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CONNEXION INTERROMPUE ENTRE LE PARTI PASTEF ET LES ÉTUDIANTS

Rédigé par leral.net le Vendredi 5 Décembre 2025 à 00:08 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - Mercredi à l’Ucad 3 décembre, la répression violente des FDS sur le campus a montré que l’État choisit le bâton plutôt que le dialogue

Contexte actuel : nos universités sous tension

La situation depuis un moment dans nos universités est indescriptible et très déplorable. Le temple du savoir est suspendu, remplacé par le temple de barricades et de violence. En effet, l’université, jadis temple du savoir, est devenu champ de bataille social entre FDS et les étudiants. Sous le silence complice des autorités.

Depuis novembre 2025, les universités sénégalaises, en particulier l’Ucad et l’UGB, connaissent une grève prolongée des étudiants. À l’Ucad, la situation a atteint un point critique avec l’autorisation donnée aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS) d’entrer dans le campus, à la suite d’un conseil d’administration du rectorat.

Cette décision, exceptionnelle dans l’histoire de l’université, fait tache et met en lumière une dégradation de l’autonomie et de l’image de nos institutions universitaires. Le professeur Cheikh Anta Diop, parrain  de l’université de Dakar, ne serait certainement pas fier de voir son héritage réduit à un climat de tension et de violence sur le campus de la meilleure université en Afrique francophone.

La situation actuelle rappelle les événements tragiques passés : la mort de Mouhamadou Fallou Sène à l’UGB en 2018, celle de Bassirou Faye à l’Ucad en 2014. Ces incidents montrent que les tensions étudiantes ne sont pas nouvelles, mais malheureusement répétitives. Et pour les mêmes causes, encore en 2025 les étudiants font face aux FDS. Tout ce qu’il réclament, c’est le versement de leur bourse, une somme modeste mais essentielle pour vivre dignement.

Les étudiants sont déçus du régime Pastef

Faudrait-il parler de déception ou de déconnexion entre le parti Pastef et les étudiants ? La réponse est bien sûr oui. Beaucoup d’étudiants se sont fortement mobilisés pour le parti Pastef, participant aux manifestations pour la libération du leader du parti Ousmane Sonko et exprimant massivement leur soutien dans les urnes. On se rappelle des concerts de casseroles dans nos universités notamment à l’Ucad, des manifestations allant jusqu’à la fermeture de l’université. Mieux, des étudiants dans ce soutien ont même perdu la vie, on se rappelle de la mort du camarade Tounkara à l’UGB. Osons le dire, les étudiants sont déçus du régime Pastef. La déception des étudiants s’explique par un choc entre les attentes et la réalité. Beaucoup d’entre eux ont été en première ligne pour défendre Pastef : ils ont manifesté, riqué leur avenir académique, parfois leur intégrité physique, et voté massivement pour ce changement politique. Ils voyaient en Pastef un parti « proche du peuple » et porteur d’un projet moral, social et transparent.

Or, moins de deux ans après l’arrivée au pouvoir, ils constatent entre autres :

  • Le non-respect des attentes immédiates (retards de bourses, manque de dialogue et gestion jugée autoritaire)
  • Une continuité des pratiques qu’ils dénonçaient sous les anciens régimes, notamment l’usage des FDS sur le campus
  • Un sentiment de trahison symbolique, car Pastef s’était aussi construit sur un discours de rupture et de proximité avec les jeunes. Les vivent une désillusion précoce.

Ce mercredi à l’Ucad 3 décembre, la répression violente des FDS sur le campus a montré que l’État choisit le bâton plutôt que le dialogue. On peut alors se demander : le gouvernement est-il en train de laisser le feu prendre sur la paille ? La frustration face à un manque de reconnaissance ou de réponse immédiate et concrète nourrit davantage leur colère. Les étudiants attendaient un « gouvernement de rupture », voient plutôt « un pouvoir qui glisse dans les mêmes travers ». D’où cette colère, car pour eux, le changement qu’ils ont défendu de toute leurs forces ne se traduit par sur le terrain.

Dans son ouvrage « les mots », le philosophe français Jean-Paul Sartre écrit ceci : je vis la mort. […] : elle me guettait ; le soir, elle rôdait sur le balcon, collait son mufle au carreau, je la voyais mais je n’osais rien dire. En outre, malgré l’ampleur de la crise et la gravité des affrontements sur le campus, le gouvernement reste muet. Ce silence est perçu comme indifférence face aux souffrances des étudiants et aux risques pour la sécurité de tous.

Les risques pour les universités et la jeunesse

Nous allons vers une dégradation de l’image de nos universités. L’Ucad, symbole intellectuel du Sénégal, voit de plus en plus son prestige terni par la violence. On assiste à un glissement du « temple du savoir vers un temple de guérilla », où le débat intellectuel est remplacé par des affrontements physiques. Ces risques vont plus loin, ils nous acheminent vers les victimes potentielles du régime PasteF. La présence des FDS sur le campus augmente le risque de tragédies. Certains craignent que les étudiants deviennent les premières victimes politiques de cette crise, un scenario que le pays ne peut se permettre de répéter après tout ce qui s’est passé. Au-delà des deux risques évoqués plus haut, cette situation impacte aussi sur le calendrier universitaire qui était déstabilisé à cause des tensions universitaires.  On assiste à une suspension prolongée des cours et le climat de peur qui freinent les enseignements, mettant en péril l’avenir des étudiants et la compétitivité du pays.

Urgence d’un dialogue constructif

La crise actuelle montre que la jeunesse étudiante ne demande pas l’impossible : juste un respect de ses droits et la possibilité de poursuivre ses études dans un climat serein. Le régime Pastef doit réagir rapidement, non pas en imposant la force, mais en ouvrant un dialogue sincère avec les étudiants faut de quoi, le Sénégal risque de revivre des drames qui auraient pu être évités, et l’université, symbole de savoir et de liberté, restera prise en otage encore par la violence et la frustration.

Ibrahima Diatta est étudiant titulaire d’un master recherche en science politique à l’Ucad, président sortant de l’association des étudiants Africains en science politique.

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Source : https://www.seneplus.com/politique/connexion-inter...