Hélène Della Chaupin, responsable de l’Afp en France : « Moustapha Niasse et Cie ont transhumé à l’Apr »

Vous êtes responsable de l’Afp en France. Regrettez-vous, avec le recul, le changement intervenu la tête de l’Etat ?

En toute honnêteté, je ne regrette rien.

La chute du régime libéral a accouché de la traque aux biens supposés mal acquis. Que pensez-vous de ce dossier ?

C’est n’est pas la chute du régime de Me Abdoulaye Wade qui a amené cette traque. C’est le fait que l’opposition traditionnelle ait abdiqué et que des leaders comme Moustapha Niasse et autres aient simplement transhumé à l’Alliance pour la République (Apr). Mais, ici les gens disent qu’ils sont dans une logique de coalition. C’est une pure transhumance, sauf qu’ils manquent de courage pour le clamer haut et fort.

Vous osez dire que votre leader de parti, Moustapha Niasse, a transhumé ?

Oui, il a transhumé ! Parce que lui et les autres ont abandonné leurs idéaux et les principes de leurs formations politiques, pour aller suivre Macky Sall. Il y a aussi une question d’idéologie qui pose à ce niveau. Depuis quand les libéraux, les socio-démocrates et les communistes se mettent ensemble pour faire marcher un pays ?

Donc vous n’êtes pas d’accord sur le compagnonnage entre Moustapha Niasse et Macky Sall ?

En France, les militants ne connaissent ni Moustapha Niasse, ni Macky Sall. C’est moi qui suis avec eux. Si l’Afp était une société, j’aurais plus d’actions que Moustapha Niasse, en France. Le fait de rejoindre Macky Sall, c’est son choix personnel. Moi, je n’ai jamais été dans une dynamique de soutenir Macky Sall. Même au second tour, c’est Niasse qui a décidé tout seul, sans en discuter avec qui que ce soit. Ce qui est un manque de respect notoire vis-à-vis de ses militants. La moindre des choses serait de nous écouter, avant de rendre publique cette décision. Malgré tout, je reste, pour continuer le combat dans l’Alliance des forces de progrès. C’est Niasse, censé incarner la sagesse, qui doit revoir sa façon de traiter avec ses responsables et autres militants.

Est-ce alors la raison pour laquelle vous avez mis en place le Ass Kaw pour apporter votre soutien à Karim Wade ?

Mon combat est de défendre les valeurs républicaines et de justice sociale. Nous nous battons contre l’instrumentalisation de la justice par le président de la République pour régler des comptes politiques et/ou personnels. C’est pour cela que nous avons mis en place ce mouvement dont les militants viennent de tous les partis politiques. Parce que nous sommes conscients que Karim Wade paye aujourd’hui les coups bas de ce régime et il se peut qu’une autre personne subisse ces mêmes coups. Donc, nous essayons de sensibiliser le maximum de citoyens sur la situation qui prévaut au Sénégal, avec la traque aux biens mal acquis.

Vous avez rencontré Karim à la Maison d’arrêt de Rebeuss. Dans quel état d’esprit est-il ?

J’ai rencontré un homme serein, vivant l’épreuve de l’incarcération avec beaucoup de foi et de dignité.

Etes-vous soutenue dans cette lutte par le Parti démocratique sénégalais (Pds) ?

Nous ne sommes pas affiliées au Pds. Nous avons une démarche citoyenne, politique et spontanée. C’est ce qui fait la richesse de ce mouvement, qui va au-delà des considérations politiques partisanes. Par exemple, moi je suis la coordinatrice de l’Alliance des forces de progrès (Afp) en France. Il y a des militants et responsables de Rewmi, du Parti socialiste, de l’Alliance pour la République (Apr), etc. Mieux, notre mouvement, qui s’autogère et s’autofinance, n’est commandité par personne. Il n’y a pas un seul euro du président Wade ou des membres de sa famille. Nous n’attendons rien de Karim Wade. Même s’il nous demandait d’arrêter de le soutenir, nous ne le ferons pas.

Comment comptez-vous internationaliser ce combat ?

Pour l’instant, nous mobilisons et nous sensibilisons. Nous allons, très prochainement, saisir les représentations diplomatiques du Sénégal à l’étranger. Nous envisageons également de prendre contact avec l’Assemblée nationale française, le Parlement européen et le Congrès américain. Car, il faut que le monde entier sache ce qui se passe au Sénégal. Ce qui se passe dans ce pays est tout sauf une traque aux biens mal acquis, mais une traque des adversaires politiques. Nous comptons être présent partout où Macky Sall passera pour prévenir l’opinion publique internationale sur sa répression contre les militants de l’opposition.

Entretien réalisé par Khalil DIEME rewmi