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Gabon I Le paradoxe Trumpien : L'art de rejeter son prochain, tout en convoitant ses biens

Rédigé par leral.net le Vendredi 19 Décembre 2025 à 11:08 | | 0 commentaire(s)|

​L'actualité diplomatique de ce mois de décembre 2025, met en lumière une contradiction fondamentale du néonationalisme américain : la volonté de sceller les frontières humaines, tout en maintenant une porosité totale pour les ressources stratégiques.
Entre les mesures migratoires de Washington et la réponse souveraine de Libreville, une nouvelle grammaire des relations internationales s'écrit sous nos yeux, révélant ce que l'on pourrait nommer une « souveraineté sélective ».
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- LIBRE PROPOS /

​L'actualité diplomatique de ce mois de décembre 2025, met en lumière une contradiction fondamentale du néonationalisme américain : la volonté de sceller les frontières humaines, tout en maintenant une porosité totale pour les ressources stratégiques.

Entre les mesures migratoires de Washington et la réponse souveraine de Libreville, une nouvelle grammaire des relations internationales s'écrit sous nos yeux, révélant ce que l'on pourrait nommer une « souveraineté sélective ».

Le « Trumpisme » a en effet théorisé une forme de mondialisation asymétrique où, d'un côté, une rhétorique de la citadelle assiégée perçoit le prochain, particulièrement celui issu du Sud global, comme une menace identitaire, tandis que de l'autre, un appétit féroce s'exprime pour les ressources naturelles indispensables à la puissance industrielle des ÉtatsUnis.

Ce paradoxe se définit ainsi comme une volonté de jouir des fruits du monde sans en accepter les racines humaines ; l'ambition d'un capitalisme d'extraction pur, affranchi de toute responsabilité éthique envers les populations dont proviennent les richesses.

​Cette situation pose une question fondamentale : les valeurs d'humanité peuventelles coexister avec un système qui ne reconnaît que la valeur transactionnelle ? Car le capitalisme d'extraction agit ici en symbiose avec une triade cynique mêlant néo-nationalisme et sécuritarisme.

Dans ce paradigme, l'individu est réifié : lorsqu'il est un gisement, il est convoité ; lorsqu'il est un immigrant, il est rejeté. Le politique, transformé en algorithme de la décision économique, tend vers une optimisation qui ressemble à une théologie inversée. Là où l'Écriture commande d'aimer le pécheur mais de détester le péché, l'Amérique semble aujourd'hui aduler le « péché », la ressource brute, tout en bannissant le « pécheur », c'estàdire l'homme.

​Pourtant, face à cette déshumanisation par le marché, le communiqué du Conseil des ministres du Gabon du 18 décembre 2025 a marqué une rupture subtile mais profonde. En « prenant acte » des mesures américaines et en invoquant la réciprocité devant soustendre les relations bilatérales, Libreville a déplacé le débat sur le terrain de la dignité souveraine. Bien que le communiqué ne mentionne pas explicitement de mesures de rétorsion, l'invocation du principe de réciprocité porte en elle une conséquence logique majeure.

En diplomatie, si la libre circulation des personnes est entravée unilatéralement, la cohérence des échanges suggère que la fluidité des biens peut, par extension, être remise en cause. C'est un véritable choc des souverainetés où, face au droit d'exclusion de Washington, Libreville rappelle son droit de contrôle sur ses richesses, transformant ainsi la ressource en un argument de négociation tacite.

​Dès lors, si l'Occident aspire réellement à stabiliser les flux migratoires, il doit opérer un dépassement de sa propre contradiction. Il ne s'agit plus seulement d'une question de gestion des frontières, mais d'une nécessité de cohérence systémique. On ne peut durablement assécher les ressources d'un continent tout en espérant en contenir les populations ; on ne peut allumer l'incendie dans la jungle et s'étonner que les fauves descendent dans les plaines pour survivre.

L'instabilité n'est pas une fatalité endogène, elle est le corollaire d'une économie de comptoir qui dépossède les peuples de leurs moyens de subsistance. Le dépassement de cette crise exige donc une éthique de la réciprocité où le droit à la ressource est indissociable du respect de l'homme.

​En conclusion, le paradoxe trumpien se heurte aujourd'hui à la souveraineté retrouvée des nations du Sud. On ne peut durablement traiter avec des « gisements » sans traiter avec des « hommes ». En voulant le monde dans son assiette mais personne à sa table, l'administration américaine s'expose à un blocage systémique où la ressource devient, par la seule force du droit international, l'otage de l'humain.

La réponse du Gabon rappelle opportunément que derrière les minerais, il y a des États et des citoyens. La réciprocité n'est pas seulement un principe juridique ; c'est le miroir que le Sud tend au Nord pour le confronter, enfin, à ses propres incohérences.
​« La dignité n'est pas négociable, elle est la condition de tout échange. »

​Blaise EDIMO Enseignant et penseur stratégique
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Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...