CRISE DES UNIVERSITÉS, SORTIR DE L'URGENCE POUR RECONSTRUIRE LE SYSTÈME

La tension autour du paiement des bourses a remis l’université au centre du débat public. Mais réduire la crise actuelle à une question financière est une erreur d’analyse. Le véritable problème est structurel, non conjoncturel.

Derrière chaque retard de bourse se cache un phénomène plus profond : l’instabilité chronique du calendrier universitaire. Semestres décalés, années qui se chevauchent, grèves à répétition : impossible, dans ces conditions, d’assurer une planification budgétaire cohérente. Le problème n’est donc pas seulement « l’argent », mais l’incapacité du système à fonctionner régulièrement.

La crise révèle également d’autres défis majeurs :

– la réforme des programmes,

– la réorientation professionnelle des parcours,

– la revalorisation du métier d’enseignant-chercheur,

– et, plus largement, la gouvernance universitaire.

Ce sont là des questions structurelles que le Sénégal repousse depuis des années.

Pour autant, toute réforme en profondeur nécessite des mesures transitoires. L’exemple des bourses est éclairant : leur utilisation déborde largement le cadre académique. Elles servent aussi à soutenir des familles, gérer des urgences sociales ou compenser l’absence d’aides publiques. Les suspendre ou les modifier brutalement serait socialement risqué.

La vérité est simple :

l’école sénégalaise fonctionne, mais elle n’est pas fonctionnelle.

De la maternelle à l’université, le système a besoin d’être repensé pour répondre aux réalités du pays.

Sortir de la crise exige donc deux choses :
– une vision structurelle claire,
– et une pédagogie réformatrice, progressive et intelligente.

Tant que nous resterons dans la gestion ponctuelle des crises, l’université continuera de vaciller. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas un traitement d’urgence, mais un projet national pour refonder l’éducation.

Docteur Cheikh Tidiane Mbaye, Sociologue