiscite justifié.


2010 – Pas mérité

L’Espagne remporte la Coupe du monde face au Pays-Bas avec un but d’Andres Iniesta en prolongations. L’Inter Milan, entraîné par José Mourinho et guidé par le Néerlandais Wesley Sneijder, réalise le triplé championnat d’Italie-Coupe d’Italie-Ligue des Champions. Alors, forcément, le Ballon d’Or doit récompenser un Espagnol ou l’Orange volant Sneijder. Sauf qu’en juillet 2010, le Ballon d’Or annonce son union avec la FIFA pour décerner la récompense individuelle suprême. Le système de votes change : les journalistes, seuls habilités à voter, sont désormais rejoints par les sélectionneurs et capitaines des 208 équipes nationales affiliés à la FIFA. Le copinage en règle commence : Lionel Messi (22,65% des votes) devance les Espagnols Iniesta (17,37%), Xavi (16,48%) et Sneijder (14,48%). Certes Lionel Messi gagne le championnat avec Barcelone, mais Iniesta et Xavi aussi."J'ai entendu que je ne serais pas sur le podium pour le Ballon d'Or, mais ça sonne étrange pour moi, s'étonnera de son côté Sneijder. Comment ça pourrait être possible alors que j'ai remporté la Série A, la Coupe d'Italie et la Ligue des Champions. Et puis j'ai été finaliste à la Coupe du monde et terminé meilleur buteur". Si le vote des journalistes avait été maintenu, le Hollandais, qui avait même marqué de la tête face au Brésil en 1/4 de finale du Mondial, se serait imposé devant Iniesta et Xavi.

2011 – Mérité

Retour à la normale. Journalistes, sélectionneurs et capitaines de sélections ne peuvent que s’incliner devant Lionel Messi. Avec 59 buts en 70 rencontres, l’Argentin permet au Barça de remporter la Ligue des Champions, le championnat d’Espagne, la Supercoupe d’Espagne, le Supercoupe d’Europe, la Coupe du monde des Clubs. Il recueille 47,88% des suffrages contre 21,6% pour Ronaldo et 9,23% pour Xavi.

2012 – Mérité

Avec 91 buts en 69 matchs, l’année de Messi est exceptionnelle. Il ne gagne pas la Ligue des Champions (Chelsea l’emporte face au Bayern Munich) ni le championnat d’Espagne, mais l’individualité mérite d’être récompensée. Il l’emporte dans les mêmes proportions que l’année précédente avec 41,6% des voix devant Ronaldo (23,68%) et Iniesta (10,91%). Vainqueur de l’Euro avec l’Espagne, Iniesta pouvait espérer la deuxième place, mais le lobbying Ronaldo-Messi tourne à plein régime. Comme le démontrera le cru 2013.

2013 – Pas mérité

Deuxième Ballon d’Or pour Cristiano Ronaldo au bout de l’un des scrutins les plus serrés de l’histoire : 27,99% pour le Portugais, 24,72% pour Messi et 23,36% pour Ribéry. Désigné meilleur joueur européen en août 2013 après son triplé avec le Bayern Munich (Championnat, Coupe d’Allemagne et Ligue des Champions), Franck Ribéry est le grand favori pour le Ballon d’Or. Sauf que la FIFA décide de repousser les votes, faute, soi-disant, de suffisamment de votes des électeurs. Ce qui permet à ces derniers de voter pour Ronaldo auteur d’un triplé retentissant en barrages de Coupe du Monde face à la Suède. Plus encore que Sneijder en 2010, ce vote est incompréhensible étant donnée la superbe saison du Français, qui participe lui aussi à la qualification des Bleus pour la Coupe du Monde au Brésil. "C’est une injustice" disait Ribéry en début d’année 2018. Le mot est faible.

2014 – Pas (vraiment) mérité

Nouvelle année de Coupe du monde et nouveau camouflet pour les Champions du monde. L’Allemagne se contente de la troisième place, juste derrière Messi (15,72% contre 15,76%) mais loin du vainqueur Cristiano Ronaldo (37,66%). Le Ballon d’Or tenait là une occasion unique d’offrir un successeur à Lev Yachine, seul gardien à avoir décroché le titre de meilleur joueur de l’année, en 1963. Champion d’Allemagne et vainqueur de Coupe d’Allemagne avec le Bayern Munich, ½ finaliste de la Ligue des Champions, Neuer réalise une Coupe du monde splendide avec des arrêts de grande classe comme celui face à Benzema et la France en ¼ de finale. Malheureusement pour le portier allemand, Ronaldo gagne deux trophées : la Coupe d’Espagne et, surtout, la Ligue des Champions. Il inscrit 61 buts en 60 matchs durant la saison dont 17 (un record) dans la campagne victorieuse en Ligue des Champions. La Coupe du Monde a encore perdu…

2015 – Mérité

Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont de nouveau seuls au monde. Et c’est l’Argentin qui remporte la timbale avec 41,33% des voix, contre 27,76% à Ronaldo. Il s’agit du cinquième et dernier Ballon d’Or de Messi. Il perd certes en finale de Copa America mais remporte la Ligue des Champions, la Coupe du monde des Clubs, le championnat et la Coupe d’Espagne, la Supercoupe d’Europe. Tout simplement trop fort.


2016 – Mérité mais…

Vainqueur de la Ligue des Champions et du Championnat d’Europe avec le Portugal, Ronaldo ne pouvait passer à côté de son quatrième Ballon d’Or. Même si le système des votes a de nouveau changé, le partenariat entre France Football et la FIFA ayant pris fin, la logique est respectée. Avec 745 points, le Portugais écrase l’édition 2016. Mais alors que l’on attend Antoine Griezmann, finaliste de la Ligue des Champions avec l’Atletico Madrid, finaliste de l’Euro avec la France, meilleur buteur et meilleur joueur de l’Euro sur la deuxième marche du podium, Lionel Mesi le devance. Assez largement, 316 contre 198 points. La notoriété naissante et la carrière passée de Grizou sont insuffisantes face au quintuple Ballon d’Or. Ce qui est illogique pour juger de la saison d’un joueur. Même si Messi marque plus de buts, Griezmann effectue là une année remarquable qui méritait, selon la plupart des critères en vigueur, une deuxième et non une troisième place au classement.

2017 – Mérité

Égalisation de Ronaldo face à Messi : 5-5. Les deux joueurs se partagent donc les dix derniers Ballon d’Or. Avec le championnat d’Espagne et la Ligue des Champions, entre autres, au palmarès, difficile de ne pas voter pour le Portugais du Real Madrid. Même si Sergio Ramos et Luka Modric participent également grandement au sacre des Madrilènes et auraient mérité mieux qu’une 6è et 7è place. Messi termine deuxième, Neymar troisième.

Actu Foot
Diego Simeone : « Je veux féliciter Modric pour son Ballon d'Or, parce qu’il a fait une grande saison. Mais pour moi les meilleurs ont été Varane et Griezmann. »
2018 – Pas mérité

Pendant six mois, Luka Modric est excellent en ligue des Champions et en phase de poule de Coupe du monde, moins en championnat puis en phase qualificative du Mondial. Cela lui suffit pour écraser la concurrence avec près de 300 points sur son second (753 contre 476 pts). Un dauphin nommé Ronaldo, une nouvelle fois vainqueur de la Ligue des Champions et auteur d’une saison pleine, aussi bien avec le Real Madrid que la Juventus Turin. Seule sa Coupe du monde est décevante avec une élimination en 1/8è de finale face à l’Uruguay, même s’il a tout de même marqué quatre buts dans ce Mondial dont un triplé face à l’Espagne. Les Français champions du monde, finissent très loin. Raphaël Varane, également vainqueur de la Ligue des Champions, terminent 7è (derrière Mohamed Salah !) avec 121 pts, Kylian Mbappé 4è (347 pts) et Antoine Griezmann 3è (414 pts). Ce dernier a pourtant été bon de janvier à novembre (le seul dans ce cas cette année), remporta de prestigieux titres (Ligue Europa avec un doublé en finale, Supercoupe d’Europe et donc Coupe du monde, avec quatre buts et quatre passes décisives). La faible côte « notoriété/carrière » qui l’avait pénalisé en 2016 ne peut plus être prise en compte tout comme l’absence de titre. Alors oui, il ne dribble pas tout le monde comme Messi et Ronaldo, mais il est décisif. La Coupe du monde perd encore face à la Ligue des Champions et cède à l’influence de grands clubs, le Real Madrid en tête. Une erreur de plus au cours de cette drôle de décennie de Ballons d’Or, une injustice supplémentaire, un scandale diront certains. Il est temps de réformer son attribution et lui rendre ses lettres de noblesse.
Le Ballon d'Or décerné par le magazine France Football est attribué en fonction de trois critères principaux qui sont dans l'ordre : les performances individuelles et collectives (palmarès) pendant l'année, la classe du joueur (talent et fair-play) et la carrière du joueur.


Rédigé par leral.net le Jeudi 6 Décembre 2018 à 17:11 | | 0 commentaire(s)|

Si les deux premières règles sont indiscutables pour un trophée annuel, la troisième pose en revanche un véritable problème. Le meilleur joueur de l’année devrait-il souffrir de lointaines erreurs ou d’une éclosion tardive ? Inversement, un Ballon d’Or peut-il récompenser l’ensemble d’une carrière malgré un exercice moyen ?

La symbolique n’a pas sa place pour ce type de récompense, sauf à acter officiellement un principe de subjectivité. Cette règle ne peut que faire le jeu des joueurs les plus médiatiques.

Certes les stars font vendre et leur présence est indispensable pour promouvoir la plus belle récompense individuelle du football. Comme la Ligue des Champions se monnaiera toujours mieux avec 16 équipes garanties des plus grands championnats qu’envahie de vainqueurs de championnats mineures.

On sait par ailleurs que de nombreux journalistes asiatiques, africains, européens ou (sud)américains se contentent bien souvent de suivre (ou n'ont pas accès) les matchs des grosses écuries type Real, Barça, Manchester United, Bayern Munich, PSG, au détriment de l’Atletico, Naples ou Lyon par exemple. Conséquence, certains joueurs comme Antoine Griezmann sont moins scrutés.

La preuve avec le détail du Ballon d’Or 2018 : 79 journalistes ont placé Luka Modric 1er contre 29 pour le numéro 7 de l’équipe de France. Ahurissant au regard des performances du Français, bon individuellement toute l’année et vainqueur de trophées majeurs. Soit pile dans les critères édictés par France Football pour élire le Ballon d’Or... Alors, si cette règle de base n’est pas suivie, est-elle seulement valable ?

À quoi sert la Coupe du monde ?

Autre question : pourquoi le magazine France Football détermine-t-il lui-même une liste de 30 joueurs et selon quels critères ? Les journalistes ne sont-ils pas suffisamment éclairés pour décider par eux-mêmes ? Cela éviterait à Hugo Lloris ou Isco de finir à zéro point. Jamais très agréable quand on n’a rien demandé.

Pourquoi lorsqu’une équipe gagne le plus beau trophée du football, la Coupe du monde, aucun de ses représentants n’a le droit aux honneurs du Ballon d’Or ? C’était le cas en 1998 (Zidane), 2002 (Ronaldo, le vrai, le Brésilien) et 2006 (Cannavaro). Puis plus rien. Rien pour les Espagnols, Allemands, et Français. N’aurait-on pas dû consacrer un joueur de ces équipes nationales, à condition, bien sûr, que le reste de leur saison soit bon ? Iniesta ou Xavi en 2010, Neuer en 2014, Griezmann ou Varane en 2018 ne méritaient-ils pas ces honneurs ?

Pourquoi a-t-on fait les années précédentes des buts en cascade de Ronaldo et Messi l’argument numéro 1 dans l’attribution du trophée pour snober aujourd’hui Griezmann, auteur de 33 buts et 18 passes décisives en 2018 quand Modric émarge à une demi-douzaine de réalisations ? Ces questions justifient aujourd’hui le renouvellement des règles d’attribution du Ballon d’Or qui a trop souvent récompensé la mauvaise personne.

La preuve depuis 10 ans.

2008 - Mérité
Le premier sacre de Cristiano Ronaldo ne souffre d’aucune contestation. Champion d’Angleterre avec Manchester United, le numéro 7 des Red Devis a inscrit 31 buts en 33 matchs. Il remporte également la Ligue des Champions face à Chelsea, en inscrivant un but en finale (8 en 11 matchs au total). Malgré un Euro décevant (1 but, élimination en quarts de finale par l’Allemagne) et le triomphe des Espagnols, il finit largement en tête des votes du Ballon d’Or devant Lionel Messi et l’Espagnol Fernando Torres.
2009 – Mérité
Le chassé-croisé Ronaldo-Messi commence en 2009. En l’absence de Coupe du monde (on verra plus tard que cela ne change finalement pas grand-chose), la Ligue des Champions devient le critère principal d’attribution du trophée. La première partie de la saison, jusque fin mai-début juin, est décisive puisque s’y joue la finale de la coupe aux grandes oreilles. Avec le FC Barcelone, Lionel Messi réalise le triplé championnat d’Espagne-Coupe d’Espagne-Ligue des Champions. Tout comme Iniesta et Xavi, les deux métronomes du milieu de terrain catalan. Mais les dribbles et les buts du lutin argentin font la différence. Il obtient 473 points sur 480 possibles. Un plébiscite justifié.
2010 – Pas mérité
L’Espagne remporte la Coupe du monde face au Pays-Bas avec un but d’Andres Iniesta en prolongations. L’Inter Milan, entraîné par José Mourinho et guidé par le Néerlandais Wesley Sneijder, réalise le triplé championnat d’Italie-Coupe d’Italie-Ligue des Champions. Alors, forcément, le Ballon d’Or doit récompenser un Espagnol ou l’Orange volant Sneijder.

Sauf qu’en juillet 2010, le Ballon d’Or annonce son union avec la FIFA pour décerner la récompense individuelle suprême. Le système de votes change : les journalistes, seuls habilités à voter, sont désormais rejoints par les sélectionneurs et capitaines des 208 équipes nationales affiliés à la FIFA. Le copinage en règle commence : Lionel Messi (22,65% des votes) devance les Espagnols Iniesta (17,37%), Xavi (16,48%) et Sneijder (14,48%).

Certes Lionel Messi gagne le championnat avec Barcelone, mais Iniesta et Xavi aussi."J'ai entendu que je ne serais pas sur le podium pour le Ballon d'Or, mais ça sonne étrange pour moi, s'étonnera de son côté Sneijder. Comment ça pourrait être possible alors que j'ai remporté la Série A, la Coupe d'Italie et la Ligue des Champions. Et puis j'ai été finaliste à la Coupe du monde et terminé meilleur buteur". Si le vote des journalistes avait été maintenu, le Hollandais, qui avait même marqué de la tête face au Brésil en 1/4 de finale du Mondial, se serait imposé devant Iniesta et Xavi.
2011 – Mérité
Retour à la normale. Journalistes, sélectionneurs et capitaines de sélections ne peuvent que s’incliner devant Lionel Messi. Avec 59 buts en 70 rencontres, l’Argentin permet au Barça de remporter la Ligue des Champions, le championnat d’Espagne, la Supercoupe d’Espagne, le Supercoupe d’Europe, la Coupe du monde des Clubs. Il recueille 47,88% des suffrages contre 21,6% pour Ronaldo et 9,23% pour Xavi.
2012 – Mérité
Avec 91 buts en 69 matchs, l’année de Messi est exceptionnelle. Il ne gagne pas la Ligue des Champions (Chelsea l’emporte face au Bayern Munich) ni le championnat d’Espagne, mais l’individualité mérite d’être récompensée. Il l’emporte dans les mêmes proportions que l’année précédente avec 41,6% des voix devant Ronaldo (23,68%) et Iniesta (10,91%). Vainqueur de l’Euro avec l’Espagne, Iniesta pouvait espérer la deuxième place, mais le lobbying Ronaldo-Messi tourne à plein régime. Comme le démontrera le cru 2013.
2013 – Pas mérité
Deuxième Ballon d’Or pour Cristiano Ronaldo au bout de l’un des scrutins les plus serrés de l’histoire : 27,99% pour le Portugais, 24,72% pour Messi et 23,36% pour Ribéry. Désigné meilleur joueur européen en août 2013 après son triplé avec le Bayern Munich (Championnat, Coupe d’Allemagne et Ligue des Champions), Franck Ribéry est le grand favori pour le Ballon d’Or.

Sauf que la FIFA décide de repousser les votes, faute, soi-disant, de suffisamment de votes des électeurs. Ce qui permet à ces derniers de voter pour Ronaldo auteur d’un triplé retentissant en barrages de Coupe du Monde face à la Suède. Plus encore que Sneijder en 2010, ce vote est incompréhensible étant donnée la superbe saison du Français, qui participe lui aussi à la qualification des Bleus pour la Coupe du Monde au Brésil. "C’est une injustice" disait Ribéry en début d’année 2018. Le mot est faible.
2014 – Pas (vraiment) mérité
Nouvelle année de Coupe du monde et nouveau camouflet pour les Champions du monde. L’Allemagne se contente de la troisième place, juste derrière Messi (15,72% contre 15,76%) mais loin du vainqueur Cristiano Ronaldo (37,66%). Le Ballon d’Or tenait là une occasion unique d’offrir un successeur à Lev Yachine, seul gardien à avoir décroché le titre de meilleur joueur de l’année, en 1963.

Champion d’Allemagne et vainqueur de Coupe d’Allemagne avec le Bayern Munich, ½ finaliste de la Ligue des Champions, Neuer réalise une Coupe du monde splendide avec des arrêts de grande classe comme celui face à Benzema et la France en ¼ de finale. Malheureusement pour le portier allemand, Ronaldo gagne deux trophées : la Coupe d’Espagne et, surtout, la Ligue des Champions. Il inscrit 61 buts en 60 matchs durant la saison dont 17 (un record) dans la campagne victorieuse en Ligue des Champions. La Coupe du Monde a encore perdu…
2015 – Mérité
Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont de nouveau seuls au monde. Et c’est l’Argentin qui remporte la timbale avec 41,33% des voix, contre 27,76% à Ronaldo. Il s’agit du cinquième et dernier Ballon d’Or de Messi. Il perd certes en finale de Copa America mais remporte la Ligue des Champions, la Coupe du monde des Clubs, le championnat et la Coupe d’Espagne, la Supercoupe d’Europe. Tout simplement trop fort.
2016 – Mérité mais…
Vainqueur de la Ligue des Champions et du Championnat d’Europe avec le Portugal, Ronaldo ne pouvait passer à côté de son quatrième Ballon d’Or. Même si le système des votes a de nouveau changé, le partenariat entre France Football et la FIFA ayant pris fin, la logique est respectée.

Avec 745 points, le Portugais écrase l’édition 2016. Mais alors que l’on attend Antoine Griezmann, finaliste de la Ligue des Champions avec l’Atletico Madrid, finaliste de l’Euro avec la France, meilleur buteur et meilleur joueur de l’Euro sur la deuxième marche du podium, Lionel Mesi le devance. Assez largement, 316 contre 198 points. La notoriété naissante et la carrière passée de Grizou sont insuffisantes face au quintuple Ballon d’Or. Ce qui est illogique pour juger de la saison d’un joueur. Même si Messi marque plus de buts, Griezmann effectue là une année remarquable qui méritait, selon la plupart des critères en vigueur, une deuxième et non une troisième place au classement.
2017 – Mérité
Égalisation de Ronaldo face à Messi : 5-5. Les deux joueurs se partagent donc les dix derniers Ballon d’Or. Avec le championnat d’Espagne et la Ligue des Champions, entre autres, au palmarès, difficile de ne pas voter pour le Portugais du Real Madrid. Même si Sergio Ramos et Luka Modric participent également grandement au sacre des Madrilènes et auraient mérité mieux qu’une 6è et 7è place. Messi termine deuxième, Neymar troisième.
2018 – Pas mérité
Pendant six mois, Luka Modric est excellent en ligue des Champions et en phase de poule de Coupe du monde, moins en championnat puis en phase qualificative du Mondial. Cela lui suffit pour écraser la concurrence avec près de 300 points sur son second (753 contre 476 pts).

Un dauphin nommé Ronaldo, une nouvelle fois vainqueur de la Ligue des Champions et auteur d’une saison pleine, aussi bien avec le Real Madrid que la Juventus Turin. Seule sa Coupe du monde est décevante avec une élimination en 1/8è de finale face à l’Uruguay, même s’il a tout de même marqué quatre buts dans ce Mondial dont un triplé face à l’Espagne.

Les Français champions du monde, finissent très loin. Raphaël Varane, également vainqueur de la Ligue des Champions, terminent 7è (derrière Mohamed Salah !) avec 121 pts, Kylian Mbappé 4è (347 pts) et Antoine Griezmann 3è (414 pts). Ce dernier a pourtant été bon de janvier à novembre (le seul dans ce cas cette année), remporta de prestigieux titres (Ligue Europa avec un doublé en finale, Supercoupe d’Europe et donc Coupe du monde, avec quatre buts et quatre passes décisives).

La faible cote « notoriété/carrière » qui l’avait pénalisé en 2016, ne peut plus être prise en compte tout comme l’absence de titre. Alors oui, il ne dribble pas tout le monde comme Messi et Ronaldo, mais il est décisif.

La Coupe du monde perd encore face à la Ligue des Champions et cède à l’influence de grands clubs, le Real Madrid en tête. Une erreur de plus au cours de cette drôle de décennie de Ballons d’Or, une injustice supplémentaire, un scandale diront certains. Il est temps de réformer son attribution et lui rendre ses lettres de noblesse.




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Alain Lolade