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Le Ramadan, un mois d'intime « commerce avec Dieu »

Le mois sacré des musulmans débute cette semaine. Un moment de jeûne, mais aussi de cohésion communautaire, pendant lequel la prière sera davantage entendue

Non, ce n’est pas dur de jeûner, après deux ou trois jours on s’habitue », assure Archymed, un jeune garçon d’origine comorienne, du haut de ses 13 ans et demi. Il pratique le Ramadan depuis cinq ans, et se réjouit qu’il tombe cette année pendant les vacances : les cours ne l’empêcheront pas d’aller prier à la mosquée.


Rédigé par leral.net le Mercredi 11 Août 2010 à 00:35 commentaire(s)|

Le Ramadan, un mois d'intime « commerce avec Dieu »
« C’est un mois spécial, où on remercie Dieu pour tout ce qu’on a », résume-t-il, se souvenant d’avoir toujours vu les adultes de sa famille le faire. « Parce que c’est une obligation, ça ne se discute même pas pour un musulman », interrompt sa mère, Hassan, qui se définit comme pratiquante.

Mohamed, lui, a pris quelques libertés vis-à-vis de sa religion mais partage cet avis. Tout en tirant sur un joint, ce grutier de 30 ans, originaire de Tunisie, avoue qu’il « ne se sentirait pas un homme » s’il ne faisait pas le Ramadan.
"Une prière pendant le Ramadan compte plus"

Plus pieux, Sofiane, un Algérien, dit éprouver chaque fois « une grande force » malgré le jeûne, qui sera plus difficile cette année en raison de la chaleur et de la longueur des jours. « Concrètement, nos journées sont les mêmes, avec les cinq prières quotidiennes, à laquelle s’ajoute cependant celle de la nuit à partir de 21 h 30, au moment de la rupture du jeûne », explique-t-il.

C’est aussi pour lui « un mois béni, durant lequel les portes de l’Enfer sont fermées ». Sa prière se fait donc « plus intense ». Et pour cause. « Une prière pendant le Ramadan compte plus », assure Moussa, un menuisier sénégalais de 35 ans, « surtout pendant les dix derniers jours ». Mohamed précise que « si on prie dans la nuit du 26 au 27e jour du Ramadan, celle où le Coran fut reçu par Mohammed, alors c’est mille fois plus efficace ».

Tous ces musulmans croisés dans le 18e arrondissement de Paris connaissent par cœur les règles, fixées par le Coran et par la tradition, régissant ce mois de jeûne. « Si on fait bien le Ramadan, et qu’on continue à jeûner encore six jours, Dieu nous pardonne pour nos péchés de l’année écoulée, et de l’année à venir », poursuit Sofiane.
"A chacun de s’organiser"

« Mais si on rate un jour parce qu’on a fauté ou rompu le jeûne, il faudra rattraper ensuite deux, trois jours, voire un mois, selon la gravité. Cela vaut aussi pour les femmes qui ont leurs règles : si elles arrêtent cinq jours, elles devront les rattraper ensuite. Et si, pour des raisons de santé, on est empêché de jeûner, on doit offrir des repas aux pauvres, ou donner de l’argent à une mosquée qui s’en chargera. »

Avant l’Aïd-El-Fitr, la grande fête qui marque la fin du Ramadan, il faudra aussi faire une aumône pour valider les trente jours de jeûne, rappelle Moussa. « Au temps du Prophète, c’était une poignée de riz. Aujourd’hui, ça se traduit par une nourriture qu’on aurait aimé manger, ou 5 ou 6 €. »

« Ce commerce passé avec Dieu ne pose pas de problème, tant qu’il est fait avec sincérité et dans la discrétion », explique Khalil Merroun, imam et recteur de la mosquée d’Évry-Courcouronnes.

« Dans l’islam, il y a des lieux saints et des périodes où la prière acquiert une force particulière. Le Ramadan est l’un de ces moments propices, offerts par Dieu aux hommes, pour qu’ils rachètent leurs fautes : il se fait alors plus proche d’eux. D’ailleurs, des cinq piliers de l’islam, le Ramadan est le seul où la relation à Dieu est intime : personne ne doit savoir quel frère jeûne, comment, et combien il donne en aumône. Pas question de se donner en spectacle ou de faire du prosélytisme : Dieu n’aime pas que l’on se joue de lui. Même en France, où il faut parfois concilier Ramadan et vie professionnelle, à chacun de s’organiser, en faisant des siestes en rentrant du travail par exemple, pour que son jeûne passe inaperçu et n’affecte en rien ses performances. »
Moment de grande cohésion

Les musulmans insistent sur cet aspect : le mois sacré est aussi pour eux un moment de grande cohésion. « Puisque tout est calculé en fonction du soleil, nous allons tous manger exactement à la même heure. Même dans les familles, si certains avaient l’habitude de dîner après les enfants par exemple, pendant le Ramadan, ils ne le feront pas, car c’est très important d’être tous ensemble », se réjouit Sofiane.

« On cuisine plus, pour que la rupture du jeûne soit une vraie fête », poursuit Dianké, une mère de famille sénégalaise. Elle a six enfants, mais préparera de la nourriture « pour une quinzaine de personnes, afin d’être prête à accueillir tout le monde », voisins ou même inconnus, « car le Ramadan est un mois de générosité : plus on invite, et plus on est béni ». Bouillie de mil, feuilles de bricks fourrées au thon ou aux crevettes : tous évoquent avec délices les plats de leurs pays d’origine qu’ils consommeront pour l’occasion.

Le dernier jour, tous revêtiront leurs plus beaux habits, et offriront aux enfants des cadeaux ou de l’argent. « Il m’arrive de donner jusqu’à 50 € à mon neveu. Les petits, ils se font de la maille (NDLR : de l’argent) ce jour-là ! » raconte Mohamed.

Il espère que, porté par l’ambiance festive et priante du Ramadan, il abandonnera ses mauvaises habitudes et se remettra à la pratique religieuse, en commençant par la lecture du Coran : « À la mosquée, l’imam s’organise pour l’avoir lu et commenté entre le premier et le dernier jour. S’il ne peut pas y assister, un bon musulman doit au moins le lire de chez lui ou, mieux, l’apprendre par cœur. » Car, conclut-il, « la connaissance du Livre, c’est la base pour nous ».

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