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La présidence de la Commission de la CEDEAO : consécration diplomatique ou piège institutionnel pour le Sénégal ? (Par Mamadou Oumar Sall)

Rédigé par leral.net le Lundi 15 Décembre 2025 à 23:06 | | 0 commentaire(s)|

La désignation du Sénégal à la présidence de la Commission de la CEDEAO est présentée, par les canaux officiels, comme une victoire diplomatique majeure. Mais derrière l’apparat protocolaire et les discours policés se cache une question fondamentale : s’agit-il d’une réelle avancée stratégique pour l’État sénégalais ou d’un mécanisme subtil visant à neutraliser une voix […]

La désignation du Sénégal à la présidence de la Commission de la CEDEAO est présentée, par les canaux officiels, comme une victoire diplomatique majeure. Mais derrière l’apparat protocolaire et les discours policés se cache une question fondamentale : s’agit-il d’une réelle avancée stratégique pour l’État sénégalais ou d’un mécanisme subtil visant à neutraliser une voix devenue dérangeante dans l’espace ouest-africain ?
La CEDEAO traverse une crise de légitimité sans précédent. Sa gestion des coups d’État militaires, ses sanctions économiques à géométrie variable et sa proximité assumée avec certaines puissances extérieures ont profondément entaché sa crédibilité auprès des peuples.
Dans ce contexte délétère, confier la présidence de sa Commission au Sénégal peut apparaître moins comme une récompense que comme une tentative de réhabilitation morale par procuration.
Car le Sénégal, malgré ses propres turbulences internes, conserve une image d’État institutionnellement stable, juridiquement structuré et historiquement respecté.
L’installer à la tête de la Commission, c’est tenter de redorer le blason d’une organisation contestée, tout en plaçant Dakar face à une contradiction potentiellement paralysante : défendre des décisions communautaires souvent impopulaires ou préserver sa souveraineté politique et sa crédibilité interne.
Dès lors, la présidence devient un exercice à haut risque. Elle peut contraindre le Sénégal à endosser ou du moins à porter des décisions qualifiées par beaucoup de « peu catholiques » : sanctions économiques aux effets dévastateurs sur les populations civiles, lectures sélectives de la démocratie, indulgence envers certains régimes et sévérité extrême envers d’autres. Être à la tête de la Commission, ce n’est pas décider seul ; c’est surtout être le visage d’un consensus souvent imposé par des équilibres géopolitiques opaques.
C’est ici que la figure du Premier ministre Ousmane Sonko devient centrale.
Son positionnement politique, ouvertement critique à l’égard des institutions internationales perçues comme inféodées, tranche radicalement avec la ligne diplomatique traditionnelle de la CEDEAO.
Son discours souverainiste, panafricaniste et populaire est en tension directe avec la doctrine technocratique et conservatrice de l’organisation sous-régionale.
Ignorer le facteur Sonko dans cette désignation serait une erreur d’analyse. Soit la CEDEAO parie sur la capacité du Sénégal à compartimenter ses discours,un Sonko pour l’intérieur, un État diplomatique docile pour l’extérieur , soit elle tente, plus subtilement, d’encercler politiquement une figure jugée trop disruptive en l’intégrant à un système de contraintes institutionnelles.
Dans les deux cas, la manœuvre est calculée.
La question n’est donc pas de savoir si cette présidence est symboliquement prestigieuse elle l’est , mais si elle est stratégiquement émancipatrice.
Le Sénégal sera-t-il un moteur de réforme interne de la CEDEAO ou un simple gestionnaire d’un statu quo discrédité ? Aura-t-il la marge politique pour infléchir les orientations de la Commission ou sera-t-il sommé de se conformer, au nom de l’unité régionale, à des décisions qu’il n’inspire pas ?
En définitive, la présidence de la Commission de la CEDEAO est une lame à double tranchant. Elle peut consacrer le Sénégal comme acteur central de la refondation régionale, ou l’enfermer dans le rôle inconfortable de caution morale d’un système à bout de souffle.
Tout dépendra de la cohérence entre la ligne politique interne portée par Ousmane Sonko et la posture diplomatique externe de l’État sénégalais. L’histoire jugera s’il s’agissait d’un tremplin ou d’un piège savamment tendu.Abdel Aziz Focus 2050 #team221 #politique #kebetu Ousmane SONKO Talla Kane Falla Fleur Bassirou Diomaye Faye

Mamadou Oumar Sall



Source : https://xalimasn.com/2025/12/15/la-presidence-de-l...