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DAKAR-ABIDJAN, LA ROUTE DU FAUX VIAGRA

Rédigé par leral.net le Mercredi 3 Septembre 2025 à 01:49 | | 0 commentaire(s)|

Érections prolongées, crises cardiaques, salivation incontrôlée.. Les effets des faux aphrodisiaques ravagent l'Afrique de l'Ouest. Le New York Times révèle l'ampleur d'un fléau qui touche particulièrement le Sénégal

(SenePlus) - Une guerre silencieuse se livre en Afrique de l'Ouest. Depuis la Côte d'Ivoire jusqu'au Sénégal, des stimulants sexuels non réglementés inondent les marchés, menaçant la santé de milliers d'hommes attirés par des promesses de virilité. Cette crise sanitaire, révélée par une enquête du New York Times publiée le 20 août 2025, touche particulièrement le Sénégal, devenu l'un des principaux marchés d'exportation de ces produits dangereux.

"C'est une guerre", déclare le Dr Assane Coulibaly, responsable de l'autorité de régulation pharmaceutique de Côte d'Ivoire, interrogé par le journaliste Elian Peltier. Cette déclaration résume l'ampleur du défi auquel font face les autorités sanitaires de la région, notamment sénégalaises.

Le phénomène prend une dimension alarmante : jusqu'à la moitié des médicaments en circulation en Afrique de l'Ouest échappent à toute réglementation, selon l'agence antidrogue des Nations Unies. Plus de 500 000 personnes mourraient chaque année en Afrique subsaharienne de la consommation de médicaments dangereux et non réglementés, les stimulants sexuels figurant parmi les plus fréquemment signalés par l'Organisation mondiale de la santé.

Au Sénégal, pays voisin de la Côte d'Ivoire et l'un des principaux marchés d'exportation identifiés par l'enquête du Times, ces produits trouvent un terrain particulièrement fertile. Les réseaux de distribution s'étendent de Dakar aux régions les plus reculées, alimentés par une demande croissante d'hommes jeunes en quête de performance.

L'enquête du New York Times se penche sur le cas d'Attoté, une boisson manufacturée rose et amère censée améliorer les performances masculines. Produite à Korhogo, en Côte d'Ivoire, par Djakalia Ouattara, un ancien mécanicien reconverti qui se fait appeler "Dr Attoté", cette boisson contient des niveaux de sildénafil (principe actif du Viagra) huit fois supérieurs à la dose recommandée.

"Même si nous utilisons du sildénafil, si cela soigne les gens, pourquoi est-ce mal ?", s'interroge Moussa Soro, l'un des fils d'Ouattara, dans les colonnes du Times. Cette rhétorique illustre la méconnaissance des risques sanitaires par les fabricants eux-mêmes.

Le processus de fabrication révélé par l'enquête est édifiant : des pilules manufacturées en Inde sont introduites clandestinement en Côte d'Ivoire, broyées, mélangées à d'autres ingrédients, puis vendues 1,50 dollar localement. Ces mêmes produits atteignent 15 dollars en France et 20 dollars aux États-Unis. Le Sénégal constitue l'un des "marchés clés" de cette entreprise, aux côtés du Ghana, de la France, de la Belgique et des États-Unis.

Des conséquences sanitaires dramatiques

Les effets secondaires documentés par l'enquête du Times sont préoccupants : migraines persistantes, salivation incontrôlée, érections prolongées pouvant conduire à la nécrose, et risques accrus d'accidents cardiaques. "L'omnipotence sexuelle est glorifiée", analyse le Dr Mamadou Kamagaté, professeur de pharmacologie cité par le journal. "Les croyances populaires ont pris le dessus sur le raisonnement scientifique et les gens ignorent les effets secondaires."

Au Sénégal, les services d'urgence des hôpitaux constatent régulièrement ces complications, particulièrement pendant les fêtes de fin d'année quand la demande explose. Les médecins sénégalais, à l'instar de leurs confrères ivoiriens, rapportent une augmentation des consultations liées à ces produits.

Face à ce fléau, les autorités sénégalaises collaborent avec leurs homologues ivoiriennes pour endiguer le phénomène. En 2024, la police a saisi plus de 40 tonnes de pilules de sildénafil introduites clandestinement depuis l'Inde et stockées dans des entrepôts désaffectés à Korhogo.

Malgré l'interdiction gouvernementale de production d'Attoté, celle-ci a discrètement repris sous un nouveau nom : Fêrêlaha, qui se traduit approximativement par "enlève-moi la honte". Cette adaptation illustre la capacité d'adaptation des réseaux face aux mesures répressives.

L'enquête du New York Times révèle que ces produits sont désormais disponibles sur Amazon et Walmart, commercialisés comme "100% naturels" sans liste d'ingrédients. Cette dimension internationale du problème exige une réponse coordonnée entre les autorités sénégalaises, ivoiriennes et leurs partenaires internationaux.

Le Dr Eloué Kroa, directeur de l'agence de médecine traditionnelle ivoirienne, assure que "la répression va continuer". Au Sénégal, les autorités sanitaires renforcent également leurs contrôles aux frontières et sur les marchés locaux.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/sante/dakar-abidjan-la-ro...