LE TOUR DE PISTE CONTROVERSÉ D'AKINWUMI ADESINA

(SenePus) - Alors que son mandat s'achève le 31 août et que "l'essentiel des employés de la Banque africaine de développement est en vacances", Akinwumi Adesina maintient un rythme effréné. Fin juillet au sommet Afrique de Standard Chartered à Lagos, puis inaugurant une zone agro-industrielle dans l'État d'Oyo quelques jours plus tard, le Nigérian enchaîne les déplacements officiels.

Le 13 août, il assistait à Maputo à l'assemblée générale d'Africa 50, le fonds d'investissement dirigé par le Camerounais Alain Ebobissé. Deux jours auparavant, "le président sortant de la BAD signait, à Addis-Abeba, un prêt de 500 millions d'euros pour participer au financement du nouvel aéroport international avec le directeur commercial d'Ethiopian Airlines, Lemma Yadecha", révèle Thaïs Brouck dans Jeune Afrique.

Cette hyperactivité agace au sein de l'institution. "Il continue à agir comme s'il avait été réélu pour un troisième mandat", s'étonne un cadre de la BAD cité par le magazine panafricain.

Depuis l'élection de son successeur Sidi Ould Tah le 29 mai, la Banque a approuvé des dizaines de nouveaux projets : "135,61 millions de dollars pour le Programme de compétitivité économique et d'inclusion sociale de la Tanzanie ; 30 millions de dollars pour les agriculteurs du Bénin ; 173,84 millions d'euros pour le secteur énergétique au Rwanda ; 100 millions d'euros au Maroc pour aider les femmes et les jeunes entrepreneurs à bâtir une agriculture inclusive."

Cette frénésie d'investissements inquiète les observateurs. "La nouvelle équipe va récupérer une Banque qui a déjà dépensé l'essentiel de son budget pour l'année 2025", s'alarme un spécialiste de la finance du développement selon Jeune Afrique. "En règle générale, en période de transition, on expédie les affaires courantes, on n'engage pas de nouveaux projets, en tout cas pas dans ces proportions."

Plus controversées encore sont les promotions accordées en fin de mandat. Une vingtaine de cadres ont récemment obtenu des avancements, mais deux interpellent particulièrement : "celle du directeur de cabinet d'Akinwumi Adesina, l'Ougandais Alex Mubiru, devenu directeur de la BAD pour l'Afrique de l'Est ainsi que celle de son assistant spécial, le Nigérian Olajide Oyewusi, qui devient directeur adjoint de la BAD pour l'Afrique de l'Est."

Ces nominations ravivent les souvenirs de 2020, quand Adesina avait failli perdre son poste pour des accusations de népotisme, avant d'être blanchi par une enquête du comité d'éthique. "Akinwumi Adesina était proche de devoir renoncer à un deuxième mandat pour des accusations de népotisme en 2020, mais il ne semble pas avoir retenu la leçon", dénonce un cadre de la BAD d'après la journaliste de JA.

La passation de pouvoir avec Sidi Ould Tah connaît également des ratés. Selon les informations révélées par Thaïs Brouck, "le transition book, qui devait permettre aux équipes de Sidi Ould Tah de commencer à travailler, a été remis avec plus de deux mois de retard, compliquant la tâche du nouveau président."

Malgré ces tensions, l'entourage du président élu assure qu'il "n'y aura pas de chasse aux sorcières" à son arrivée. Les cadres nommés par Adesina bénéficient d'une période d'essai de six mois selon les règles internes de la BAD, laissant à Sidi Ould Tah le temps d'évaluer ces choix.