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DANSOKHO SUR LA DISGRÂCE DES LIEUTNANTS DE WADE:« Pourtant j’avais mis en garde Idy et Macky »

Venu à Thiès le week-end dernier pour discuter avec les cadres de son parti de leurs programmes politiques, Amath Dansokho, le leader du Parti pour l’indépendance et le travail (Pit) a accepté de nous accorder une interview au cours de laquelle il a abordé l’actualité récente liée au départ de Macky Sall de l’Assemblée nationale, entre autres sujets. M. Dansokho nous donne son éclairage sur cette disgrâce des numéros deux de Wade…


Rédigé par leral.net le Jeudi 13 Novembre 2008 à 11:07 | | 0 commentaire(s)|

DANSOKHO SUR LA DISGRÂCE DES LIEUTNANTS DE WADE:« Pourtant j’avais mis en garde Idy et Macky »
Qu’est-ce qui justifie votre absence lors de la cérémonie officielle de la 106 ème édition du Gamou de Pire ? Aucun parti de l’opposition n’était officiellement représenté.

En ce qui me concerne, c’est pour des raisons de santé. Vous avez remarqué que depuis quelques années, je ne me suis rendu ni à Touba ni même à Tivaouane qui est tout prés de Dakar. La raison, c’est que je ne suis pas sûr qu’il ne m’arrivera pas de malheur. Mes jambes sont très faibles à cause du diabète. D’ailleurs je dois me rendre à Paris le lundi 10 novembre (interview réalisée le week-end dernier, ndlr) pour poursuivre mon traitement. Et Serigne Moustapha qui est un grand ami, est un érudit en Islam dont j’ai eu à apprécier l’intelligence extrêmement vive, en tout cas son savoir dans un avion que j’ai partagé avec l’ambassadeur de Libye pour la Havane en 1989 à l’occasion du trentième anniversaire de la révolution cubaine. L’ambassadeur de Libye m’a entretenu du savoir énorme de Serigne Moustapha. J’ai eu à faire une mission avec lui au Congo Brazzaville, mission de médiation entre Lissouba et Sassou Nguésso et j’ai pu là aussi apprécier son grand talent de diplomate et d’érudit, c’est une intelligence très brillante.

Dans son discours qu’il a lu lors de la cérémonie officielle, le Khalife de Pire a dénoncé le comportement des hommes politiques, pour dire qu’ils sont en train d’installer le Sénégal dans une situation très compliquée. Quel commentaire en faites-vous ?

Disons qu’il y a des différends partout. C’est le monde qui est en réorganisation. Moi, ça ne me surprend pas, c’est le contraire qui m’aurait surpris. Ce n’est pas que j’excuse la propension des Sénégalais à se diviser sur le plan politique pour des raisons souvent de basses classes. Et Senghor nous avez dit que chaque Sénégalais crée son parti pour crier immédiatement à l’unité. C’était en 1959 quand on lui a dit de faire l’unité pour accélérer l’indépendance. Le travers des Sénégalais c’est cela et je ne le partage pas entièrement mais c’est une donnée de notre vie politique et à partir surtout du moment où l’argent a pris tant de places sur l’action politique ; c’est comme le plat de « thiébou dieune » où tout le monde se met autour et essaye de prendre sa poignée de riz parce qu’il n’y en a pas assez. C’est devenu une constante de notre vie politique maintenant et ça a été porté au sommet par le système Wade. Regardez les partis qui sont au Cap 21. Il y en a combien ? On ne sait pas ; il crée des partis qui vont s’agréger autour de lui parce que les dirigeants sont payés. Si on ne les payait pas peut-être qu’on aurait moins de candidats. Il suffit d’adhérer à la Cap 21 pour avoir deux cent mille francs, des centaines de kilogrammes de riz, de l’huile, du savon, etc.

Revenons sur le discours de Serigne Moustapha Cissé qui a dénoncé le fait que les politiques installent le Sénégal dans une campagne électorale que rien ne justifie. Que répondez-vous?

Mais nous avions une vie politique normale dans ce pays. Il y a eu des campagnes politiques à intervalles réguliers, sans histoire ; on débattait des questions de fond. Entre Senghor et Lamine Guèye, c’était des divergences politiques profondes, l’assimilation contre la négritude, et les partis de gauche étaient porteurs de valeurs. C’est autour des valeurs que le débat était structuré. Je le dis parce que je vous ai tout à l’heure dit que mon premier parti était le Bds, mon second l’Union démocratique sénégalaise et j’ai duré là-bas jusqu’à sa fusion avec le Bds en 1957. Et en ce moment, c’était des questions de fond qui séparaient les gens. L’argent n’avait pas encore fait son apparition et n’avait pas commencé à dissoudre les valeurs. C’est à partir du moment où l’argent est devenu la valeur absolue que nous connaissons la situation que l’on sait. A cela il faut ajouter, le fait que c’est le monde, la vie politique dans le monde qui est en errance et qui est agitation.

Donc, ce n’est pas le parti qui est au pouvoir qui en est responsable ?

Pas forcément. Il y a des mutations qui sont en cours. Personne ne sait sur quelle base l’humanité va retrouver son équilibre. Est-ce que vous imaginez les forces qui sont en mouvement actuellement à travers cette crise ? C’est énorme ! Nous ne savons même pas si une guerre ne va pas en sortir. Parce que l’impérialisme d’habitude face à une crise comme ça, recourt toujours à la guerre. Donc, sous ce rapport, je ne pense pas que nous soyons une exception. En France, qui est notre modèle politique, tous les vieux partis sont en crise.

Comme le Parti socialiste ?

Le Parti socialiste est en crise, les partis communistes sont en crise, ceux de l’extrême gauche sont en crise parce qu'il y a un débat de civilisation qui est en cours dont personne, en tout cas, ne maîtrise les lignes de force. Peut-être même que ce qui en sortira va être différent du modèle politique que nous avons hérité du XIXe siècle puisque les techniques aussi jouent beaucoup, les forces productives sont organisées autrement. Avant c’était les usines, les bureaux qui étaient le centre de la production.

À vous entendre parler, on ne sait plus où l’on va ?

Si, si, on le sait. C’est pour vous dire qu’il y a des risques. J’insiste sur les risques. Malheureusement on est ici, et c’est là où je suis d’accord avec Serigne Moustapha, qu’on ne réalise pas assez les enjeux de notre situation actuelle. Du côté du pouvoir, c’est clair. Du côté de l’opposition, nous sommes conscients, nous sommes dans une démarche alternative, dans une démarche de regroupement de travail pour un consensus très fort à travers les Assises qui ont un très grand succès dans le pays. C'est-à-dire que les questions soulevées par l’opposition sont pertinentes. À Dakar par exemple, c’est une bonne partie de la crème sur le plan intellectuel qui est en train de débattre sur les questions soulevées.

Une autre question qui occupe l’actualité au Sénégal c’est la destitution de Macky Sall de la tête de l’Assemblée nationale. Quelle en est votre appréciation ?

Ce qui se passe à l’Assemblée nationale me révolte, j’en suis indigné. On ne traite pas ainsi une Assemblée nationale. Et malgré les circonstances dans lesquelles, elle est élue et que je conteste fondamentalement sinon je n’aurais pas boycotté, elle est quand même reconnue par celui qui dirige ce pays comme étant l’Assemblée nationale, l’expression du suffrage universel. Il n’a pas le droit de traiter son président comme ça. Certes, je n’ai rien à voir avec Macky. Sur le plan politique, il est du Pds (avant sa démission Ndlr) et moi je suis de l’autre côté, c’est connu. Mais je ne mélange pas les torchons et les serviettes. Malheureusement ce qui se passe là-bas, ça dépasse l’entendement. C’est la volonté de liquider un homme parce qu'on le soupçonne de lorgner un fauteuil et je vous rappelle que je le lui avais dit à l’Assemblée nationale. Je lui ai dit le jour où Idrissa à fait son discours, (tous les Sénégalais peuvent en témoigner), je lui ai dit : Monsieur le Premier ministre, ne lorgnez surtout pas le fauteuil. Il avait nommé Mame Madior parce que c’est une femme, elle ne lorgnerait pas le fauteuil. Lui-même en conférence de presse, il l’avait dit. Je l’ai rappelé à Idrissa, tout le monde a rigolé. Quand Macky est venu, deux ans et demi après, je lui ai dit : Souvenez-vous de ce que j’avais dit à celui que vous avez succédé : Ne regardez pas, ne lorgnez pas le fauteuil. Moi, je suis convaincu que Macky a connu ce sort parce que simplement quelque part on l’a soupçonné de s’opposer au projet politique fondamental du président de la république ; c’est exactement comme Idrissa. Une question d’argent, ce n’est pas cela le fond du problème. Le problème, c’est que Idrissa avait dit qu’il ne se mettrait pas derrière Karim. C’est cela le problème, rien d’autre. D’ailleurs, il (Wade) a réglé le problème définitivement, il a dit qu’au Sénégal, il n’y a personne qui peut lui succéder. Il a regardé dans son parti, là aussi il a dit que personne ne peut le remplacer. Pourtant, il n’est pas éternel. Dieu, Le Tout-Puissant n’a pas accordé ça à Mohamed, puisqu’il ne peut pas nous gouverner à partir des cimetières, il n’a qu’une seule solution, c’est de mettre son fils …

Et pourtant il se défend de cette idée parce que apparemment il peut se représenter en 2012 ?

Oui, son fils ne m’a jamais dit qu’il est candidat hein, j’ai parlé avec lui et je crois qu’il m’a parlé assez ouvertement, mais c’est la conviction de 99% des Sénégalais que c’est ce projet qui est à l’œuvre.

Alors Macky Sall a été destitué et Serigne Moustapha Cissé dans son discours a dénoncé le fait que les institutions soient piétinées, que pensez vous de

Mais je vous ai dit depuis longtemps que Abdoulaye Wade ne connaît pas la loi. C’est un professeur de droit qui ne connaît pas la loi. La loi, c’est pour les autres pas pour lui. Il l’a dit en 2002 dans une interview au Figaro que son idéal politique en Afrique, c’est le despotisme éclairé ou le césarisme démocratique. Ces deux solutions n’ont aucun lien avec une République. Et il ne s’est jamais dérangé quand il a besoin de quelque chose de piétiner les lois de la République. Il a introduit dans la Constitution un curseur qu’il manipule comme une puce dans un ordinateur. Chaque jour que Dieu fait, nous sommes à la veille d’une réforme de la Constitution parce que tout est ramené à lui. Il faut bien savoir dans quel système nous sommes. Mais les responsables sont ceux qui ont voté le référendum de 2001. Moi, j’ai refusé et je ne suis pas plus intelligent qu’eux, alors que nous nous battions pour un régime parlementaire. C’était le programme électoral y compris pour le Ps. Abdou Diouf était arrivé à cette conclusion qu’il fallait installer un régime parlementaire. Après ça on ne vote pas non seulement le régime parlementaire mais il y a des gens qui ont dit que la Constitution était la notre ce n’est pas celle du Pds. Voilà comment nous avons mis le doigt dans l’engrenage et ça a été fatal pour la République.

Source: le Matin

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