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IBRAHIMA CHEIKH NDIONGUE, L’HUMILITÉ DANS LA CONSÉCRATION D’UN SELF-MADE-MAN

Rédigé par leral.net le Mercredi 10 Décembre 2025 à 00:46 | | 0 commentaire(s)|

Ingénieur hydraulicien devenu expert de la finance internationale, ce Sénégalais de 50 ans a été choisi pour diriger le Fonds Pertes et Dommages, destiné à aider les pays vulnérables face aux changements climatiques

Il est l’un des rares Sénégalais à accéder à un tel niveau de responsabilité mondiale. Cheikh Ibrahima Ndiongue a été nommé, en 2024, directeur exécutif du Fonds Pertes et Dommages, mis en place pour aider les pays affectés par les changements climatiques à renforcer leur résilience. Une consécration qu’il considère comme un sacerdoce et non comme une sinécure.

Quiconque croise Cheikh Ibrahima Ndiongue pourrait ignorer qu’il dirige l’un des fonds les plus stratégiques de la gouvernance climatique mondiale, car derrière cette nomination historique, qui place un Sénégalais à la tête du Fonds Pertes et Dommages, demeure un homme qui revendique l’humilité comme boussole et la mission comme vocation. Un self-made-man dont le parcours force le respect autant qu’il inspire.

Tout a commencé à Thiès où Cheikh Ibrahima Ndiongue a vu le jour. Comme l’écrasante majorité des ressortissants de la cité du rail, il fait ses humanités au lycée Malick Sy. À l’âge de 18 ans, le baccalauréat en poche, il s’envole vers la Chine et y décroche, quelques années plus tard, son premier diplôme d’ingénieur en génie civil, spécialité gestion des ressources hydrauliques. De retour au Sénégal, il intègre une Ong dont la mission consistait à accompagner les communautés dans l’accès à l’eau potable. « Ce fut ma meilleure expérience professionnelle en termes de souvenirs. A l’époque, j’étais un jeune ingénieur affecté dans des communautés à côté de Sandiara où les femmes n’avaient pas accès à l’eau potable. Mon travail consistait à les aider à concevoir des stations de pompage qui leur permettraient d’avoir accès à l’eau potable, mais aussi à l’eau destinée à l’irrigation afin de développer des initiatives génératrices de revenus », se remémore-t-il. Une expérience déterminante qui pose les bases du self-made-man qu’il deviendra.

Piqué par le virus de la curiosité, il finit toutefois par plier bagage et prendre le chemin des États-Unis. Il s’inscrit à l’Université Columbia : « J’y ai fait une Maîtrise en Relations internationales, me spécialisant dans les politiques d’environnement et la finance internationale. De là est partie une carrière nationale, d’abord aux États-Unis, où j’ai travaillé dans le service-conseil dédié, à l’époque, à l’accompagnement des privatisations en Afrique », confie-t-il. Ensuite, il a enchaîné avec une carrière internationale en rejoignant la Banque mondiale. Pendant les 20 dernières années, son travail consistait essentiellement à aider les pays africains à privatiser les infrastructures et les sociétés d’État, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’eau. Fort de cette expérience, Cheikh Ibrahima Ndiongue a rejoint la Sfi, basée en Afrique du Sud. Sa mission revenait principalement à accompagner le développement des Pme en Afrique, une fonction qu’il décrit comme extrêmement passionnante, car elle visait à aider les pays du continent à accéder au capital, aux marchés et aux capacités techniques. Cependant, la décision qu’il qualifie de plus marquante intervient en 2007, lorsque le président Abdoulaye Wade fait appel à lui pour participer au développement du Sénégal. « Je suis rentré pour l’accompagner dans la mise en œuvre de ses grands projets. J’avoue que cela a été le meilleur choix que j’ai fait sur le plan professionnel parce que m’ayant permis de participer au développement du Sénégal », souligne-t-il.

« Plan Takkal », aéroport Blaise Diagne…

De retour au pays, Cheikh Ibrahima Ndiongue intègre le comité de création de Sénégal Airlines. Il y joue un rôle déterminant avant d’en devenir le président du Conseil d’administration pendant deux ans. Il est ensuite mobilisé pour la mise en œuvre du « Plan Takkal » (accès à l’électricité). Puis, il est nommé secrétaire permanent à l’Énergie du Sénégal pendant deux ans, avant de devenir directeur général de la Coopération internationale du Sénégal, chargé de la mobilisation des ressources. « À côté du président Wade et de Karim Wade, j’ai essentiellement accompagné les grands projets de l’État, qui ont abouti à la mise en œuvre de l’aéroport Blaise Diagne, de la compagnie aérienne et à l’amélioration du secteur de l’énergie. Tout cela fait qu’au-delà de ma carrière, je me réjouis d’avoir contribué, de manière significative, à faire avancer mon pays », avance-t-il.

Cette idée de mission, dit-il, a toujours guidé sa démarche professionnelle lorsqu’il était au Sénégal. Après ce passage, il rejoint Bnp Paribas, à Londres, où il s’occupe du secteur Afrique. Cette fonction lui permet d’accompagner de nombreux pays africains dans la mobilisation de ressources destinées à financer leur développement. Extrêmement curieux et passionné par les grands défis, il revient finalement au Sénégal et crée son propre cabinet qui accompagne les pays africains dans la mobilisation de financements, la communication institutionnelle, la structuration de projets complexes et le renforcement des capacités de négociation des États. « En 2020, j’ai été élu directeur général de la Mutuelle panafricaine de gestion des risques, une institution accompagnée par les Nations unies. J’y ai passé quatre ans à aider les pays africains à gérer les risques liés au climat, notamment les sécheresses, les inondations ou encore les cyclones », explique-t-il.

Enfin, la consécration

Après avoir fait ses preuves partout où il est passé, Cheikh Ibrahima Ndiongue est élu, en septembre 2024, directeur exécutif inaugural du Fonds Pertes et Dommages dont le continent parlait depuis des décennies. Il considère que la mise en place de ce fonds et le fait qu’un Africain en soit le premier dirigeant constituent un motif de satisfaction profonde. « Je mesure à quel point c’est une fierté pour le Sénégal et pour l’Afrique. La responsabilité est immense : tout le monde s’attend à ce que le fonds aide les pays vulnérables à gérer les conséquences des changements climatiques, à protéger les populations les plus touchées et à accompagner les pays dans la gestion des pertes économiques dues aux dérèglements climatiques », souligne-t-il.

Aujourd’hui basé à Washington, M. Ndiongue travaille dans un fonds ayant signé un accord avec la Banque mondiale, chargée d’en assurer le secrétariat pour les quatre prochaines années, le temps d’en établir les fondements institutionnels. Les Philippines ont été désignées pays hôte du Conseil d’administration. Au terme des quatre ans, le fonds définira les prochaines étapes. Pour l’heure, il bénéficie principalement du soutien de la Banque mondiale. Le directeur exécutif rend compte au Conseil d’administration qui prend les décisions stratégiques du fonds.

La présence de Cheikh Ibrahima Ndiongue aux différentes Cop lui a permis d’écouter les préoccupations et les attentes des pays vulnérables. « Je mesure à quel point cette responsabilité n’est pas légère. Elle doit être prise au sérieux, car beaucoup de pays comptent sur ce fonds pour améliorer la vie de millions de personnes vulnérables », s’épanche-t-il. Le deuxième sentiment qu’il éprouve est celui d’une continuité dans sa vocation. « Ce n’a jamais été une décision de carrière que de postuler à ce poste. C’est une option de poursuivre cette mission : faire la différence, impacter la vie des gens », affirme-t-il. Une mission qu’il dit aborder avec humilité et responsabilité. « Je suis resté très attaché à ma culture, à mon pays et à nos valeurs sénégalaises », conclut Cheikh Ibrahima Ndiongue.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/developpement/ibrahima-ch...