LA TERANGA RÉINVENTÉE PAR LE COLONEL KÉBÉ

Le colonel Abdourahim Kébé était l’invité de l’édition du vendredi 17 octobre 2025 de l’émission "Soir d’Infos" sur TFM, à l’occasion de la parution de son ouvrage "Teranga et traduction dans le Sénégal postcolonial", centré sur l’exemple du roman "Karim" d’Ousmane Socé.

Au cours de l’entretien, le colonel Kébé a expliqué la portée symbolique de l’orthographe "Terangaa" – avec deux "a" – qui s’affranchit des normes du français colonial pour affirmer la dignité des langues africaines. Le livre s’attache à montrer comment la notion de Teranga, entendue comme hospitalité, générosité et espace de dialogue, irrigue la littérature et la culture sénégalaises. Le colonel introduit ainsi le concept d’"éthique de la Teranga" appliqué à la traduction, pour promouvoir une rencontre égalitaire entre le wolof et le français. Il rappelle que ce positionnement s’inscrit dans la prolongation du métissage culturel prôné par la négritude, courant auquel Socé contribua activement.

En choisissant d’analyser "Karim", Kébé valorise un roman qui a ressuscité à la fois les traditions orales sénégalaises et les figures héroïques de l’Afrique. Il souligne la similarité entre certaines pratiques sociales médiévales françaises et sénégalaises, pointant le refus des stéréotypes coloniaux. Le colonel confie également s’identifier à Socé pour sa résistance face à l’injustice et sa volonté de rendre à l’Afrique sa dignité – un défi toujours d’actualité.

Abordant brièvement la situation politique, Kébé salue l’indépendance retrouvée de la justice sénégalaise, notamment dans le cadre des enquêtes sur l’ancien président Macky Sall et d’autres dirigeants. Il insiste sur la nécessité de rompre avec les pratiques d’enrichissement illicite qui ont freiné le développement du pays.

Kébé évoque enfin le "souverainisme linguistique" et culturel, défendu par la nouvelle gouvernance, comme un préalable à l’émancipation réelle du pays et à une évolution fondée sur ses propres ressources et valeurs. Il termine en soulignant l’importance de la lecture, saluant la relance du Forum national du livre et appelant la jeunesse à renouer avec le goût d’apprendre au service du Sénégal.

L’ouvrage, publié chez L’Harmattan, s’impose ainsi comme une réflexion profonde sur les identités, les héritages et les responsabilités collectives à l’heure du Sénégal postcolonial.