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ENCADRER L'INFORMEL PLUTÔT QUE LE FORMALISER

Rédigé par leral.net le Mardi 19 Août 2025 à 01:39 | | 0 commentaire(s)|

Comment interpréter la croissance économique quand les investissements stagnent et que le déficit budgétaire atteint 600 milliards ? L'économiste Babacar Gaye propose sa lecture du deuxième rapport d'exécution budgétaire

L'économiste Babacar Gaye était l'invité de l'émission "Soir d'Infos" présentée par Daniel Diouf ce lundi 18 août 2025 sur TFM, pour analyser le rapport d'exécution budgétaire du deuxième trimestre 2025 publié par le ministère des Finances et du Budget.

Le rapport révèle une mobilisation de plus de 2200 milliards de francs CFA en recettes, mais des dépenses qui dépassent 2800 milliards, générant un déficit d'environ 600 milliards. Si l'économiste salue la croissance à deux chiffres enregistrée au premier trimestre, il tempère cet optimisme : "Je n'aime pas trop les chiffres quand on parle de croissance parce que c'est un élément quantitatif alors que ce qui est important aujourd'hui, ce sont des éléments qualitatifs."

Pour l'intervenant, la vraie question demeure : "Est-ce que réellement il y aura des répercussions dans le quotidien des Sénégalais ? La croissance ne se mange pas."

L'expert souligne l'impact significatif du service de la dette, qui représente 500 milliards de francs CFA payés, avec une hausse de 290 milliards des charges financières en glissement annuel. "La dette est intergénérationnelle. Ils ont hérité la dette. Donc forcément, ils doivent payer la dette pour pouvoir contracter d'autres dettes", explique-t-il, insistant sur la nécessité de mettre l'accent sur "l'efficience de la dette."

L'une des principales préoccupations soulevées concerne la faiblesse des investissements, avec un taux d'exécution de seulement 30% par rapport aux crédits ouverts. Parallèlement, la masse salariale a atteint 724 milliards sur six mois, soit une augmentation de 22 milliards par rapport à 2024.

"Si vous voulez comprendre les priorités d'un gouvernement, suivez ses dépenses. Si on voit qu'il y a beaucoup plus de dépenses de consommation que d'investissement, ce gouvernement n'est pas dans l'optique d'investir", analyse l'économiste.

La baisse drastique des dons internationaux, tombés à 19 milliards (8% seulement), interroge. L'économiste y voit potentiellement les conséquences des tensions avec les partenaires européens suite à l'interdiction de pêche dans les eaux sénégalaises. Cependant, il défend cette position souverainiste : "Le Sénégal, tout le monde a besoin du Sénégal. C'est pas le Sénégal qui a besoin des autres, mais eux, ils ont besoin de nous."

Babacar Gaye appelle à repenser fondamentalement l'approche économique du pays. "Il faudrait redéfinir l'économie à la sénégalaise, donner à l'économie un tampon sénégalais", plaide-t-il. Selon lui, cette redéfinition doit prendre en compte la sociologie du Sénégalais : "Pour le Sénégalais, il faut manger, il faut dormir, il faut se soigner et avoir une bonne éducation."

L'expert pointe du doigt la faiblesse structurelle du secteur privé national, "quasi inexistant" selon ses termes. Il identifie plusieurs obstacles : difficultés d'accès au financement, manque de préfinancement bancaire, et traitement inégal par rapport aux entreprises étrangères.

Sa solution : "Il faut mettre en place une banque d'investissement qui va accompagner le secteur privé national pour qu'il soit compétitif sur le marché national et international."

Plutôt que de formaliser à tout prix le secteur informel, Babakar Gaï propose de l'encadrer intelligemment : "Le charme de notre économie c'est l'informel. Essayons de voir comment encadrer ce secteur informel. Une fois arrivé à tel niveau, c'est l'informel même qui va vouloir se formaliser."

L'économiste conclut sur la nécessité d'une approche holistique qui privilégie l'impact concret sur la vie des citoyens plutôt que la seule performance statistique, appelant à une "économie à la sénégalaise" qui corresponde aux réalités du terrain.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/economie/encadrer-linform...