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Gestion trouble à Petrosen : Un audit met à nu de lourdes irrégularités financières

Rédigé par leral.net le Jeudi 9 Octobre 2025 à 13:41 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal Atlanticactu/ Petrosen/ Serigne Ndong Un récent rapport d’audit met en évidence d’importantes lacunes en matière de transparence et de traçabilité financière au sein de la compagnie pétrolière nationale sénégalaise sur la période 2021-2023. Réalisé par le groupement Ceca et Enerteam, ce document relève plusieurs opérations opaques, notamment des emprunts destinés à financer la participation […]

Sénégal

Atlanticactu/ Petrosen/ Serigne Ndong

Un récent rapport d’audit met en évidence d’importantes lacunes en matière de transparence et de traçabilité financière au sein de la compagnie pétrolière nationale sénégalaise sur la période 2021-2023. Réalisé par le groupement Ceca et Enerteam, ce document relève plusieurs opérations opaques, notamment des emprunts destinés à financer la participation de Petrosen dans les projets pétroliers et gaziers, ainsi que des prêts octroyés à ses filiales sans divulgation complète des informations.

Le caractère « Non Fiable » des données

Mandaté par le Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (CN-ITIE) pour produire le rapport ITIE 2024, le groupement Ceca et Enerteam a conduit ses travaux du 15 novembre 2024 au 2 avril 2025. Sa conclusion est sans équivoque :
« Sur la base de cette évaluation, nous ne pouvons pas conclure avec une assurance raisonnable du caractère exhaustif et fiable des données présentées dans le présent rapport. »

Des emprunts massifs aux contours flous

Le rapport met en lumière une opacité marquée dans les emprunts contractés par Petrosen auprès de partenaires pour financer sa quote-part. La société a notamment mobilisé 435 millions de dollars auprès de BP et Kosmos Energy en 2021 pour le projet GTA (Grand Tortue Ahmeyim), et 450 millions de dollars auprès de Woodside Energy Ltd pour le projet Sangomar. Tous ces prêts affichent un taux d’intérêt de 6,5 %.

En juillet 2023, la révision du calendrier d’exécution a entraîné une hausse du coût de la phase 1, passant de 4,9 à 5,2 milliards USD, soit une augmentation comprise entre +7 % et +13 %. Selon le rapport, « Cette augmentation a nécessité un financement additionnel, dont les détails n’ont pas été divulgués ».

L’analyse des états financiers met également en évidence un manque de précision : les dettes ne permettent pas d’identifier clairement les montants affectés à chacun des projets, GTA et Sangomar. L’augmentation des intérêts courus est qualifiée de « significative » (+45,7 % entre 2022 et 2023), sans distinction entre les deux projets. De même, les remboursements de capital ne sont pas détaillés.

Prêts aux filiales et transparence déficiente

Les transactions financières entre Petrosen et ses filiales suscitent elles aussi des interrogations. La société a octroyé un prêt à Fortesa pour maîtriser un incendie survenu sur un puits de gaz à Sadiaratou. Si des remboursements ont été enregistrés (107 millions FCFA en 2023 et 28 millions FCFA au premier semestre 2024), la convention fixant les modalités de remboursement, bien que transmise, n’a pas été rendue publique, selon le rapport.

Les états financiers de 2023 font également état de financements d’un montant total de 9,848 milliards FCFA accordés aux filiales RGS et Petrosen EP, sans que des informations complémentaires aient pu être collectées. En parallèle, le Trésor public n’a signalé aucun prêt direct à des entreprises du secteur extractif.

Le soutien discret de l’État

L’État du Sénégal a joué un rôle majeur dans le financement de la participation de Petrosen, notamment pour le projet Sangomar. Le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DPBEP 2025-2027) précise que la contribution de Petrosen, estimée à 756 millions de dollars, a été couverte par un prêt de Woodside Energy (450 millions de dollars) et par des fonds publics rétrocédés en 2021 (270 millions de dollars).

En 2023, le gouvernement a consolidé ce soutien à travers un financement garanti d’environ 125 milliards FCFA, obtenu auprès de trois banques commerciales (CDS, BSIC et Citibank). Bien que Petrosen en assume les charges financières, « les conditions financières précises de ces financements (taux d’intérêt, échéancier, garanties) n’ont pas été rendues publiques », déplore le rapport.

Ces appuis, assimilés à des avances de l’État sous forme d’accords de rétrocession, expliquent l’augmentation notable des avances reçues par Petrosen entre 2021 et 2023.

Créances annulées et traçabilité fragilisée

Le rapport des Comptes (juin 2024) révèle plusieurs irrégularités, dont l’annulation d’une créance sur l’État sénégalais en 2022. Le montant exact n’a pas été précisé, et « aucun lien officiel n’a été établi » entre cette annulation et les financements octroyés par l’État.

L’audit signale également un écart de 11,54 milliards FCFA entre le surplus de financement de l’État en 2021 (238,24 milliards FCFA) et le montant reporté en 2022 (120,70 milliards FCFA). Le ministère des Finances a justifié cette différence par une rétrocession de fonds, mais la Cour des comptes relève que cette opération « n’a pas été retracée dans le tableau de financement de l’État », compromettant ainsi la traçabilité budgétaire et limitant l’évaluation de l’impact de ces ressources sur les comptes publics.

Enfin, un audit des finances publiques couvrant la période 2019-mars 2024 a révélé que l’État avait alloué 45,9 milliards FCFA à deux autres filiales, la SAR et Petrosen TS. Le rapport précise : « Il n’est pas clair si ces montants sont des prêts remboursables ou des subventions indirectes. Par ailleurs, aucune information sur les conditions financières de ces financements n’a été rendue publique. »



Source : https://atlanticactu.com/gestion-trouble-a-petrose...