DE L'AFD, PAPE AMADOU SARR INTERPELLE DAKAR

Invité du "Grand Jury" de Georges Déthié Diop sur RFM ce dimanche 31 août 2025, Pape Amadou Sarr, ancien ministre délégué général à l'entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes et aujourd'hui directeur exécutif au sein du groupe Agence française de développement (AFD), a livré une analyse nuancée du plan de relance économique et social du gouvernement Sonko.

Si l'ancien ministre salue la cohérence et la logique du plan, il émet des réserves importantes sur sa temporalité. "La temporalité avec laquelle les autorités veulent baisser le déficit public et mobiliser beaucoup plus de recettes locales en taxant davantage peut avoir un impact immédiat positif, mais à terme ça peut être contre-productif", a-t-il déclaré.

Le plan gouvernemental vise à ramener le déficit budgétaire de 13% à 3% d'ici 2027, notamment en augmentant les taxes sur les jeux de hasard, le tabac, la monnaie électronique et les transferts d'argent. Pour Pape Amadou Sarr, cette approche risque d'encourager "la fraude" et "le développement du secteur informel".

S'appuyant sur l'expérience française, l'ancien ministre plaide pour une approche plus graduelle : "Si j'étais à la place de certains décideurs, j'aurais fait du lissage au lieu de viser un déficit budgétaire autour de 13% pour cibler les 3% à 2027." Il rappelle que la France a tenté à plusieurs reprises de revenir aux 3% imposés par l'Union européenne, "mais avec des difficultés à chaque fois".

Cette précipitation pourrait pousser les contribuables à "ne pas se déclarer", "faire de la fraude" ou "s'expatrier pour aller travailler dans d'autres pays où les régimes fiscaux sont plus favorables", met-il en garde.

Les défis de la mise en œuvre

Malgré ses critiques, Pape Amadou Sarr insiste sur la continuité de l'État. Il souligne que les mêmes équipes techniques qui ont travaillé sur le PSE sous l'ancien régime participent aujourd'hui au plan de relance : "Ce sont des hauts fonctionnaires qui ne sont pas des politiques qui étaient là depuis Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall et qui sont là aujourd'hui avec le président Bassirou Diomaye Faye."

Cette continuité technique garantit selon lui la rigueur des projections économiques, même si "il peut y avoir des différences en terme de temporalité, de choix sectoriel, de choix méthodologique".

L'ancien ministre rappelle que "le Sénégal a toujours su élaborer d'excellents plans, d'excellents programmes", mais que "c'est la mise en œuvre qui fait souvent défaut". Il anticipe déjà une révision à la baisse des prévisions de croissance pour 2025, passant des 8% initialement prévus à environ 5%, en raison des catastrophes naturelles et de l'arrêt temporaire de certains secteurs comme le BTP après l'arrivée au pouvoir du nouveau régime.

Aujourd'hui en poste à Paris où il mobilise environ 24 milliards d'euros de financement annuel pour l'AFD, Pape Amadou Sarr envisage un congé sabbatique pour revenir sur le continent africain. Interrogé sur une éventuelle collaboration avec le régime actuel, il affirme déjà "travailler avec l'actuel régime" de manière officieuse, tout en se dirigeant vers un nouveau poste à Abidjan en septembre.