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Féminicides au Sénégal : les femmes brisent le silence et exigent justice


Rédigé par leral.net le Lundi 2 Juin 2025 à 13:01 | | 0 commentaire(s)|

Un cri puissant et douloureux s’est élevé, le samedi 31 mai 2025, à Dakar, où des centaines de femmes, drapées de noir, le «dress-code» du jour, en signe de deuil et de colère, ont occupé symboliquement le terrain HLM Grand Yoff, en face du Stade Léopold Sédar Senghor. Réunies, à l’appel des organisations féministes et féminines, elles ont dénoncé l’impunité persistante des auteurs de féminicides et exigé des réponses immédiates de la part de l’État.

«Au secours, on nous tue !», «Trop de femmes tuées, pas assez d’actions !», «Le respect n’est pas une faveur, c’est un droit», etc. Les messages sur les pancartes brandies traduisaient l’exaspération de femmes et même d’hommes qui ont répondu à l’appel d’un mouvement bien décidé à ne plus laisser les crimes sexistes se fondre dans l’indifférence. À travers des messages puissants comme «Pas tous les hommes, mais c’est toujours un homme», les militantes de la cause féminine ont mis en lumière la responsabilité systémique dans les violences faites aux femmes et aux filles.

Ce sit-in, organisé au terrain HLM Grand Yoff, en face du Stade Léopold Sédar Senghor, samedi dernier, aussi silencieux qu’assourdissant, a donné lieu à la diffusion d’un mémorandum percutant, intitulé «Halte aux violences extrêmes faites aux femmes : le Sénégal en état d’urgence !», dans lequel les organisations tirent la sonnette d’alarme sur la recrudescence dramatique des féminicides et autres formes de violences faites aux femmes et aux filles dans le pays.

UNE URGENCE NATIONALE DECLAREE

Les organisations ont cité une série de crimes particulièrement violents survenus en 2025, révélateurs d’un fléau structurel : Diary Sow, 12 ans, assassinée par un voisin ; Yamou Ndiaye, tuée par son beau-frère à Touba ; Sadel Sow, tuée par son mari à Yayang ; Kindy Bah, abattue par son époux à Keur Ndiaye Lo ; Fatou Gueye, assassinée par son conjoint à Mbour ; Marie Louise Ndour, tuée par balle par son mari à Fatick.

Autant de drames survenus dans l’intimité des foyers, censés être des lieux de sécurité. «L’espace familial est devenu un terrain de mort pour les femmes», alertent les ONG. Les signataires du mémorandum dénoncent un système de protection défaillant, où les violences conjugales sont encore trop souvent banalisées ou ignorées.

DES REVENDICATIONS CONCRETES ET NON NEGOCIABLES

Face à ce qu’elles qualifient d’«hécatombe», les organisations réclament une série de mesures immédiates : Une condamnation ferme et publique des féminicides par les autorités de l’État ; Des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces crimes ; Une réforme urgente du Code de la famille pour éliminer les dispositions discriminatoires ; La mise en place de centres d’accueil, de protection et de soutien psychologique pour les femmes en danger ; L’intégration de la lutte contre les Violences basées sur le genre (VBG) dans les politiques publiques et l’éducation ; L’adoption de lois spécifiques contre les féminicides, assorties de peines dissuasives.

Elles appellent également les citoyens et citoyennes du Sénégal à «rompre le silence, dénoncer les violences et se solidariser avec les victimes».

UNE INTERPELLATION NATIONALE ET INTERNATIONALE

Les militantes ne s’adressent pas uniquement à l’État sénégalais. Elles interpellent aussi les institutions régionales et internationales comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA) et les Nations Unies (ONU), les invitant à rappeler au Sénégal ses engagements en matière de protection des droits des femmes. «Le Sénégal ne peut prétendre à la paix sans justice pour ses femmes», conclut le mémorandum.

En cette fin de mois de mai, les voix féminines du Sénégal ont frappé fort. Dans un pays souvent perçu comme paisible, l’ampleur de ces violences basées sur le genre et la gravité de l’indifférence institutionnelle appellent à un sursaut. Le sit-in du samedi 31 mai pourrait bien marquer un tournant dans la lutte contre les féminicides. Car, derrière chaque pancarte, chaque nom cité, c’est une vie arrachée, une famille brisée, et un pays sommé de faire face à sa propre conscience.

SudQuotdien

Mame Fatou Kébé