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EXCLUSIVITÉ Leral.net – Traite et trafic de migrants : Crimes invisibles, argent introuvable


Rédigé par leral.net le Jeudi 18 Septembre 2025 à 11:38 | | 0 commentaire(s)|

Traite des personnes et trafic de migrants : des crimes graves mais qui laissent peu de traces financières détectables, d’après le rapport 2024 de la CENTIF. L’an dernier, la Cellule n’a recensé que deux déclarations de soupçon liées à la traite des êtres humains et un cas supplémentaire combinant traite et trafic illicite de migrants. Des chiffres extrêmement bas, qui traduisent surtout la difficulté à repérer l’argent généré par ces activités inhumaines.

En effet, la traite des êtres humains (exploitation sexuelle, travail forcé, esclavage moderne…) fonctionne sur des réseaux très clandestins. Les trafiquants opèrent souvent en dehors des circuits officiels, utilisant du cash ou des mécanismes informels pour leurs transactions, de sorte que les revenus de ces crimes n’entrent presque jamais dans les banques traditionnelles. Par exemple, un réseau de prostitution forcée peut engranger beaucoup d’argent, mais celui-ci sera redistribué en espèces aux différents souteneurs ou blanchi via des commerces de proximité, plutôt que déposé directement sur un compte bancaire identifiable.

De même, le trafic de migrants – ces filières qui font payer cher le passage clandestin de frontières – manipule principalement du liquide. Les migrants paient comptant des passeurs et ces passeurs peuvent transférer leurs gains via des systèmes de transfert informels ou les stocker dans des biens faciles à cacher (or, devises, etc.). Là aussi, peu de chances que des déclarations bancaires classiques mentionnent “trafic de migrants”.

Le rapport de la CENTIF souligne cependant qu’un chiffre faible ne doit pas conduire à négliger ces phénomènes. Au contraire, ils figurent parmi les plus déstructurants socialement et l’absence de signaux financiers rend la lutte plus ardue. En 2024, le Sénégal a renforcé son cadre légal contre la traite et le trafic de migrants (rappelons que ce sont des infractions pénales lourdement sanctionnées par le Code pénal révisé). La CENTIF s’inscrit dans cet effort en développant des partenariats avec les agences de lutte contre la traite (Ministère de la Justice, Brigade des mœurs, Interpol, etc.), afin d’améliorer le partage d’informations.

Concrètement, cela peut passer par une meilleure formation des officiers de police judiciaire et des banquiers, pour reconnaître d’éventuels indices, même ténus : un compte bancaire alimenté par de multiples petits dépôts correspondant aux “frais” versés par des migrants, des locations d’hébergement payées en série par la même personne (signe possible d’un logeur de victimes), etc. La CENTIF se tient prête à analyser tout signal de ce type.

Le public a également un rôle à jouer : signaler aux autorités financières des transferts d’argent inhabituels vers des pays à risque (certains réseaux de traite envoient de l’argent vers l’étranger, vers leurs organisateurs) ou des flux importants entre individus sans raison apparente. Même si cela peut paraître anodin, chaque petit indice peut aider à remonter ces filières clandestines.

En résumé, bien que les traite des êtres humains et trafic de migrants soient faiblement représentés dans les statistiques de blanchiment, ils n’en sont pas moins présents. La CENTIF affirme sa détermination à travailler de concert avec les autres acteurs, pour faire émerger ces flux cachés et frapper ces criminels à l’endroit qui fait mal : leur argent.