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ITINÉRAIRE REMPLI D'UN ARTISTE POLYVALENT

Formé à l’Ecole des Arts de Dakar, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a été chanteur au petit orchestre Thiossane Club, au Cayor Rythmes, au Royal Band et lead-vocal à l’Inas. Une vie artistique féconde pour ce natif du Cayor aux talents multiples…


Rédigé par leral.net le Dimanche 26 Janvier 2020 à 18:30 | | 0 commentaire(s)|

Il a tâté au théâtre, au dessin avant de finir musicien et plasticien. Formé à l’Ecole des Arts de Dakar et affecté ensuite comme peintre aux Manufactures des Arts décoratifs de Thiès, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a été chanteur au petit orchestre Thiossane Club, au Cayor Rythmes, au Royal Band et lead-vocal à l’Inas puis l’Orchestre national. Une vie artistique féconde pour ce natif du Cayor aux talents multiples…
Autodidacte à ses débuts, il s’est fait tour à tour comédien, musicien et peintre. Plusieurs vies qui se confondent et qu’Abdoulaye Ndiaye Thiossane raconte avec des souvenirs frais dans la tête. Ses cheveux et sa barbe gagnés par la blancheur et son âge avancé, il est né en 1936, ne lui font pas perdre sa mémoire. Il vous cite volontiers le journaliste métis, Petit Jules qui l’a découvert à la fin des années cinquante chez un couple, M. et Mme Tigo alors installés à Thiès. Abdoulaye Ndiaye, doué en dessin, jouait également à l’époque dans la troupe théâtrale Lat-Dior de la Cité du rail. Avec ses amis, comme Kounta Mame Cheikh, disparu récemment, ils occupaient les planches en avant-première des concerts du Tropico Jazz.
«Petit Jules alors journaliste m’a vu à Thiès copier des affiches de cinéma et m’a recommandé de monter à Dakar pour suivre les cours de l’Ecole des Arts…» se souvient l’artiste polyvalent. Ainsi soit-il ! Abdoulaye Ndiaye a vingt-six ans et s’installe à Dakar, à la rue Tolbiac angle Grasland où le directeur du cinéma Royal lui donne une chambre. Il commence à confectionner des affiches de cinéma pour le patron du Royal. Et une fois bien installé dans la capitale, le natif de Sam, dans le département de Tivaouane, va prendre des informations à l’Ecole des Arts, située à l’époque sur la Place Protêt. Lui qui n’a jamais été à l’école française, s’inscrit dans la Section Recherche Arts plastiques dirigée par Iba Ndiaye. Un challenge pour un autodidacte qui a appris à lire et écrire en recopiant les affiches de cinéma et écoutant les dialogues de films.
Le Thiessois suit, jusqu’en 1967, simultanément les cours d’Arts plastiques et d’Art dramatique et décroche son parchemin. Mais le plus intéressant pour Abdoulaye Ndiaye durant son séjour à Dakar sera outre le 2e Prix de décoration en Recherche Arts Plastiques et le Prix d’interprétation en Art dramatique, sera plutôt la rencontre de camarades de promotion comme Kimitan Tounkara, Djibril Diop Mambety, Fatim Diagne, Djibril Bâ, avec qui, il interprète la pièce théâtrale «Djanké». Tout en suivant les cours à l’Ecole des Arts, déplacée par la suite à l’ancien Camp Lat-Dior sur la Corniche dakaroise, Abdoulaye Ndiaye, avec Chérif Mané à la guitare et d’autres élèves de l’établissement, monte également un petit orchestre dénommé « Thiossane Club ». C’est de là qu’il hérite de son surnom. Avec ses potes de l’orchestre, dont Ibou Diouf et Omar Seck, actuel pensionnaire du Théâtre Sorano, ils répètent à l’Ecole des Arts. Et quand leur directeur leur suggère de se faire enregistrer à la radio nationale, Abdoulaye Ndiaye y chantera, entre autres morceaux, le fameux «Aminata Ndiaye», «Modaane», et «Tal léne lamp yi» (allumer les lampions, en wolof). Ce dernier titre lui vaudra par la suite une sélection au Festival mondial des Arts nègres tenu à Dakar en 1966. C’est l’année suivante, après l’obtention de ses parchemins à l’Ecole des Arts que l’artiste cayorien sera affecté comme peintre cartonnier aux Manufactures sénégalaises des Arts décoratifs de Thiès inaugurées auparavant par le Président Léopold Sédar Senghor. Il y travaillera avec des camarades de promotion, Mamadou Niang, Seydou Barry, Ousmane Fall, Mor Fall, avant d’y démissionner.
Des allers-retours en musique
Abdoulaye Ndiaye retourne à son autre passion, la musique. Il retrouve son ami Kounta Mame Cheikh pour faire avec lui les beaux jours du Kajoor Rythmes Orchestra de Thiès. Ils chanteront à la Semaine nationale de la Jeunesse durant deux éditions avant que le directeur du Conservatoire Abdourahmane Diop ne le convoque à Dakar pour, à côté des Mor Dior Seck, frère de Thione, Ousmane Touré qui sera plus tard parmi les Touré Kounda, chanter dans l’orchestre de l’Institut national des Arts du Sénégal (Inas). Ils joueront avec l’Inas un partout à travers le pays. Puis retour à la case départ pour Abdoulaye Ndiaye Thiossane. "J'ai quitté l'Inas
pour retrouver mon atelier de dessin installé chez moi au quartier Médina Fall à Thiès…» explique-t-il. Mais comme si son destin de musicien le tenait à la cheville, l’artiste retrouvera la capitale en 1982. Le directeur du Conservatoire l’a rappelé à nouveau pour la formation de l’Orchestre nationale du Sénégal. Toujours avec Mor Dior Seck, Abdoulaye Ndiaye y chantera aux côtés de Nicolas Menheim, Baba Maal, Doudou Ndiaye Mbengue, Adolphe Coly, Issa Mbaye Sow, avec comme encadreurs feu Pape Seck du Number One et Ouza Diallo. Que de souvenirs pour Abdoulaye Ndiaye Thiossane. En effet c’est au sein de l’Orchestre national qu’il connaîtra davantage les régions du pays et côtoiera des célébrités africaines comme Tshala Mwana en 1985 et feue Mpongo Love, l’année suivante. Invitées à Dakar pour des concerts toutes, alors stars congolaises, interpréteront un morceau tiré du répertoire d’Abdoulaye Ndiaye Thiossane.
Après six ans au sein de l’orchestre national, le chanteur thiessois démissionne et retourne chez lui au quartier Médina Fall. Quelques tournées et contrats remplis avec le Royal Band des Gorel Sarr, Racine Aw, Marcel Nunez, Marcel Faye, Seck, et le revoilà repeindre dans l’anonymat de son atelier installé à domicile. «Vous savez je cultive la philosophie de Serigne Touba qui disait en substance que l’individu, avec un travail bien fait, aussi éloigné qu’il soit dans un endroit de la terre finit toujours par attirer l’attention des autres…» confie Abdoulaye Ndiaye en souriant. Il est vrai qu’avec la peinture, ses œuvres ont été exposées un peu partout dans le monde. Elevé Chevalier de l’Ordre national du Lion, puis dans l’Ordre des Arts et des Lettres, en 2002, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a fait un ultime retour au Théâtre national Sorano la même année. Il était invité au lancement du Troisième festival mondial des Arts Négres. Il y fredonné sa fameuse chanson «Tal lene lamp yi » entonnée en 1966 lors de la première édition de cette manifestation panafricaine.
Tourné presque définitivement vers la peinture, Abdoulaye Ndiaye Thiossane, n’en reste pas moins un observateur averti de la musique sénégalaise. «Notre musique actuellement n’a pas trop d’instruments à vent. Presque pas de saxophone, ni de trombone ou violon dans la musique sénégalaise. Il n’y a pas de souffle du chanteur pour laisser le temps aux instrumentistes de faire un solo dans le morceau. On ne met pas en valeur l’instrumentaliste. » regrette l’ex lead-vocal de l’Orchestre national. Et encore, Abdoulaye Ndiaye, qui a été l’un des premiers artistes sénégalais à chanter en wolof dans un style mbalax, alors que cela ne se faisait qu’en rythme salsa, ne comprend pas que les jeunes dansent aujourd’hui dans un clip vidéo en chantant nos saints. C’est vrai que les temps ont changé, les artistes aussi…

Le Soleil

La rédaction de leral...