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Langue des signes : Aïssatou Sall, la voix silencieuse des grandes cérémonies nationales et son combat passionné pour les malentendants

Souvent aperçue en bas de l’écran lors des grands événements officiels, Aïssatou Sall n’est ni sourde ni muette. Pourtant, nous confie "leSoleil.sn", la langue des signes est devenue sa vocation. Entre passion, engagement et humanité, cette interprète hors pair a fait du silence, un puissant moyen d’expression.


Rédigé par leral.net le Mardi 14 Octobre 2025 à 18:47 | | 0 commentaire(s)|

Lors des grandes cérémonies nationales – de la prestation de serment du Président Bassirou Diomaye Faye au lancement du programme Xëyu Ndaw Ñi sous Macky Sall – son visage et ses gestes précis attirent toujours le regard. Aïssatou Sall, interprète en langue des signes, prête ses mains à ceux dont la voix ne porte pas.

Pourtant, selon "leSoleil.sn", rien ne la prédestinait à ce destin singulier. C’est par hasard, un jour à Pikine, qu’elle découvre cet univers. Perdue et désemparée, elle croise Sidi, un malentendant, qui tente de l’aider en écrivant ses messages sur son téléphone. Cette rencontre brève mais bouleversante change sa vie. « Ce petit moment m’a marquée », confie-t-elle. Bien qu’ayant un oncle sourd, elle découvre alors pour la première fois, la langue des signes dans toute sa profondeur.

Touchée, elle décide d’en apprendre davantage et rejoint l’association de Sidi. Là, elle rencontre Mamy, présidente du regroupement des malentendants, et le professeur Manga, qui l’initient au langage des signes. Soutenue, encouragée, Aïssatou s’y épanouit. « C’est une âme du paradis », dit Mamy, émue par la générosité et la douceur de celle qu’elle considère aujourd’hui comme une sœur.

Selon nos confrère, depuis plus de douze ans, Aïssatou accompagne les malentendants au quotidien. Sa rigueur, sa passion et sa parfaite maîtrise de la langue des signes, lui valent le respect de toute la communauté. L’un des tournants de sa carrière survient en 2021, lorsque l’équipe nationale des sourds-muets remporte la Coupe d’Afrique.

Invitée au Palais présidentiel pour traduire l’audience officielle, elle relève le défi malgré le trac. « Il faut apprendre et ensuite, faire ce qu’on sait faire. C’est le seul moyen de dépasser la pression », explique-t-elle.

Une langue, une histoire, une cause

Le langage des signes, bien qu’ancien, a longtemps souffert de préjugés. L’histoire remonte au XVIIIᵉ siècle, avec le prêtre Charles-Michel de l’Épée, qui, à Paris, observe les gestes de deux sœurs sourdes et fonde en 1760, l’Institut national des jeunes sourds. Au XXᵉ siècle, des linguistes comme William Stokoe et Laurent Clerc démontrent que la langue des signes est une langue à part entière, avec sa propre grammaire et ses variations régionales.

De nos confrères, il ressort aussi qu'au Sénégal, la Fédération nationale des sourds (FENASSEN) œuvre pour sa reconnaissance et son enseignement. En 2022, un glossaire électoral en langue des signes sénégalaise, élaboré par IFES/CEPPS, a permis de rendre les campagnes de sensibilisation électorale accessibles aux personnes sourdes, un pas majeur vers l’inclusion.

La voix des sans-voix

Devenue interprète attitrée des grandes cérémonies de l’État, Aïssatou Sall est aujourd’hui une figure incontournable du paysage audiovisuel et institutionnel. Du Palais de la République à l’Assemblée nationale, elle traduit avec grâce, les discours des dirigeants, donnant à chaque mot une émotion visible.

Avec le temps, la langue des signes s’est imposée comme son langage de cœur. « Mes proches me taquinent, car il m’arrive de faire des gestes même au téléphone », sourit-elle. Mais pour Aïssatou, ce n’est pas un simple réflexe : c’est une vocation. « Les malentendants doivent avoir accès à la même information que tous. Dans les médias, au Parlement, partout où l’on parle aux Sénégalais, la langue des signes doit être systématisée. »

Dans un monde où les mots se perdent parfois dans le vacarme, Aïssatou Sall nous rappelle que le silence aussi peut parler — avec force, émotion et dignité.