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Donna Summer, la mort à 63 ans de la reine du Disco

Rédigé par leral.net le Vendredi 18 Mai 2012 à 08:58 | | 0 commentaire(s)|

En août 1975, s'échappaient d'un studio allemand des feulements confondant jusqu'à l'extase jouissance érotique et passion de la danse : Love to Love You Baby. Sur la pochette du 45 tours, une liane d'ébène en petite robe blanche rejette en arrière son visage enivré, croise ses mains au creux de son ventre. Mimant son amour de l'amour physique sur une trame languide d'accords funk, d'orgue glacé et d'un rythme de grosse caisse à l'obsédante rectitude, Donna Summer ouvrait les années disco dans un râle de plaisir. Celle qui fut une des rares divas du genre à connaître une relative longévité de carrière, est morte d'un cancer du poumon, jeudi 17 mai, en Floride, à l'âge de 63 ans.


Donna Summer, la mort à 63 ans de la reine du Disco
Dans les chœurs des gospels

Née LaDonna Andrea Gaines, le 31 décembre 1948, à Boston (Massachussets), Donna Summer a formé sa voix, comme beaucoup de ses consœurs, dans les chœurs gospel de son église. Elle pourrait s'orienter vers la soul, mais donne ses premiers spectacles d'adolescente au sein d'un groupe de rock, The Crow. Attirée par l'univers des comédies musicales, elle quitte son Massachussets natal pour tenter sa chance dans des spectacles exportés en Europe. En Allemagne, on l'entend ainsi dans Hair, Godspell ou Showboat. C'est à Munich, où elle réside depuis la fin des années 1960, qu'un duo de producteurs, Pete Bellotte et Giorgio Moroder, repère cette chanteuse noire américaine, mariée à un peintre Autrichien, Helmut Sommer, dont le nom, anglicisé en "Summer" est devenu son nom d'artiste.

Gimmick torride

Avec ces réalisateurs artistiques, elle enregistre en 1974 un premier album, Lady of the Night, qui contient son premier tube, The Hostage, récit anxiogène d'une femme dont le mari a été enlevé. Mais c'est bien à partir de Love To Love You, un an plus tard, que cette collaboration germano-américaine prend des allures de phénomène. En 1998, Giorgio Moroder rappelait au Monde les circonstances de la création de ce fantasme érotique. " J'ai dit à Donna que nous devrions enregistrer une chanson sexy pour nous amuser. Quelque temps après, elle est revenue avec ce petit bout de phrase "I love to love you...". Le studio était disponible, je lui ai proposé de faire une maquette. On a bouclé ça en une journée ".

Le gimmick torride des halètements de la chanteuse était un argument de choc. " Je n'avais pas vraiment de texte " a un jour expliqué Donna Summer, qui fut souvent la co-auteure de ses chansons. " Je me suis mise à gémir dans le micro en imaginant ce qu'aurait fait Marilyn. Mes parents n'ont pas reconnu ma voix dans un premier temps. Ils ont été très choqués. " Explication technique du producteur: " Sans le vouloir, j'ai fait chanter Donna dans une tonalité qui ne lui été pas naturelle. Elle a pris un genre de falcetto qui, au bout du compte, rendait la chanson encore plus excitante. "

Il manquait un ingrédient pour que ce titre entre dans l'histoire. " Neil Hogart, le patron de Casablanca, notre maison de disques américaine, m'a demandé d'enregistrer une version de Love To Love You sur la face entière d'un album. Il avait passé le 45 tours dans des fêtes et à chaque fois les gens étaient frustrés par sa durée. En deux semaines, j'ai conçu une version de dix-sept minutes. " En pionnier, Moroder investissait l'architecture d'une chanson, en trafiquait les sons et les rythmes, non dans le but d'une performance live ou radiophonique, mais pour en accroître l'impact dans les discothèques.

Antidépresseurs et religiosité

L'exploitation de cette manne provocante qui scandalisera les puritains américains, produira d'autres standards disco comme Try Me (I Know We Can Make It Work) et surtout le très synthétique I Feel Love (1977), plus tard repris par Jimmy Somerville, Marc Almond, Beyoncé ou Madonna. Avec ses producteurs allemands, Donna Summer enregistre aussi des albums aux velléités conceptuelles - Four Seasons of Love, Once Upon a Time -, tout en constatant que la vague disco commence à perdre de son impact, malgré le succès de la chanson Last Dance, tirée du film Thank God It's Friday où elle fait une apparition. En 1979, Hot Stuff, tube tiré de son double album Bad Days, prend des accents plus rock.

Quittant Casablanca pour le label Geffen et s'éloignant petit à petit de ses Pygmalions disco, Belotte et Moroder, Summer (qui travaillera avec Quincy Jones) connaît un dernier gros succès en 1983 avec She Works Hard For the Money aux consonances féministes, avant que sa carrière ne s'étiole dans la seconde moitié des années 1980. Usée par les excès de son mode de vie, déprimée par le reflux de popularité, la "disco queen" abuse des antidépresseurs et finit par trouver le salut dans un regain de religiosité aux côtés des Born again Christians. A cette période, un journal cite cette égérie de la communauté gay parlant du sida comme d'une "punition divine". Malgré les démentis répétés et les concerts qu'elle donnera pour la lutte contre le sida, Donna Summer perdra longtemps le soutien de ces admirateurs.

Si le début des années 1990 prolonge cette traversée du désert, la seconde moitié de la décennie et les années 2000 la voient profiter un peu de la nostalgie des années disco. Son dernier album, l'éclectique Crayons, datait de 2008. "Elle était la reine du disco et le restera. Je la connaissais et la considérais comme une des personnes plus aimables et drôles au monde. Elle va nous manquer et on se souviendra d'elle", a déclaré la chanteuse Dolly Parton.

Stéphane Davet