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FRANC CFA, SERIGNE MOMAR SECK PROPOSE TROIS SCÉNARIOS POUR L'AVENIR MONÉTAIRE DU PAYS

Rédigé par leral.net le Mardi 5 Août 2025 à 22:26 | | 0 commentaire(s)|

Dans son essai "Le choix de la souveraineté monétaire du Sénégal", l’économiste dresse un tableau complet de l’histoire et des enjeux du franc CFA. Il explore les failles de la zone franc et les réformes en cours.

Le docteur en économie Serigne Momar Seck, économiste en chef à l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO), raconte l’histoire du franc CFA et de la zone franc dans un essai publié en mai dernier par les éditions L’Harmattan Sénégal, dans lequel il envisage trois scénarios pour l’avenir monétaire de son pays, le Sénégal.

Dans cet essai intitulé “Le choix de la souveraineté monétaire du Sénégal” (344 pages), l’économiste et spécialiste de la macroéconomie ne s’est pas contenté de raconter l’histoire du franc CFA et l’évolution des pays de la zone franc.

Il aborde de nombreux sujets, qui vont de la coopération monétaire entre la France et les pays de la zone franc aux conséquences économiques, financières et juridiques de cette coopération, en passant par la parité du franc CFA avec l’euro, le débat entre pourfendeurs et défenseurs du franc CFA, les “failles préoccupantes” de la zone franc, le projet de monnaie unique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), etc.

Serigne Momar Seck explique en même temps les mécanismes de fonctionnement de la monnaie comme instrument de stabilisation, par exemple.

D’un point de vue historique, il observe que “le franc CFA est l’objet d’un débat depuis 1945”. Il constate qu’une nouvelle génération de militants de la société civile et d’économistes a ravivé ce débat.

“Les arguments apportés par les partisans et les pourfendeurs du franc CFA n’ont pas permis de trancher […] la question”, note M. Seck, estimant avoir “essayé de poser le véritable sujet, qui est de savoir si cette monnaie tant décriée est viable [ou pas]”.

“Le franc CFA est viable, car il est utilisé par les opérateurs économiques […] En revanche, cette viabilité n’a pas suffi pour rendre la zone optimale et faire taire les critiques”, analyse l’économiste en chef à l’AMAO, une agence spécialisée de la CEDEAO.

Le franc CFA est “une monnaie surévaluée, qui empêche les États africains d’être compétitifs [et] maintient une économie de rente des matières premières”, écrit Serigne Momar Seck en citant ceux qu’il considère comme les partisans de la souveraineté monétaire.

Un “déficit chronique” du solde budgétaire

“Depuis la réforme de 2019, le débat est relancé et a gagné même le milieu politique. C’est pourquoi le livre a proposé trois scénarios qui pourraient servir de guide pour la décision à prendre”, affirme M. Seck.

Le premier scénario envisagé pour l’avenir monétaire du Sénégal est celui du maintien du pays au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), “avec des réformes approfondies”.

Le deuxième scénario est celui de la participation du Sénégal à l’adoption de l’eco comme monnaie commune de la CEDEAO.

Pour cette option, le Sénégal, comme les autres pays membres de l’UEMOA, aura également des réformes à faire.

Le dernier scénario envisagé par le docteur en économie de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar réside dans la sortie du Sénégal de l’UEMOA. Il s’agira, pour le pays, de battre sa propre monnaie.

“La sortie du franc CFA implique nécessairement la sortie […] de l’UEMOA, ce qui permettrait aux autorités du pays de mettre en place une banque centrale souveraine au niveau national, avec une politique monétaire et une politique de change autonomes”, explique Serigne Momar Seck. 

Il estime que “ce dernier scénario suppose la garantie d’une stabilité macroéconomique basée sur la maîtrise de l’inflation, la limitation de la dette publique, un bon solde courant de la balance des paiements, un niveau suffisant de réserves de change et des institutions solides”.

“Nous exhortons les autorités à bien réfléchir au choix à opérer”

Or, concernant les finances publiques, actuellement, “le solde budgétaire montre un déficit chronique” et “le déficit budgétaire du pays se creuse au même rythme que le déficit global des transactions courantes”.

“Bien que ce livre ait fourni les scénarios les plus probables, nous exhortons les autorités à bien réfléchir au choix à opérer, car la monnaie […] est indispensable au développement économique”, écrit M. Seck en rappelant que la souveraineté monétaire est une priorité pour les autorités actuelles du Sénégal.

Toutes les trois options ont des implications économiques, financières et monétaires, laisse-t-il entendre en tenant à signaler que le Sénégal ne bénéficiera plus du tarif extérieur commun de la CEDEAO, par exemple, s’il décide de créer sa propre monnaie et sa banque centrale.

“En cas de sortie, le Sénégal pourra-t-il continuer à lever des fonds sur le marché financier régional ?”, s’est-il demandé en soulignant que “l’union monétaire a l’avantage de réduire les chocs par la solidarité [entre les États]”.

Concernant la coopération de la France avec la zone franc, l’économiste rappelle les réformes menées par l’UEMOA en 2019. Par exemple, la suppression de son compte d’opérations, une mesure qui confère à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest la liberté de placer désormais ses réserves où elle veut.

En vertu de ces réformes, “chacun des pays [de l’UEMOA] peut disposer entièrement de ses réserves de change et les placer où elle veut”, observe l’économiste et fonctionnaire de l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest.

“Ensuite, les représentants de la France au sein de trois instances de la BCEAO [abandonneront] leurs sièges, ce qui mettra le comité de politique monétaire totalement aux mains de l’Union”, ajoute Serigne Momar Seck, concernant les réformes menées en 2019 par l’UEMOA et sa banque centrale.

“Un travail sérieux et documenté”

Son livre fourmille d’explications et d’analyses sur l’AMAO, le programme de coopération monétaire de la CEDEAO et la future monnaie régionale, l’eco.

“Au total, cet ouvrage est le fruit d’un travail sérieux et documenté, qui pose sereinement les modalités de la souveraineté, les gains et les risques associés. Il est d’une grande utilité aux étudiants d’un niveau assez avancé en sciences économiques et de gestion, aux chercheurs et au public qui s’intéressent à la monnaie et aux questions de financement dans les pays en développement”, écrivent Birahim Bouna Niang, directeur du Laboratoire d’analyse des politiques économiques et sociales (Sénégal), et Gervasio Semedo, enseignant à l’Université de Tours et directeur de recherche au CNRS (France), dans la préface du livre.

L’auteur, lui, rappelle que la CEDEAO a reporté en 2027 l’entrée en vigueur de sa monnaie. Il signale, dans le même temps, que cette organisation a opté, en 2018, pour la flexibilité du taux de change de sa monnaie, contrairement au taux de change fixe de l’UEMOA.

L’organisation a choisi aussi de baser son cadre de politique monétaire sur l’inflation, là où l’UEMOA a opté pour la stabilité des prix.

“Le débat n’est pas de sortir ou de ne pas sortir […] Le Sénégal est dans une dynamique d’intégration régionale avec la CEDEAO”, a précisé Serigne Momar Seck lors d’un entretien avec des journalistes, à Dakar, à la suite de la parution du livre sous-titré : “Quelles implications”.

Il préconise de “pousser les chefs d’État de la CEDEAO à [respecter] l’échéance de 2027”, concernant l’entrée en vigueur de l’eco.

Selon le fonctionnaire de l’AMAO, les critères ont été notifiés aux pays désireux d’abriter le siège de la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest, la future institution monétaire de la CEDEAO.

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