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Les femmes arrivent et les « familles » explosent !

« Les femmes ont la clé pour déverrouiller le développement social et humain », pensent certains experts. Mais, pour l’heure, elles font exploser les marmites politiques. En cause, la parité.


Rédigé par leral.net le Mercredi 23 Mai 2012 à 18:16 | | 0 commentaire(s)|

Les femmes arrivent et les « familles » explosent !
Il y a des paradoxes qui n’arrivent pas tous les jours. Les femmes, socle de la famille africaine, apparaissent sous un jour qu’on ne leur connaissait pas jusque-là. Du moins en politique. Une vraie tourmente s’est installée dans les états-majors politiques. Les investitures, certes toujours problématiques, ont fait des dégâts dans les partis. « Les femmes arrivent et les familles explosent ». Cette lecture est celle d’un frustré des investitures. Militant de la première heure de l’Alliance pour la République (Apr), Moussa Sidibé (son vrai nom est masqué), ne cesse de maugréer contre la parité. A la base où il espérait être investi, la poire a été coupée en deux. Un homme d’une formation politique alliée a été investi obligeant son parti à recourir à une femme pour respecter la loi. « Je suis persuadé que s’il n’y avait pas la parité j’allais passer », lance-t-il entre deux silences qui en disent long sur son désappointement. Cadre moyen, Sidibé a fait ses débuts au Parti démocratique sénégalais (Pds) en 1992. Il fait partie de la folle équipée de Macky Sall lancée en 2008. La démakysation, l’affaire de blanchiment d’argent, la loi Sada Ndiaye, sont autant de péripéties qu’il a vécues aux côtés de son leader Macky Sall. Son rêve de siéger à l’Assemblée s’est brisé. Il n’est pas seul à souffrir ce drame intérieur.

A Vélingara, la coalition au pouvoir a jeté son dévolu sur Amadou Tidiane Talla de Médina Gounass et Mariama Diallo de Kounkané. Là, il est inutile de spéculer sur l’éventualité d’un vote-sanction. Les deux pendants de Moussa Sidibé, Aliou Diao et Mamadou Ciré Coulibaly dit Papiss, militants de l’Apr dans la commune pourraient avoir du mal à contenir leurs ouailles. En tout cas, Vélingara fait partie des « enfants terribles » du vote-sanction. Le dernier en date est celui opéré en 2009. Le Pds a forcé la main à la base pour investir aux Sénatoriales Moussa Mballo. A l’arrivée, les grands électeurs votent Aj/Pads. Trente ans avant, le Parti socialiste, alors aux affaires en a fait l’amère expérience en ouvrant à l’opposition la porte des collectivités locales. En 1978, le Pds avait raflé la mise aux Locales au conseil municipal de Vélingara et à Kandia. La clameur la plus retentissante vient de Kaolack où Moustapha Niass est accusé d’avoir gommé le nom du maire Madieyna Diouf. Il est clair que n’eût été la parité, ce dernier serait investi. Pourtant, l’image de la femme a toujours positive. « Investir sur les femmes a un effet multiplicateur. » Cette conviction est portée par la ministre d’Etat, ministre chargée des Femmes et des Enfants de Bengladesh Mme Shirin Sharmin Chowdhury. Elle s’exprimait ainsi lors du forum portant sur le thème « Le développement humain et social, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » au dernier sommet des PMA en Turquie.

Vélingara, enfant terrible du vote-sanction

Au cours de la rencontre qui a réuni plusieurs sommités du système des Nations unies et de fortes personnalités telle l’ancienne présidente du Chili Mme Michelle Bachelet, tous se sont presque accordés pour reconnaître que les femmes sont le moteur du développement. « Si les femmes réussissent, elles tirent vers l’avant toute leur communauté », a martelé le Directeur exécutif du Fonds des Nations unies pour la population, M. Babatunde Osotimehin. Pour lui, « le temps est venu d’investir dans les femmes, surtout les jeunes femmes », précise-t-il. Pour s’en convaincre, le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations, M. William Lacy Swing alerte : « les femmes envoient plus d’argent que les hommes ». Dans ce même plaidoyer, la Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive de l’Entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme Mme Michelle Bachelet, par ailleurs ancienne présidente du Chili dira que 90 % des revenus des femmes sont injectés dans la sécurité alimentaire et les frais scolaires. De quoi faire dire à William Lacy Swing que les femmes ont la clé pour déverrouiller le développement social et humain. A cette compétence, Mme Bachelet ajoute leur efficacité pour consolider la paix. En quoi il faut les associer aux accords de paix. Mieux, « les femmes doivent au cœur de l’agenda de la sécurité et de la paix », dira Mme Bachelet. Elle qui a, en outre, plaidé pour qu’on soutienne l’engagement politique des femmes. Ainsi, on pourra, sans doute, améliorer la représentativité parlementaire des femmes estimée aujourd’hui à 19 %. Même s’il est vrai que le Rwanda passe pour un modèle positif dans ce domaine avec 56 % de femmes parlementaires. Pour y arriver, il faudra inverser la tendance. Faire alors en sorte d’octroyer plus des 10 % de crédit pour les femmes, multiplier leur taux d’accès à l’école et réduire la mortalité maternelle. Ce plaidoyer-là, ne passe pas pour l’heure dans les milieux politiques sénégalais. Et ce sont les femmes qui ont en donnent l’illustration. « Pourquoi il n‘y a aucune femme conseillère rurale ? » Cette question a, presque, fait bondir d’indignation la centaine de femmes venues, ce jeudi, à Ndorna, arrondissement situé à une trentaine de kilomètres de Kolda. Elles étaient là pour assister à la séance d’information et de partage destinée à la mise en place d’une plate-forme locale, puis régionale des femmes de Kolda. « Ce sont les hommes qui ne nous ont pas investies », tranche net Mme Tacko Sané, venue de Kokolé, un village situé à quelques encablures de Ndorna. « Si tu n’es pas associée à une chose, comment tu peux en être membre ? Ce n’est pas possible ! », renchérit Maty Guèye du village de Bourouko, une autre participante à la rencontre.

Réunies à l’ombre du gigantesque fromager du village, dans la cour de l’école, les populations de l’ex-communauté rurale de Ndorna, érigée en arrondissement avec le dernier découpage administratif, discutaient, ainsi, des obstacles à leur participation à la gouvernance locale. La rencontre marquait les activités de démarrage du projet Gouvernance et Autonomisation de la femme dans la région de Kolda. Un projet né du partenariat entre l’Unifem et le Forum pour le développement endogène durable (Fodde), une Ong basée à Kolda, avec le soutien financier de l’Agence catalane de coopération au développement (Accd).

Pour s’en expliquer, le coordonnateur régional du projet évoque les difficultés de la femme koldoise, mère en moyenne de sept enfants. Dans cette foulée, il cite pêle-mêle l’analphabétisme (48 % chez les femmes), la pauvreté (20 % seulement des revenus leur sont attribués contre 80 % d’efforts), les accouchements rapprochés, la mortalité maternelle estimée à 1 200 décès pour 100 000 naissances vivantes. A cela, les femmes de Médina El Hadj et de Ndorna ajoutent la corvée quasi quotidienne des céréales à moudre aux coups de pilon et celle de l‘eau. Ce à quoi Mamadou Mballo du village de Saré Koubé ajoute les mariages précoces. « Les filles vont à l’école, mais à partir de 12 ans on les donne en mariage », dénonce-t-il. De quoi lui faire conclure que cet état de fait accentue les inégalités entre les hommes et les femmes, tenues hors des instances de décision. Voilà sans doute la feuille de route de la future parlementaire.

Me HUGUETTE HOGBE GNACADJA, CONSULTANTE EN GENRE ET EN DROITS DE L’HOMME
« Il faut que la femme soit considérée comme une stratégie de développement »

Ancienne membre pendant quatre ans du Comité des Nations unies pour l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes appelée communément le Cdef. Aujourd’hui résidente en Allemagne, cette militante de la cause femme a commencé son combat il y a une vingtaine d’années dans son pays le Bénin. A cette époque, Me Huguette H. Gnacadja était secrétaire générale des femmes juristes du Bénin. Elle a pris une part active à la IV è Conférence des PMA en tant que consultante en Genre et en Droits de l’Homme. Lorsqu’elle parle des femmes en Afrique, elle distingue deux catégories. Il y a les femmes urbaines qui sont un peu mieux loties que leurs homologues de la campagne. Chez les femmes urbaines, les problèmes auxquels elles sont confrontées ont trait à l’autonomisation financière ou économique. Alors que les femmes rurales font face, en plus des discriminations liées au sexe, à la grande pauvreté, facteur aggravant de ces discriminations. Mais les plus grandes discriminations notées sont celles relatives à la participation des prises de décision, celles liées à l’état juridique de la femme en matière civile, à son statut de personne, particulièrement dans les relations de mariage. Ces discriminations apparaissent lorsque la femme doit choisir la fonction qui lui convient ou doit simplement s’exposer à la vie publique. Il y a aussi des discriminations par rapport à l’accès à l’emploi et aux traitements salariaux. Alors qu’à l’en croire, la femme doit considérée comme une stratégie de développement.



SOURCE:Lagazette.sn
Hamidou SAGNA