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Lycée Limamou Laye, le report de la reprise des cours divise

Dans l’antre du Lycée Seydina Limamou Laye (LSLL) de Guédiawaye, les mines sont déconfites et les avis partagés. Est passé par là, le report de la reprise des cours pour les élèves en classe d’examen. Reportage sur les lieux qui devaient accueillir 3 631 élèves, 250 professeurs et du personnel administratif.


Rédigé par leral.net le Samedi 6 Juin 2020 à 16:52 | | 0 commentaire(s)|

Des gilets jaunes font le guêt. Ils sont une dizaine. Équipés de thermoflashes, de gel hydroalcoolique, d’un point d’eau pour se laver les mains.

Ce sont des élèves du Lycée Seydina Limamou Laye qui contrôlent jalousement l’entrée de leur établissement. L’agitation similaire à un réel enthousiasme, au mieux, à un excès de zèle, au pire, trahit une pointe de déception. Ils étaient en préparation depuis plusieurs jours pour ce fatidique lundi 2 juin 2020 ; jour prévu de la reprise des cours pour les classes d’examen. Et puis, patatras…

Tard dans la soirée du dimanche, l’annonce est tombée comme un couperet. La décision de reporter ultérieurement la reprise des cours a été prise par les autorités sénégalaises. Du coup, le spectacle est aussi insolite que louer la grande salle de Paris Bercy pour un concert avec cinq spectateurs. Passé ce check-point Charlie, ce n’est pas la porte de brandebourg de Berlin qui me fait face, mais un désert. De l’ocre et de l’orange pâlis par le soleil restent les codes couleurs qui, depuis 40 ans, définissent le mieux le Lycée Seydina Limamou Laye.

Satisfecit
Cette sensation de paysage hostile n’a jamais été aussi vivace. A l’intérieur de l’établissement, il n y a pas une âme qui erre. Il a fallu entrer dans le bâtiment qui abrite l’administration pour croiser les premiers bipèdes sans plume, comme disait Platon, contemporainement adaptée à la face masquée. Le bureau du Proviseur, Mandaw Mbaye, est indiqué avec un regard inquisiteur. Installé sur une des trois chaises, en face de bureau de la secrétaire, l’espace est exigu mais l’attente est courte.

Affable, courtois, Mandaw Mbaye constate la situation. « Comme tout le monde, j’ai été mis au courant tard dans la soirée. Nous étions fin prêts », répète M. Mbaye. Et pour m’en convaincre, il me propose de faire une visite du proprio. L’état des lieux se fera principalement au bâtiment Laboratoire. Au rez-de-chaussée, une salle refuse ostensiblement de s’ouvrir. Devant cet insolent refus, les quelques escaliers pour rejoindre le premier étage sont franchis au trot. Là, l’une des salles est beaucoup plus coopérative. Elle est grande, éclairée. Malgré des tables-blancs qui ne collent ni au prestige, ni à l’excellence des résultats de ce lycée, elle est assez espacée pour respecter les mesures édictées par les autorités : 20 élèves par classe, des rangées en zigzag.

« Une situation non maîtrisée »
« Dans notre établissement, étaient concernés par la reprise des cours 3 631 élèves répartis dans 53 classes », détaille le proviseur Mbaye. En effet, en dehors des élèves inscrits pour l’obtention du Bac (2 500 au total), le LSLL propose des examens pour la formation professionnelle : CAP, BEP, BT ou encore BTS.

A ces effectifs, il faut ajouter 318 professeurs dont 250 avaient donné leur aval pour reprendre les cours et le personnel administratif. Donc près de 5 000 personnes étaient, en tout, concernées par la reprise au LSLL. Mandaw Mbaye décerne un satisfecit à Dame Diop, ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, dont dépend le Lycée Limamou Laye pour la fourniture de 12 000 masques, d’une dizaine de thermoflashes, de gel hydroalcoolique et de produits détergents.

Un avis qui n’est pas partagé par tout le corps professoral. C’est le cas de Amadou Bâ, chargé de communication au cadre unitaire des syndicats d’enseignants du moyen supérieur (Cusems). « Il fallait s’attendre à cette situation où en catimini on reporte la reprise des cours au dernier moment. Il y avait une situation non maîtrisée. Depuis le début de cette crise avec la fermeture des écoles, jusqu’à la décision et les règles mises en place pour la reprise des cours en passant par le retour des professeurs dans leurs lieux d’affectation, il y a eu une non préparation », martèle le syndicaliste.

Un discours qui n’a pas de sens auprès du proviseur Mandaw Mbaye. Il pense que les autorités avaient fait le nécessaire avec le comité pour le redémarrage des cours. « Il était possible de respecter la prescription d’avoir 20 élèves par classe. Nous avons également aménagé l’infirmerie pour éventuellement y accueillir des cas suspects », argumente le proviseur en me proposant d’y faire un tour avec l’infirmier.

Quart d’heure de gloire
En temps normal, le LSLL, c’est entre 11 et 12 000 personnes. Pour gérer tout ce beau monde, Mamadou Samba Bâ, l’infirmier principal est secondé par une dame, absente lors de notre visite. « Il y a du boulot », ose-t-il, une litote. Après avoir récupéré les clés dans l’appartement de fonction, M. Bâ nous fait la visite de l’infirmerie. Deux pièces accolées, dont l’une est consacrée à la salle de consultation, et l’autre est prévue pour isoler les « cas suspects » évoqués par le proviseur. C’est du sommaire. « Nous n’avons pas encore fini de l’équiper », prévient le guide pour meubler le vide de la pièce où un ventilateur mural se bouscule avec deux chaises, une table, une poubelle et un placard vide.
Au retour de cette visite express, une partie du groupe d’élèves croisée à l’entrée du lycée s’est déplacée dans le bâtiment administratif. Ils présentent les visuels pédagogiques réalisés pour sensibiliser sur les gestes barrières qui devaient servir pour la reprise des cours. « Quel dommage », soupire-t-on en guise de regret de cette reprise avortée. « Nous étions prêts à jouer notre partition. Il y a des élèves qui sont diplômés en secourisme comme ceux qui sont affiliés à la Croix-Rouge », fait savoir Youga Fally Diop, président des élèves du LSLL et président du gouvernement scolaire du Sénégal, suivi par plusieurs médias. Un quart d’heure de notoriété qui pouvait se transformer en jours si la reprise des cours était effective.