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LES ŒUVRES AFRICAINES ONT DEUX PATRIES, SELON SOULEYMANE BACHIR DIAGNE

Rédigé par leral.net le Jeudi 11 Décembre 2025 à 23:37 | | 0 commentaire(s)|

Le philosophe rappelle l’appel de Mahtar M’Bow pour le retour des œuvres là où elles manquent, tout en affirmant qu’il faut désormais tenir compte de ces objets arrachés par la colonisation mais qui ont « poussé des racines » dans les musées occidentaux

(SenePlus) - Alors que le musée du Louvre inaugure sa Galerie des cinq continents, le philosophe Souleymane Bachir Diagne invite à dépasser les débats binaires sur la restitution des œuvres d'art africaines. Au micro de France Culture, il défend une approche audacieuse : reconnaître que ces objets, même arrachés par la violence coloniale, ont acquis une double identité en exil.

Interrogé sur la vocation universaliste des musées à l'heure des demandes de restitutions, Souleymane Bachir Diagne convoque la mémoire d'Amadou Mahtar M'bow. L'ancien directeur général de l'Unesco rappelait dès 1978 que si les œuvres devaient retourner là où elles manquent, il fallait aussi considérer celles qui, exilées, « ont poussé des racines dans leur sol d'emprunt ».​

Pour le philosophe sénégalais, cette métaphore végétale est cruciale pour comprendre le destin complexe des artefacts coloniaux. « Quand on pousse des racines quelque part, c'est qu'on est aussi de cet endroit-là », analyse-t-il. Loin de nier la violence de la spoliation, cette vision suggère que l'histoire, même tragique, a transformé l'essence même de ces œuvres. Elles ne sont plus seulement africaines ou océaniennes ; elles appartiennent également à l'histoire des lieux qui les ont accueillies.​

Cette double appartenance confère aux œuvres un statut nouveau, celui d'objets « nomades » dont la fonction première est désormais de tisser des liens entre les cultures. « Affirmer que ces objets sont d'ici et d'ailleurs [...] c'était une manière de considérer [...] qu'il est dans leur vocation de créer du lien », soutient l'auteur de Les Universels du Louvre.​

Il s'agit donc de voir en eux des « objets mutants », capables d'habiter pleinement deux territoires à la fois : leur « terroir d'origine » et les terres d'exil. Cette mutation justifie leur présence dans des espaces repensés comme la nouvelle galerie du Louvre, où une Maternité dogon peut désormais dialoguer d'égal à égal avec une Vierge espagnole, actant ainsi ce que Diagne nomme la « louvrisation » des arts extra-européens, réclamée jadis par Apollinaire.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/culture/les-oeuvres-afric...