Même trahie, violée, dévoyée et vidée de tout son sens, elle n’aura pas été totalement négative. Elle aura au moins quelque chose de positif qu’elle nous aura révélés à nous-mêmes. Nous savons maintenant qui est qui et qui est capable de faire quoi. De sinistres individus se découvrent chaque jour un peu plus, des individus pour qui le sens de l’honneur et de la dignité n’a plus aucune espèce de valeur, devant l’argent et les promotions faciles de Me Wade. Nous nous connaissons, désormais, mieux et savons faire la part entre la bonne graine et l’ivraie politiques / ou religieuses.
De l’ivraie, il y en a de plus en plus avec la nauséabonde gouvernance libérale. Le pays a de plus en plus mal et est au bord du gouffre moral. Il a honte, quand des hommes et des femmes qui, avant le 19 mars 2000, préféraient voir leurs boyaux plutôt que Me Wade, deviennent sans vergogne ses courtisans les plus zélés et rivalisent d’ardeur à accomplir pour lui les plus sales besognes. C’est exactement le cas de Sada Ndiaye, aujourd’hui, qui fait sans état d’âme un point de presse pour «justifier» sa soit-disant proposition de loi visant à réduire la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale de cinq ans à un an renouvelable. En réalité, c’est un secret de polichinelle, l’objectif de cette scélérate initiative est d’arriver, enfin, à débarrasser Macky Sall de la tête du Perchoir.
Qui est Macky Sall ? Qui est Sada Ndiaye ? Il est important de répondre à ces deux questions pour comprendre à quel point le Pds, son chef et leurs alliés sont dégueulasses. Le premier milite au Pds, semble-t-il, depuis 1987. Ceux qui le connaissent de près disent de lui qu’il a toujours été un militant fidèle, loyal. Au lendemain de l’alternance, il se trouve à la tête de la Cellule initiatives et stratégies (Cis) du Pds. Il sera, ensuite, nommé successivement Directeur général de Petrosen, ministre des Mines et de l’Industrie, ministre de l’Intérieur, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale. Sur le plan politique, il a été le numéro deux du Pds, le directeur de campagne du candidat Wade à l’élection présidentielle février 2007 et la tête de liste de la Coalition Sopi. Le candidat Wade est élu au premier tour et la Coalition Sopi remporte à une écrasante majorité les élections législatives de juin 2007.
Me Wade ne tarissait pas d’éloges pour lui et chantait ses mérites sous les toits, y compris quand il allait lui présenter ses condoléances à la suite du décès de sa mère. Il rappelait sans cesse que c’est grâce à lui comme Premier ministre que ses projets ont commencé à prendre forme. Toute cette idylle va se gâter, évidemment, depuis que Macky Sall, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, a signé une lettre pour inviter le prince héritier Karim Wade à venir informer les députés de sa gestion de l’Anoci. Circonstances aggravantes : Macky Sall est décoré de la Légion d’Honneur et invité au Sénat français. Il a eu donc le toupet de se faire distinguer et surtout de se retrouver à Paris dans la même période que le Manitou Wade, le seul capable de diriger le Sénégal – après lui ce sera son fils – et qui, partant, mérite seul d’être distingué et honoré. Macky Sall a commis deux crimes de lèse-majesté qu’il paye cash aujourd’hui. Il va donc, à l’instar de ses prédécesseurs, être avalé par Chronos.
Qui est maintenant l’homme que Me Wade a utilisé pour lui préparer le festin ? Sada Ndiaye. L’homme a occupé, entre autres fonctions, celles de Préfet du département de Nioro (le Sénégal est un tout petit village où tout ou presque se sait), Directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Directeur général de l’Administration générale et de l’Equipement (Dage) du ministère de l’Education nationale, Directeur général de la Sicap, député à l’Assemblée nationale. L’homme est, en général, présenté comme un mauvais gestionnaire, un mauvais gestionnaire audacieux. Il a eu, d’ailleurs, maille à partir avec la Justice, même s’il s’en est sorti sans frais, la gouvernance libérale étant ce qu’elle est. Comme son «pays» Adama Sall, il a été très lourdement épinglé et sévèrement mis en cause par un rapport de la Cour des Comptes, dans sa gestion catastrophique du Coud.
Rendant compte de ce rapport, le quotidien Wal Fadjri du 10 avril 2002 titre à sa «Une» : «Sada Ndiaye ne se refusait rien au Coud.» Et le journal de préciser que, «parmi les best of du rapport de la Cour des Comptes pour la période 1999-2000, on fait difficilement mieux que Sada Ndiaye. L’ancien directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) s’est permis des choses inouïes avec l’argent du Coud». A l’intérieur du texte, le journal explique que «la Cour des Comptes note ainsi de nombreuses anomalies dans sa gestion. Indemnité de logement dix fois supérieure à la norme, frais médicaux non justifiés, etc». «En clair, poursuit le journal, Sada Ndiaye vivait comme un nabab.»
En vérité, le journal n’a rien inventé. De nombreux autres quotidiens avaient, d’ailleurs, rendu compte du rapport qui était particulièrement accablant. Entre autres fautes de gestion graves, on peut relever dans le rapport que M. Ndiaye avait pris «illégalement en location une villa en dehors du campus pour un montant dix fois supérieur à son indemnité de logement et son installation a coûté 1,4 million de francs Cfa par mois au budget du Coud sous forme de loyer, d’avantages en nature et en numéraire, sans l’approbation du Conseil d’Administration». M. Sada s’offrait aussi à coups de millions des traitements médicaux à l’étranger. Dans ce cadre, il a fait main basse sur une aide de 20 millions de francs Cfa pour aller subir – du moins c’était le prétexte – une intervention chirurgicale en Suisse, suite à un accident survenu en dehors du service. La Cour des Comptes affirme dans son rapport que «les investigations menées ont révélé que l’intervention n’a jamais eu lieu et le directeur qui a refusé de communiquer les pièces justificatives de 15,1 millions de francs Cfa, n’a pas reversé cette somme dans le budget du Coud».
Le rapport révèle également des dépassements budgétaires de 948 millions pour l’exercice 1998, sans compter de nombreuses autres anomalies dans la gestion de la trésorerie. En particulier, «la revue des journaux de l’Agence comptable a révélé de nombreuses insuffisances, notamment l’usage fréquent du correcteur, des soldes journaliers négatifs, des écritures non chronologiques, des doubles encaissements, ainsi qu’un retard dans l’enregistrement des écritures s’étalant sur plusieurs mois».
L’ex-Dg du Coud n’avait non plus cure des règles de procédures d’achat édictées dans le manuel de procédures. Ainsi, les contrôleurs ont relevé dans la gestion des achats des anomalies ayant trait notamment à «la régularisation a postériori des pièces justificatives, bons de livraison mal établis, manquements sur les procès-verbaux de réception, recours trop fréquents à la procédure d’urgence ou de fractionnement des commandes ainsi que des surfacturations». En outre, le rapport de la Cour relève que «le Coud entretient normalement des relations d’affaires avec des fournisseurs qui ne sont pas en règle avec l’administration et effectue une multitude de commandes de gré à gré»1. Sans compter «les cotisations prélevées sur les travailleurs qui ne sont pas reversées aux organismes de sécurité sociale».
Le rapport de la Cour des Comptes avait relevé de nombreuses autres graves fautes de gestion, dont je ne peux pas rendre compte ici de façon exhaustive, le texte risquant d’être trop long. En tout cas, tirant les conséquences de toutes les irrégularités constatées, la Cour avait traduit Sada Ndiaye et son agent comptable particulier, Ibra Diakhaté, devant la Chambre de discipline financière pour fautes de gestion. Elle avait également entamé contre l’ex-Dg du Coud une poursuite pour entrave au contrôle. Suivant les recommandations de la Cour, l’Etat avait porté plainte contre Sada Ndiaye et Ibra Diakhaté devant les juridictions pénales.
On se rappelle que Sada Ndiaye avait été entendu, inculpé par le Doyen des juges d’instruction du Tribunal régional de Dakar et placé sous mandat de dépôt. Comme c’est souvent le cas avec l’immonde gouvernance libérale, le délinquant sera sans autre forme de procès «élargi quelques semaines après comme par enchantement pour retrouver son poste de directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au ministère de l’Education nationale»2. C’est ce que notait, en tout cas, avec dépit, le même Wal Fadjri du 10 avril 2002. Tous les observateurs qui avaient suivi cette rocambolesque aventure étaient groggy et indignés. C’est que, entre-temps, l’homme, qui avait été bien inspiré, comme d’ailleurs son parent Adama Sall, avait pris la poudre d’escampette et est allé se réfugier sous le paratonnerre bleu. Les audits étaient gérés à l’époque, de la manière que l’on sait, par Idrissa Seck, alors ministre d’Etat, directeur de cabinet du Président Wade. Tous les délinquants présumés qui ont accepté de transhumer et d’aider, semble-t-il, le Pds, étaient purement et simplement blanchis. On peut en citer au moins une dizaine, que l’on retrouve aujourd’hui au niveau le plus élevé de l’Etat et du Pds. Après l’Education nationale, M. Ndiaye sera nommé Dg de la Sicap, avant d’atterrir à l’Assemblée nationale où il a accepté aujourd’hui d’être le bras armé de Me Wade et de ses courtisans, pour arracher à Macky Sall son fauteuil de président de l’Assemblée nationale.
Quel paradoxe ! Quelle injustice ! Quelle immoralité ! Sada Ndiaye s’est non seulement révélé un mauvais gestionnaire, mais il s’était singulièrement signalé, pendant la campagne pour l’élection présidentielle de février 2000, par sa franche hostilité à l’endroit du candidat Wade. Il ne voulait surtout pas en entendre parler. Ses proches disent qu’il avait armé jusqu’aux dents les populations de Nguidjilone, son village natal où il est une sorte de manitou, sa fortune aidant. L’école du village porterait, d’ailleurs, son nom. Sada Ndiaye avait interdit au candidat Wade et à son cortège l’accès au village. Il a fallu toutes sortes de conciliabules pour que des autorités coutumières, religieuses et quelques membres du cortège arrivent à convaincre Me Wade de mettre un trait sur Nguidjilone. Ses mêmes proches racontent que, Sada Ndiaye, ce même Sada Ndiaye vraiment, ira dès les premières heures de l’alternance, flanqué d’une forte délégation, s’agenouiller devant le nouveau chef d’Etat pour faire piteusement acte d’allégeance et se faire éventuellement pardonner. Une source digne de fois révèle que Me Wade a dû couper net le discours long et insipide de Sada Ndiaye, pour lui faire remarquer qu’il n’avait vraiment pas besoin de tant parler et qu’il le croyait sincère. «Si aujourd’hui, vous venez en forte délégation pour m’assurer de votre soutien, alors que c’est vous-même qui m’aviez interdit l’accès à votre village il y a seulement quelques semaines, je ne peux que vous croire», lui aurait dit ironiquement Me Wade.
C’est ce mauvais gestionnaire, ce néo-libéral que Me Wade, le Pds et leurs alliés ont choisi pour conduire Macky Sall, militant dévoué des premières heures, à l’autel du sacrifice. C’est une honte pour le Pds et son chef ; c’est une honte pour la République, la Démocratie et la Morale. Je ne passerai pas une seule seconde sur le point de presse de ce Sada Ndiaye, ni sur ses laborieuses tentatives de justifier l’injustifiable. Point n’est besoin d’être un fin observateur pour comprendre pourquoi la scélérate proposition sera soumise au vote des minables députés de la Coalition Sopi. En acceptant cette sale besogne, Sada Ndiaye a, en tout cas, tourné le dos au sens de l’honneur et de la dignité. Il y avait déjà renoncé d’ailleurs, depuis cette fameuse audience, devant un Me Wade triomphant. Honte donc à Sada Ndiaye et aux inspirateurs de «sa» scélérate proposition de loi, honte au très médiocre Parlement sénégalais, qui la votera sans état d’âme, comme il a voté ses devancières !
Mody NIANG
1 Il a travaillé notamment avec de nombreux Groupements d’intérêt économique (Gie) appartenant à des amis et à des cousins.
2 Après le Coud, il avait été nommé Dage au ministère de l’Education nationale. C’est là-bas que le rapport de la Cour des Comptes l’a rattrapé. Il se raconte énormément de «choses» sur sa gestion du Programme décennal pour l’Education et la Formation (Pdef). L’habitude étant une seconde nature et le Sénégal de Me Wade étant un pays sans sanction, il se pourrait qu’il en fût de même de sa gestion à la Sicap.
De l’ivraie, il y en a de plus en plus avec la nauséabonde gouvernance libérale. Le pays a de plus en plus mal et est au bord du gouffre moral. Il a honte, quand des hommes et des femmes qui, avant le 19 mars 2000, préféraient voir leurs boyaux plutôt que Me Wade, deviennent sans vergogne ses courtisans les plus zélés et rivalisent d’ardeur à accomplir pour lui les plus sales besognes. C’est exactement le cas de Sada Ndiaye, aujourd’hui, qui fait sans état d’âme un point de presse pour «justifier» sa soit-disant proposition de loi visant à réduire la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale de cinq ans à un an renouvelable. En réalité, c’est un secret de polichinelle, l’objectif de cette scélérate initiative est d’arriver, enfin, à débarrasser Macky Sall de la tête du Perchoir.
Qui est Macky Sall ? Qui est Sada Ndiaye ? Il est important de répondre à ces deux questions pour comprendre à quel point le Pds, son chef et leurs alliés sont dégueulasses. Le premier milite au Pds, semble-t-il, depuis 1987. Ceux qui le connaissent de près disent de lui qu’il a toujours été un militant fidèle, loyal. Au lendemain de l’alternance, il se trouve à la tête de la Cellule initiatives et stratégies (Cis) du Pds. Il sera, ensuite, nommé successivement Directeur général de Petrosen, ministre des Mines et de l’Industrie, ministre de l’Intérieur, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale. Sur le plan politique, il a été le numéro deux du Pds, le directeur de campagne du candidat Wade à l’élection présidentielle février 2007 et la tête de liste de la Coalition Sopi. Le candidat Wade est élu au premier tour et la Coalition Sopi remporte à une écrasante majorité les élections législatives de juin 2007.
Me Wade ne tarissait pas d’éloges pour lui et chantait ses mérites sous les toits, y compris quand il allait lui présenter ses condoléances à la suite du décès de sa mère. Il rappelait sans cesse que c’est grâce à lui comme Premier ministre que ses projets ont commencé à prendre forme. Toute cette idylle va se gâter, évidemment, depuis que Macky Sall, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, a signé une lettre pour inviter le prince héritier Karim Wade à venir informer les députés de sa gestion de l’Anoci. Circonstances aggravantes : Macky Sall est décoré de la Légion d’Honneur et invité au Sénat français. Il a eu donc le toupet de se faire distinguer et surtout de se retrouver à Paris dans la même période que le Manitou Wade, le seul capable de diriger le Sénégal – après lui ce sera son fils – et qui, partant, mérite seul d’être distingué et honoré. Macky Sall a commis deux crimes de lèse-majesté qu’il paye cash aujourd’hui. Il va donc, à l’instar de ses prédécesseurs, être avalé par Chronos.
Qui est maintenant l’homme que Me Wade a utilisé pour lui préparer le festin ? Sada Ndiaye. L’homme a occupé, entre autres fonctions, celles de Préfet du département de Nioro (le Sénégal est un tout petit village où tout ou presque se sait), Directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Directeur général de l’Administration générale et de l’Equipement (Dage) du ministère de l’Education nationale, Directeur général de la Sicap, député à l’Assemblée nationale. L’homme est, en général, présenté comme un mauvais gestionnaire, un mauvais gestionnaire audacieux. Il a eu, d’ailleurs, maille à partir avec la Justice, même s’il s’en est sorti sans frais, la gouvernance libérale étant ce qu’elle est. Comme son «pays» Adama Sall, il a été très lourdement épinglé et sévèrement mis en cause par un rapport de la Cour des Comptes, dans sa gestion catastrophique du Coud.
Rendant compte de ce rapport, le quotidien Wal Fadjri du 10 avril 2002 titre à sa «Une» : «Sada Ndiaye ne se refusait rien au Coud.» Et le journal de préciser que, «parmi les best of du rapport de la Cour des Comptes pour la période 1999-2000, on fait difficilement mieux que Sada Ndiaye. L’ancien directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) s’est permis des choses inouïes avec l’argent du Coud». A l’intérieur du texte, le journal explique que «la Cour des Comptes note ainsi de nombreuses anomalies dans sa gestion. Indemnité de logement dix fois supérieure à la norme, frais médicaux non justifiés, etc». «En clair, poursuit le journal, Sada Ndiaye vivait comme un nabab.»
En vérité, le journal n’a rien inventé. De nombreux autres quotidiens avaient, d’ailleurs, rendu compte du rapport qui était particulièrement accablant. Entre autres fautes de gestion graves, on peut relever dans le rapport que M. Ndiaye avait pris «illégalement en location une villa en dehors du campus pour un montant dix fois supérieur à son indemnité de logement et son installation a coûté 1,4 million de francs Cfa par mois au budget du Coud sous forme de loyer, d’avantages en nature et en numéraire, sans l’approbation du Conseil d’Administration». M. Sada s’offrait aussi à coups de millions des traitements médicaux à l’étranger. Dans ce cadre, il a fait main basse sur une aide de 20 millions de francs Cfa pour aller subir – du moins c’était le prétexte – une intervention chirurgicale en Suisse, suite à un accident survenu en dehors du service. La Cour des Comptes affirme dans son rapport que «les investigations menées ont révélé que l’intervention n’a jamais eu lieu et le directeur qui a refusé de communiquer les pièces justificatives de 15,1 millions de francs Cfa, n’a pas reversé cette somme dans le budget du Coud».
Le rapport révèle également des dépassements budgétaires de 948 millions pour l’exercice 1998, sans compter de nombreuses autres anomalies dans la gestion de la trésorerie. En particulier, «la revue des journaux de l’Agence comptable a révélé de nombreuses insuffisances, notamment l’usage fréquent du correcteur, des soldes journaliers négatifs, des écritures non chronologiques, des doubles encaissements, ainsi qu’un retard dans l’enregistrement des écritures s’étalant sur plusieurs mois».
L’ex-Dg du Coud n’avait non plus cure des règles de procédures d’achat édictées dans le manuel de procédures. Ainsi, les contrôleurs ont relevé dans la gestion des achats des anomalies ayant trait notamment à «la régularisation a postériori des pièces justificatives, bons de livraison mal établis, manquements sur les procès-verbaux de réception, recours trop fréquents à la procédure d’urgence ou de fractionnement des commandes ainsi que des surfacturations». En outre, le rapport de la Cour relève que «le Coud entretient normalement des relations d’affaires avec des fournisseurs qui ne sont pas en règle avec l’administration et effectue une multitude de commandes de gré à gré»1. Sans compter «les cotisations prélevées sur les travailleurs qui ne sont pas reversées aux organismes de sécurité sociale».
Le rapport de la Cour des Comptes avait relevé de nombreuses autres graves fautes de gestion, dont je ne peux pas rendre compte ici de façon exhaustive, le texte risquant d’être trop long. En tout cas, tirant les conséquences de toutes les irrégularités constatées, la Cour avait traduit Sada Ndiaye et son agent comptable particulier, Ibra Diakhaté, devant la Chambre de discipline financière pour fautes de gestion. Elle avait également entamé contre l’ex-Dg du Coud une poursuite pour entrave au contrôle. Suivant les recommandations de la Cour, l’Etat avait porté plainte contre Sada Ndiaye et Ibra Diakhaté devant les juridictions pénales.
On se rappelle que Sada Ndiaye avait été entendu, inculpé par le Doyen des juges d’instruction du Tribunal régional de Dakar et placé sous mandat de dépôt. Comme c’est souvent le cas avec l’immonde gouvernance libérale, le délinquant sera sans autre forme de procès «élargi quelques semaines après comme par enchantement pour retrouver son poste de directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au ministère de l’Education nationale»2. C’est ce que notait, en tout cas, avec dépit, le même Wal Fadjri du 10 avril 2002. Tous les observateurs qui avaient suivi cette rocambolesque aventure étaient groggy et indignés. C’est que, entre-temps, l’homme, qui avait été bien inspiré, comme d’ailleurs son parent Adama Sall, avait pris la poudre d’escampette et est allé se réfugier sous le paratonnerre bleu. Les audits étaient gérés à l’époque, de la manière que l’on sait, par Idrissa Seck, alors ministre d’Etat, directeur de cabinet du Président Wade. Tous les délinquants présumés qui ont accepté de transhumer et d’aider, semble-t-il, le Pds, étaient purement et simplement blanchis. On peut en citer au moins une dizaine, que l’on retrouve aujourd’hui au niveau le plus élevé de l’Etat et du Pds. Après l’Education nationale, M. Ndiaye sera nommé Dg de la Sicap, avant d’atterrir à l’Assemblée nationale où il a accepté aujourd’hui d’être le bras armé de Me Wade et de ses courtisans, pour arracher à Macky Sall son fauteuil de président de l’Assemblée nationale.
Quel paradoxe ! Quelle injustice ! Quelle immoralité ! Sada Ndiaye s’est non seulement révélé un mauvais gestionnaire, mais il s’était singulièrement signalé, pendant la campagne pour l’élection présidentielle de février 2000, par sa franche hostilité à l’endroit du candidat Wade. Il ne voulait surtout pas en entendre parler. Ses proches disent qu’il avait armé jusqu’aux dents les populations de Nguidjilone, son village natal où il est une sorte de manitou, sa fortune aidant. L’école du village porterait, d’ailleurs, son nom. Sada Ndiaye avait interdit au candidat Wade et à son cortège l’accès au village. Il a fallu toutes sortes de conciliabules pour que des autorités coutumières, religieuses et quelques membres du cortège arrivent à convaincre Me Wade de mettre un trait sur Nguidjilone. Ses mêmes proches racontent que, Sada Ndiaye, ce même Sada Ndiaye vraiment, ira dès les premières heures de l’alternance, flanqué d’une forte délégation, s’agenouiller devant le nouveau chef d’Etat pour faire piteusement acte d’allégeance et se faire éventuellement pardonner. Une source digne de fois révèle que Me Wade a dû couper net le discours long et insipide de Sada Ndiaye, pour lui faire remarquer qu’il n’avait vraiment pas besoin de tant parler et qu’il le croyait sincère. «Si aujourd’hui, vous venez en forte délégation pour m’assurer de votre soutien, alors que c’est vous-même qui m’aviez interdit l’accès à votre village il y a seulement quelques semaines, je ne peux que vous croire», lui aurait dit ironiquement Me Wade.
C’est ce mauvais gestionnaire, ce néo-libéral que Me Wade, le Pds et leurs alliés ont choisi pour conduire Macky Sall, militant dévoué des premières heures, à l’autel du sacrifice. C’est une honte pour le Pds et son chef ; c’est une honte pour la République, la Démocratie et la Morale. Je ne passerai pas une seule seconde sur le point de presse de ce Sada Ndiaye, ni sur ses laborieuses tentatives de justifier l’injustifiable. Point n’est besoin d’être un fin observateur pour comprendre pourquoi la scélérate proposition sera soumise au vote des minables députés de la Coalition Sopi. En acceptant cette sale besogne, Sada Ndiaye a, en tout cas, tourné le dos au sens de l’honneur et de la dignité. Il y avait déjà renoncé d’ailleurs, depuis cette fameuse audience, devant un Me Wade triomphant. Honte donc à Sada Ndiaye et aux inspirateurs de «sa» scélérate proposition de loi, honte au très médiocre Parlement sénégalais, qui la votera sans état d’âme, comme il a voté ses devancières !
Mody NIANG
1 Il a travaillé notamment avec de nombreux Groupements d’intérêt économique (Gie) appartenant à des amis et à des cousins.
2 Après le Coud, il avait été nommé Dage au ministère de l’Education nationale. C’est là-bas que le rapport de la Cour des Comptes l’a rattrapé. Il se raconte énormément de «choses» sur sa gestion du Programme décennal pour l’Education et la Formation (Pdef). L’habitude étant une seconde nature et le Sénégal de Me Wade étant un pays sans sanction, il se pourrait qu’il en fût de même de sa gestion à la Sicap.