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Ces Américains qui voient dans l’equipe de France, la dernière équipe africaine du Mondial

Le parcours de l'équipe de France lors de cette Coupe du monde de football a pu être l'objet d'un débat aux Etats-Unis, afin de savoir si oui, ou non, il était "problématique" de pointer les origines africaines de 12 des 23 joueurs de l'équipe de France, et en appelant cette équipe de France "la dernière équipe africaine du Mondial".


Rédigé par leral.net le Jeudi 12 Juillet 2018 à 22:22 commentaire(s)|

Atlantico : Qu'est-ce que ce débat nous révèle de la perception, ici d'auteurs afro-américains, de cette question ? Quelle est la projection d'un mal américain ici projeté sur la France ?

François Durpaire : Tout d'abord, il faut rappeler que le "soccer" n'est pas le sport "mainstream" aux Etats-Unis. On parle plutôt de Baseball et de Football américain. En revanche, c'est le sport des migrants. Mais comme il s'agit du sport international, quand on est migrant aux Etats-Unis, on est forcément attaché à une équipe nationale. C'est valable aussi pour les latinos américains comme pour les afro-américains. D'ailleurs, beaucoup ont suivi le Mexique, elle était l'équipe la plus suivie durant le mondial.

Quand on est un migrant nigérien, on suit l'équipe du Nigeria, idem pour les migrants sénégalais etc… C'était une manière pour les migrants de suivre leurs racines et c'est tout à fait possible aux Etats-Unis qui unit la fierté nationale et l'ethnique. On peut être nigérian américain, attaché à l'équipe de foot du Nigeria tout en restant attaché à son pays. Mais finalement, toutes les équipes africaines ont échoué au premier tour de la coupe du monde.

Les afro-américains ont donc suivi l'équipe qui leur apparaissait la plus proche de leurs origines, la France. Dans l'équipe de France, 12 sur 23 joueurs sont d'origine africaine et on y trouve toutes les origines, camerounaise (Mbappé), congolais, malien (Kanté) etc… Vous avez le choix. Ca a servi d'identification par substitution. Les Français défendent désormais les couleurs de l'Afrique.

En quoi ce débat est-il différent en France et aux Etats-Unis ? Quelles sont les causes de cette différence d'approche ?

Aux Etats-Unis, un migrant guinéen va peut-être suivre l'équipe de France parce qu'il y a Pogba. Pareil pour un migrant d'origine malienne, parce qu'il y a Kanté. Mais en France, il y a une évolution dans l'identification des jeunes à cette équipe. Il n'y a plus d'identification par juxtaposition de nationalité. Cette équipe de France ressemble aux jeunes, mais les jeunes n'identifient plus les nationalités d'origine.

C'était plus le cas de l'équipe black blanc beur de Zidane. Mais nous sommes désormais dans une génération naturelle. Est-ce que beaucoup de jeunes noirs des quartiers se disent qu'Mbappé est d'origine camerounaise ? Pas beaucoup. En revanche, ils savent qu'il vient de Bondy. Il y a une francisation de cette équipe.

On est passé à un multiculturalisme banalisé. Je ne pense pas qu'on soit dans la même mentalité que 1998. Il y a quelque chose de plus naturel.

Et puis nous n'en avons pas tellement fait autour du multiculturalisme de l'équipe de France cette année. Parce qu'on peut être de n'importe qu'elle origine et représenter la France telle qu'elle existe aujourd'hui. La mutation interculturelle de la France s'est banalisée dans le fait que les journalistes n'en font plus des tonnes. Preuve en est, vous avez choisi une comparaison US. On ne se demande plus si l'équipe de France va réconcilier les communautés.




Atlantico
 


Alain Lolade