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LA FAKE NEWS "BRIGITTE MACRON EST TRANSGENRE" DEVENUE CAUCHEMAR MONDIAL

Rédigé par leral.net le Vendredi 24 Octobre 2025 à 23:52 | | 0 commentaire(s)|

Depuis mars 2024, l'influenceuse trumpiste Candace Owens a fait de cette fausse information son obsession. Le Monde révèle comment le couple présidentiel riposte avec des détectives privés, une plainte de 250 pages aux USA et un procès à Paris

(SenePlus) - Dans un salon discret du Lutetia, palace parisien, Daniel Nardello a accepté de parler. Cet Américain de 68 ans, ancien procureur fédéral new-yorkais devenu "une sorte de détective privé haut de gamme", a été embauché par Emmanuel et Brigitte Macron pour enquêter sur la plus absurde et la plus tenace des fake news visant le couple présidentiel, révèle Olivier Faye dans Le Monde daté de jeudi 24 octobre.

"Depuis quelques mois, les limiers de Daniel Nardello enquêtent sur 'l'affaire Jean-Michel Trogneux', cette fausse nouvelle qui dépeint l'épouse du chef de l'État en femme transgenre, l'accusant d'être en réalité son frère, Jean-Michel – qui existe bien et a 80 ans", écrit le journaliste.

L'affaire dure depuis décembre 2021, lorsqu'une vidéo publiée par "une autoproclamée 'journaliste amateur' et une médium" a popularisé cette théorie complotiste. Depuis, c'est l'escalade. "Quatre ans de démentis, de déclarations outrées et de silences, qui n'ont pas réussi à calmer la fureur des réseaux sociaux. Au contraire, tant le vacarme connaît désormais une résonance internationale."

Le 8 mars 2024, Emmanuel Macron lui-même commet peut-être une erreur en commentant publiquement cette histoire qu'il qualifie de "fadas" et qui figure, avoue-t-il au micro de TF1, "parmi ses pires souvenirs depuis son arrivée au pouvoir". Trois jours plus tard, l'influenceuse américaine Candace Owens s'empare du sujet.

"Le nouveau cauchemar des Macron réside en effet au sud du pays, dans le Tennessee", écrit Le Monde. Candace Owens, 36 ans, "qui compte parmi les voix les plus écoutées de l'Amérique MAGA (Make America Great Again), avec 5,4 millions d'abonnés sur YouTube et 7,3 millions sur X, a décidé d'ajouter cette théorie du complot à son fonds de commerce".

Son approche est méthodique et professionnelle. Elle lance une saga intitulée "Becoming Brigitte" ("Devenir Brigitte"), qu'elle vend à son audience comme "le plus GRAND scandale politique de l'histoire humaine". "Je mettrais en jeu toute ma réputation professionnelle sur le fait que Brigitte Macron est en réalité un homme", prévient-elle.

"L'influenceuse enchaîne les vidéos, un crucifix en arrière-plan, découpant et scénarisant son 'enquête' en épisodes telle une créatrice de série Netflix", décrit Le Monde. Le succès est immédiat : "Les 11 épisodes traitant de l'affaire ont été visionnés entre 1,4 et 5,7 millions de fois chacun."

L'opération est également lucrative. "Provocatrice, l'Américaine vend des tee-shirts parodiant la une du magazine Time, sur laquelle Brigitte Macron figure en 'homme de l'année'."

Un agenda antisémite

Mais derrière le spectacle se cache un agenda politique inquiétant. "Sous un vernis pop, Candace Owens renouvelle les vieux tubes de l'extrême droite – antisémites, en particulier", révèle Le Monde.

L'influenceuse, "persuadée que le judaïsme est une 'religion centrée sur la pédophilie, qui croit aux démons (…) et au sacrifice d'enfants'", dépeint ainsi Emmanuel Macron en "'pantin' des Rothschild, 'manipulé depuis son enfance' par un individu – Brigitte, donc – aux liens nébuleux avec la célèbre famille de banquiers juifs..."

Elle va jusqu'à s'interroger : "Et si Brigitte Macron était en réalité le père d'Emmanuel Macron ?"

Face à cette déferlante, le couple présidentiel a d'abord tenté la diplomatie. Un courrier a été adressé à Candace Owens en décembre 2024 "par l'intermédiaire de son avocat américain, Me Tom Clare, pour lui demander de 'retirer immédiatement' ses 'affirmations fausses, diffamatoires et extrêmement préjudiciables'". En vain. "Mais la lettre n'a fait qu'encourager sa verve."

"Le 23 juillet, après deux vaines relances, les Macron se sont donc résolus à porter plainte pour diffamation." L'accusation, "longue de 250 pages, décortique toutes les fausses informations colportées par l'Américaine depuis un an et demi, dans le cadre de sa 'campagne d'humiliation mondiale', selon les termes utilisés par l'avocat du couple".

Le Monde révèle un détail diplomatique explosif : "Le document confirme qu'Emmanuel Macron aurait profité de sa venue à Washington, en février, dans le cadre de négociations sur la guerre en Ukraine, pour demander à Donald Trump de calmer sa pasionaria."

Selon Owens, qui l'a raconté dans son émission fin juin, "le locataire de la Maison Blanche en personne l'aurait appelée pour la prier d'arrêter de parler de Brigitte Macron". Elle affirme que "le président français faisait de cette condition un préalable à tout accord sur l'Ukraine".

"Si la plainte dément l'existence d'un tel chantage, elle ne nie pas, en revanche, la nature de la conversation entre les deux chefs d'État", précise Le Monde. "Contacté, l'Élysée n'a pas répondu à nos sollicitations sur le sujet."

C'est là qu'intervient Daniel Nardello. Le détective, dont "la firme emploie une quarantaine de collaborateurs – anciens agents du FBI, ex-magistrats ou avocats – de Washington à Dubaï, en passant par Londres et Singapour", explique la difficulté de la tâche.

"Aux États-Unis, pays revendiqué de la liberté d'expression, 'il est généralement très difficile, pour les personnes considérées comme des figures publiques, de gagner des actions en diffamation'", reconnaît-il dans son salon du Lutetia.

"'Il faut prouver que l'auteur des propos diffamatoires a agi avec une véritable malveillance ou avec un mépris délibéré pour la vérité', explique-t-il." Son travail consiste donc à "construire un 'narratif' dépeignant Candace Owens en activiste politique intéressée par l'argent et déterminée à nuire à ce chef d'État 'moderne et dynamique', selon les termes de la plainte".

Pour cela, Nardello reconstitue les réseaux de l'influenceuse : "sa proximité avec le rappeur Kanye West – tristement célèbre pour ses déclarations antisémites –, ou l'influenceur masculiniste britannique Andrew Tate ; ses quelques rencontres avec Marion Maréchal, notamment lors de la 'convention de la droite' organisée à Paris en 2019 ; ses échanges d'amabilités sur les réseaux sociaux avec l'idéologue poutinien Alexandre Douguine..."

Xavier Poussard, le Français dans l'ombre

Le Monde lève également le voile sur "le principal complice de Candace Owens". Xavier Poussard, 38 ans, "est un inconnu du grand public". Cet "ancien journaliste de Faits et documents, une lettre d'information confidentielle d'extrême droite, est pourtant devenu la source unique – ou presque – de ses 'informations'".

"Ce Parisien d'origine, mâchoire carrée et lunettes de documentaliste, est obsédé par les juifs et les francs-maçons, dont il cartographie les réseaux et l'influence supposée parmi les élites", décrit Le Monde. "Il a hérité ce 'savoir-faire' d'Emmanuel Ratier (1957-2015), le fondateur de Faits et documents, lui-même formé à l'école d'Henry Coston (1910-2001), journaliste et collaborateur pendant la seconde guerre mondiale."

Poussard a publié "en février, un livre auto-édité (en français et en anglais), Devenir Brigitte, présenté par Candace Owens, qui figure régulièrement dans les meilleures ventes sur Amazon". Au magazine Society, "Xavier Poussard a raconté avoir pu acheter, grâce aux ventes du livre, un appartement à Milan (où il réside avec femme et enfants), une voiture, et embaucher comme collaborateur un membre de sa famille".

Le complotisme, manifestement, peut être lucratif.

Curieusement, révèle Le Monde, "Emmanuel et Brigitte Macron n'ont pourtant jamais porté plainte contre Xavier Poussard". L'explication est juridique : "Une source proche du couple explique que ces derniers craignent d'être déboutés. Car, en matière de diffamation, il n'y a pas que le fond des propos qui compte."

"Un journaliste peut arguer de sa bonne foi s'il a mené un travail d'enquête appuyé sur une base factuelle suffisante. Or, l'intéressé est assis sur les 330 pages de son livre qui, s'il 'ne vaut pas un clou', poursuit cette même source, 'a été écrit en prenant beaucoup de précautions'."

Le parcours judiciaire des Macron dans cette affaire est semé d'embûches. "Dans cette affaire, les Macron ont déjà essuyé plusieurs échecs sur le terrain judiciaire", rappelle Le Monde.

"La première plainte déposée par Brigitte Macron contre Natacha Rey et Amandine Roy (conjointement avec son frère Jean-Michel Trogneux) a été rejetée, en 2023. La qualification retenue, 'atteinte à la vie privée', n'était pas la bonne."

"Un an plus tard, le frère et la sœur obtenaient la condamnation des deux femmes pour diffamation. Mais cette décision a été infirmée par la cour d'appel de Paris, en juillet, au motif que 'l'imputation d'avoir effectué une transition de genre et de ne pas avoir voulu la rendre publique ne saurait constituer une atteinte à l'honneur ou à la considération', constitutifs de la diffamation."

Cette décision judiciaire est remarquable : elle établit en substance qu'accuser quelqu'un d'être transgenre n'est pas diffamatoire en soi. Les juges ont estimé que "les accusations de mensonges et de falsification dont se sont rendues coupables Natacha Rey et Amandine Roy apparaissaient par ailleurs trop imprécises à la cour pour justifier d'une condamnation".

Un procès pour cyberharcèlement

Un nouveau procès doit s'ouvrir "le 27 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris" pour cyberharcèlement. "Brigitte Macron avait déposé plainte contre X, en août 2024, après qu'une photo d'elle en maillot de bain a suscité une nouvelle vague de moqueries, d'insultes et d'allusions sur son genre."

Lors de son audition par la police, "réalisée à l'Élysée, en décembre 2024", Brigitte Macron a déclaré : "'Toutes ces allégations ont un fort retentissement sur mon entourage et moi-même. Je n'ai pas effectué un séjour à l'étranger sans que l'on m'en parle. Il n'y a pas un conjoint de chef d'État qui n'est pas au courant.'"

Révélation troublante du Monde : "Pour autant, Brigitte Macron n'a pas souhaité être examinée par un médecin afin d'établir un préjudice éventuel sur sa santé mentale."

"Dix personnes sont renvoyées devant le tribunal, dont la médium Amandine Roy, mais aussi Aurélien Poirson-Atlan – connu sous l'alias Zoé Sagan – et Bertrand Scholler, deux personnalités en vue de la 'complosphère'. Le reste des prévenus sont, en apparence, des internautes lambda."

Le Monde soulève une question délicate : qui paie ? "Officiellement, le parquet de Paris gère ce dossier sans intervention de la présidence." Patrice Faure, alors directeur de cabinet d'Emmanuel Macron (il vient d'être nommé préfet de police de Paris le 22 octobre), "s'est contenté d'orchestrer les plaintes déposées au nom du couple, qu'il a avisé et signé".

"L'Élysée assure que pas un euro d'argent public n'est dépensé dans le cadre de la défense des Macron, qui relève de leur vie privée. La question n'est pas anecdotique, tant la procédure américaine pourrait coûter cher. Selon le New York Times, leur avocat, Me Tom Clare, peut facturer une heure de travail jusqu'à 1 800 dollars (1 500 euros environ)."

Le Monde pointe un paradoxe : pour démolir définitivement la rumeur, il faudrait accepter une mise à nu totale de la vie privée. "Mais le coût le plus élevé à payer pourrait être pour leur vie privée. En 2017, Emmanuel Macron confessait à Vanity Fair entretenir un 'rapport névrotique' à 'l'intime', détestant voir la presse enquêter sur son passé et celui de sa femme."

"Aujourd'hui, Brigitte Macron rechigne, malgré la rumeur, à divulguer des photos d'elle enceinte, ou avec ses enfants dans les bras. Elle n'a pas, non plus, organisé de séance photo avec son frère, Jean-Michel Trogneux, qui démontrerait par l'absurde les accusations dont ils sont l'objet. Trop intrusif, argue son entourage."

De toute façon, "les complotistes croiraient de toute façon à des images truquées, estime-t-on autour de l'épouse du président".

Le Monde rappelle l'origine du "succès" de cette fake news : "Le 'succès' de cette fake news trouve en partie son origine dans les vingt-quatre ans d'écart du couple. Lorsqu'il a intégré le cours de théâtre La Providence, à Amiens, où officiait sa future femme, Emmanuel Macron avait 14 ans, et celle qui deviendra son épouse 39."

Cette différence d'âge, qui a toujours fasciné et dérangé une partie de l'opinion, offre un terreau fertile aux théories complotistes. Plutôt que d'accepter une histoire d'amour atypique mais réelle, certains préfèrent imaginer un secret d'État délirant.

Quatre ans après son apparition, cette fake news continue donc d'empoisonner la vie du couple présidentiel. Malgré les plaintes, les procès, les condamnations parfois, rien n'y fait. La rumeur se nourrit d'elle-même, amplifée par les réseaux sociaux et portée par des personnalités comme Candace Owens qui y trouvent à la fois un intérêt idéologique (servir son agenda antisémite et anti-élites) et financier (ventes de produits dérivés, audiences).

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/international/la-fake-new...