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Gabon I De la contrainte fiscale au contrat social : Transformer la Taxe Forfaitaire d'Habitation par la budgétisation participative

Rédigé par leral.net le Lundi 22 Décembre 2025 à 11:50 | | 0 commentaire(s)|

Au Gabon, la Taxe Forfaitaire d'Habitation (TFH) est aujourd'hui perçue comme un prélèvement imposé, déconnecté des réalités sociales et territoriales. Elle cristallise le rejet des populations, alimenté par une absence de pédagogie institutionnelle et par le recours à la force administrative. Pourtant, cette taxe pourrait devenir bien plus qu'un instrument budgétaire : elle a le potentiel d'être le socle d'un nouveau contrat social fondé sur la transparence, la proximité et la (...)

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Au Gabon, la Taxe Forfaitaire d'Habitation (TFH) est aujourd'hui perçue comme un prélèvement imposé, déconnecté des réalités sociales et territoriales. Elle cristallise le rejet des populations, alimenté par une absence de pédagogie institutionnelle et par le recours à la force administrative. Pourtant, cette taxe pourrait devenir bien plus qu'un instrument budgétaire : elle a le potentiel d'être le socle d'un nouveau contrat social fondé sur la transparence, la proximité et la participation citoyenne. Transformer la contrainte en projet commun est l'enjeu majeur de cette mutation nécessaire.

​L'impôt ne peut être accepté que s'il est pleinement compris. La TFH souffre d'un déficit d'ancrage territorial qui nourrit le sentiment de spoliation chez le contribuable. Pour rétablir la confiance, il devient impératif de territorialiser les recettes : chaque franc collecté doit se traduire par un bénéfice visible dans l'environnement immédiat des citoyens.

Qu'il s'agisse d'électrification solaire, d'assainissement ou de sécurité de quartier, ces micro-projets financés par la TFH sanctuariseraient l'effort fiscal et feraient du citoyen un véritable investisseur du bien-être collectif. Dans ce cadre, la transparence n'est plus une option, mais une exigence fondamentale de gouvernance.

​Cependant, la transparence reste insuffisante sans une parole publique forte. Un projet, aussi pertinent soit-il, risque l'échec s'il est imposé dans le silence des autorités. Ce mutisme crée des zones de non-droit informationnel où prospèrent naturellement les rumeurs et les contestations. Si la coercition administrative peut obtenir le paiement à court terme, elle détruit durablement l'adhésion citoyenne.

À l'inverse, la pédagogie civique et la communication institutionnelle doivent systématiquement précéder l'action. Informer, expliquer et dialoguer constituent désormais le bras armé indispensable de la réforme.

​Dans cette dynamique, la TFH peut se muer en une opportunité économique réelle. Au-delà du simple équilibre budgétaire, elle peut stimuler le développement endogène et lutter activement contre la précarité. En fléchant les fonds vers des marchés de proximité — tels que l'entretien des voiries ou la gestion des déchets — on favorise l'émergence de TPE et PME locales.

Confier l'exécution des travaux aux forces vives des quartiers crée un circuit économique court : l'argent de la taxe revient dans les poches des citoyens sous forme de salaires et de revenus entrepreneuriaux. Ainsi, la taxe cesse d'être un prélèvement pour devenir un outil de lutte contre la pauvreté et un levier de prospérité partagée.

​Pour que ce modèle soit viable, la redevabilité sociale doit devenir automatique à travers la budgétisation participative. Cela implique d'intégrer directement les conseils de quartier dans la définition des priorités budgétaires. C'est aux citoyens qu'il revient de décider si l'urgence réside dans l'accès à l'eau potable ou dans l'éclairage public.

Les autorités locales doivent être légalement tenues d'organiser des forums publics pour justifier l'usage de chaque centime collecté. Pour renforcer ce contrôle, des outils numériques doivent permettre à chaque contribuable de suivre en temps réel l'avancement des projets, réduisant ainsi drastiquement les risques de détournement ou de favoritisme.

​Cette mutation institutionnelle suppose trois ruptures majeures. Une rupture culturelle d'abord, pour passer d'une administration de commandement à une administration de service. Une rupture administrative ensuite, en opérant une décentralisation effective où les fonds sont gérés au plus près des besoins.

Enfin, une rupture politique, pour restaurer la confiance par des actes de transparence radicaux. En définitive, la Taxe Forfaitaire d'Habitation ne doit plus être le symbole d'une discorde stérile, mais le catalyseur d'une nouvelle citoyenneté gabonaise.

En liant fiscalité locale, emploi de proximité et démocratie participative, elle peut devenir un modèle de gouvernance où l'impôt cesse d'être subi pour être choisi. Un peuple n'adhère pas à la contrainte, mais il s'élève par la confiance ; c'est à ce prix que l'impôt se transformera en dignité, et la taxe en contrat social.

Blaise EDIMO,
Enseignant et penseur stratégique



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...