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L’ILLUSION D’UNE RELANCE SANS DETTE

Rédigé par leral.net le Lundi 11 Août 2025 à 00:16 | | 0 commentaire(s)|

Le gouvernement à travers le ministre de l’économie, a annoncé, avec une satisfaction affichée, que la Turkish EximBank financerait des projets structurants au Sénégal sans alourdir la dette publique. Dans un pays où la dette a été estimée à 99,7 %...

Le gouvernement à travers le ministre de l’économie, a annoncé, avec une satisfaction affichée, que la Turkish EximBank financerait des projets structurants au Sénégal sans alourdir la dette publique. 

Dans un pays où la dette a été estimée à 99,7 % du PIB par la Cour des comptes en 2023, puis réévaluée à 119 % en 2024 par Barclays et repris par le Premier ministre lors de la présentation de son plan de redressement, l’annonce sonne comme une prouesse qui est celle d’investir sans creuser le trou.

Cependant, derrière cette communication triomphante, la réalité est moins glorieuse. Cette nouvelle doctrine d’investissement annoncée n’est ni une innovation sénégalaise ni une véritable rupture. Il s’agit d’un mécanisme bien connu consistant à transférer l’endettement à une structure tierce (société de projet, entreprise publique, partenariat public-privé) afin qu’il n’apparaisse pas directement dans les comptes de l’État. 

En apparence, l’État ne s’endette pas. En réalité, il s’engage, souvent par des clauses implicites ou explicites, à soutenir le projet en cas de défaillance. Les remboursements reposent sur des recettes futures, des contrats d’achat garantis ou des concessions, autant de mécanismes déjà utilisés par le régime précédent via des entreprises parapubliques pour financer des projets.

Ces méthodes ont conduit à ce que le régime avait pourtant qualifié de dettes cachées, invisibles dans les chiffres officiels au départ mais retombant inévitablement sur le budget national lorsque les revenus promis ne sont pas au rendez-vous. 

Ce qui se dessine aujourd’hui ressemble davantage à la construction d’un bilan immatériel qu’à une relance économique réelle. L’objectif semble être de produire un effet d’annonce, en affichant des milliards mobilisés sans dette officielle, tout en sachant que ces montages ne génèrent pas toujours une transformation tangible pour l’économie nationale.

Dans ce type de contrat, les projets sont souvent confiés à des entreprises étrangères, en l’occurrence turques. Sans clauses strictes de sous-traitance locale ni obligations de transfert de technologie, la valeur ajoutée  telle que les emplois qualifiés, les bénéfices, l’expertise, risque de s’évaporer largement hors du Sénégal. 

Changer l’appellation d’un financement ne modifie pas sa nature économique. 

Dans bien des cas, ces dettes hors bilan s’avèrent plus coûteuses qu’un emprunt souverain classique car elles garantissent le rendement de l’opérateur étranger, protégé par des clauses contractuelles.

Les montages de type BOT (Build-Operate-Transfer) illustrent bien ce risque. Les tarifs ou redevances imposés aux usagers sont calibrés pour assurer la rentabilité de l’investisseur même si le projet ne rencontre pas le succès prévu. 

Et lorsque l’équilibre économique est rompu, c’est encore l’État qui paie, directement ou indirectement. 

Nous avons déjà vu ce scénario dans certains pays avec des engagements pris hors bilan, salués comme « innovants » lors de leur signature mais qui, quelques années plus tard, deviennent une charge budgétaire écrasante.

Changer le nom de la dette n’efface pas la dette. De même, changer le vocabulaire du financement ne garantit ni la prospérité ni l’indépendance économique. 

Le Sénégal n’a pas besoin d’un catalogue d’annonces habillées en succès diplomatiques mais d’une stratégie claire de relance productive, bâtie sur les forces locales, avec des contrats transparents, équilibrés et orientés vers le renforcement du tissu économique national. Faute de quoi, le pays risque de payer très cher un bilan qui, au mieux, sera spectaculaire sur le papier et décevant dans la vie réelle.

Thierno Bocoum
Président AGIR- LES LEADERS

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Source : https://www.seneplus.com/opinions/lillusion-dune-r...