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Du Gaullisme au Macronisme : la France face à ses dettes de mémoire

Rédigé par leral.net le Mercredi 31 Décembre 2025 à 18:06 | | 0 commentaire(s)|

L'histoire est souvent écrite par les puissants, mais rarement lue avec lucidité par ceux qui ont bénéficié des sacrifices d'autrui. Pour la France, le miroir de la mémoire renvoie aujourd'hui une image de contradiction profonde.
Après avoir subi le traumatisme de l'occupation entre 1940 et 1944, on aurait pu croire que la « Patrie des Droits de l'Homme » deviendrait la championne inconditionnelle de la liberté des peuples. Pourtant, son bilan africain et sa posture diplomatique actuelle (...)

- LIBRE PROPOS /

L'histoire est souvent écrite par les puissants, mais rarement lue avec lucidité par ceux qui ont bénéficié des sacrifices d'autrui. Pour la France, le miroir de la mémoire renvoie aujourd'hui une image de contradiction profonde.

Après avoir subi le traumatisme de l'occupation entre 1940 et 1944, on aurait pu croire que la « Patrie des Droits de l'Homme » deviendrait la championne inconditionnelle de la liberté des peuples. Pourtant, son bilan africain et sa posture diplomatique actuelle révèlent une réalité plus cynique : celle d'une nation qui a souvent transposé et amplifié les mécanismes de domination qu'elle prétendait combattre.

Le général de Gaulle, figure de la Résistance, incarna l'idée qu'une nation ne peut être asservie. Mais sitôt le joug nazi brisé, son pouvoir s'empressa de structurer une domination durable sur l'Afrique, transformant l'empire en un pré carré stratégique.
La libération de la France doit pourtant une dette immense à ces territoires : en 1944, près de 60 % des forces de l'Armée B étaient africaines. La reconnaissance fut toutefois amère .

Du massacre des tirailleurs de Thiaroye en décembre 1944, où des soldats réclamant leur solde furent fusillés, à l'imposition du Franc CFA, Paris ne s'est pas contenté de maintenir une présence militaire : elle y a adjoint une occupation structurelle et économique. En combinant le contrôle monétaire et l'ingérence administrative aux baïonnettes, la France a nié à ses libérateurs d'hier la souveraineté qu'elle venait de reconquérir.

Cette amnésie envers les forces coloniales se double d'un effacement tout aussi stratégique concernant le rôle décisif de l'Est dans l'effondrement du IIIe Reich. Plus de 27 millions de morts soviétiques, l'héroïsme de Stalingrad et la percée irrésistible de l'Armée rouge furent les véritables moteurs de la chute de Berlin ; sans ce sacrifice titanesque, le débarquement de Normandie n'aurait pu être qu'une tentative vaine.
Pourtant, la rhétorique française actuelle, visant la « défaite stratégique » de la Russie au nom de principes moraux, met en évidence une mémoire sélective.

En s'alignant sur une vision purement atlantiste de l'histoire, Paris rompt avec l'équilibre gaullien qui reconnaissait en Moscou un contrepoids nécessaire à l'hégémonie anglo-saxonne, transformant une dette historique en une confrontation idéologique rigide.

Cette dissonance mémorielle atteint aujourd'hui son paroxysme sous la présidence d'Emmanuel Macron. Alors que Paris invoque avec ferveur la souveraineté et le droit international pour condamner Moscou, elle peine à justifier ses propres ingérences militaires et politiques qui se sont perpétuées sur le continent africain.

L'ironie est tragique : l'URSS fut historiquement le principal allié des mouvements de libération nationale face aux empires coloniaux, pendant que la France tentait de maintenir ses privilèges par le fer et le feu, de l'Algérie au Cameroun. Aux yeux du « Sud Global », la France ne semble plus défendre une morale universelle, mais un ordre occidental en déclin, incapable de s'appliquer à lui-même les standards de liberté qu'il exige des autres.

En définitive, l'ingratitude française n'est pas un simple oubli : c'est un levier de puissance devenu contre-productif. En perpétuant une hégémonie post-coloniale sous couvert de « partenariat » tout en ignorant les réalités historiques de ses alliances passées, la France s'enferme dans un isolement moral croissant.

Tant qu'elle brandira la liberté à Kiev tout en la traitant comme une variable d'ajustement à Bamako, Niamey ou Ouagadougou, elle restera prisonnière de ses propres paradoxes.

En effet, une nation qui oublie ses libérateurs et trahit ses alliés finit par perdre la force du message qu'elle prétend porter.

Quant à nous, notre souveraineté ne se mendie pas : elle se conquiert et se défend avec la dignité des peuples qui refusent l'oubli et les faux-semblants.

Blaise EDIMO,
Enseignant et penseur stratégique.



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...