Cette année, l’IBHoF (l’International Boxing Hall of Fame), temple international de la renommée de la boxe a décidé d’examiner, pour la première fois, l’intronisation de Battling Siki dans le saint des saints. Une belle occasion pour revisiter l’histoire de ce combattant historique.
Georges Carpentier, légende du ring, est le chouchou de la nation après la première Guerre mondiale en France. Paris s’attend à ce que son héros de guerre et belle star de cinéma défende facilement son titre mondial poids-lourd contre un énorme outsider sénégalais, Battling Siki. Cependant, en septembre 1922, c’est Siki qui s’offre le scalp de Carpentier pour devenir le premier champion du monde africain. Et pourtant, ce n’est qu’un chapitre de l’histoire extraordinaire, mais en grande partie oubliée, de la vie de Louis Mbarik Fall : une histoire ponctuée de corruption, de racisme, d’héroïsme et de meurtre.
Devant 40 000 spectateurs, Carpentier domine Siki au début du combat. Cependant, lorsque ce dernier retrouve ses esprits, il le fait avec une détermination sans borne. Enragé, Siki soumet le champion français à une série de coups de poing sans réponse avant de lui envoyer un uppercut ravageur au sixième tour.
A la surprise générale, l’arbitre attribue alors le combat à Carpentier, prétendant que Siki l’avait fait trébucher et était donc disqualifié. La foule, furieuse proteste avec force. Les juges annulent l’arbitre et déclarent Siki nouveau champion du monde. Ce moment de gloire, un moment qui aurait dû être l’aube d’une grande fortune, n’était que le début de ses problèmes.
Louis Mbarick Fall est né le 16 septembre 1897 à Saint-Louis. Il arrive en France à l’âge de 8 ans. A 15 ans, il commence la boxe professionnelle avant que sa carrière ne soit interrompue par l’éclosion de la guerre. Il rejoint les Huitièmes Colonies, combattit à Gallipoli, à la bataille des Dardanelles, un affrontement entre l’Empire ottoman et les troupes britanniques et françaises dans la péninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie.
Siki se blesse a la Somme, remportant les mêmes médailles que Carpentier, la Croix de Guerre et la Médaille militaire. Il parlait cinq langues avec un esprit vif et de la chaleur, mais il était souvent décrit comme « un sauvage ». « Beaucoup de journalistes ont écrit que je me battais dans la jungle et que je suis une sorte de chimpanzé à qui on a appris à porter des gants. Je n’ai jamais été dans la jungle », a-t-il déclaré. « Je suis un Sénégalais et j’en suis fier. Je suis noir et je suis très à la mode », déclare t-il dans une interview accordé à L’Auto, à l’époque le principal quotidien sportif français.
Siki est célébré à Paris après sa victoire capitale. Le revers de la médaille, c’est qu’il en profite également à fond, organise un banquet de champagne pour célébrer et achète deux lionceaux avec lesquels il défile sur les Champs-Élysées, en jetant de l’argent à des inconnus.
Il émigre aux États-Unis après une suspension et le retrait de ses titres français et européens par la fédération française de Boxe, où siégeait François Deschamps, directeur et entraîneur de Carpentier. Il fréquente Hell’s Kitchen, un quartier chaud de New York, alors habité par les Irlandais. Quand il avait de l’argent - juste après un combat - il était généreux, payant à boire à tout le monde.
C’est là, en état d’ébriété, qu’il rencontre un policier tard dans la nuit du 15 décembre 1925. Le patrouilleur Sheehan lui conseille de rentrer chez lui. A un pâté de maisons de son appartement, un gangster lui met une balle dans la tête. Il rampe vers sa maison avant qu’une autre balle dans le dos ne l’achève. Il avait 28 ans. Enterré dans le cimetière de Flushing, à New York, sa dépouille est transférée, après une longue campagne, à Saint-Louis, sa ville natale, au Sénégal, en 1993.
PALMARÈS DE BATTLING SIKI
65 Combats : 51 victoires, 8 nuls, 6 défaites
Champion du monde
Champion d’Europe
Champion de France
Croix de guerre
Médaille militaire
STEPHY B. avec INDEPENDANT.CO.UK