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MACKY SALL SE VOIT EN JEAN MONNET AFRICAIN

Rédigé par leral.net le Mercredi 29 Octobre 2025 à 00:20 | | 0 commentaire(s)|

L'ancien président défend son projet d'États-Unis d'Afrique, assume que "l'Afrique est genrée", refuse le "progressisme occidental" et appelle à l'industrialisation par l'endettement

(SenePlus) - Dans une longue chronique publiée mardi 8 octobre dans Le Figaro, Charles Jaigu rapporte les ambitions continentales de Macky Sall, 63 ans, ancien président du Sénégal de 2012 à 2024. L'homme, "enfant des indépendances", se voit désormais en "Jean Monnet de l'Afrique nouvelle", écrit le chroniqueur.

"'Il faut désormais penser le monde depuis l'Afrique', dit-il en citant un autre Sénégalais, Souleymane Bachir Diagne", rapporte Le Figaro. Une ambition qui se heurte à la réalité : "Pour le moment, ce n'est pas le cas. En ce début de XXIe siècle, c'est depuis l'Asie que nous apprenons à penser le monde, après l'avoir fait depuis l'Occident", tempère Charles Jaigu.

L'ancien président  mise sur l'unité africaine. "'Nous partageons un sentiment d'appartenance bien au-delà de nos différences ethniques', maintient Sall, qui a été à la manœuvre dans les nombreuses organisations multilatérales de son continent, dont l'Union africaine", écrit Le Figaro.

Macky Sall assume un calendrier ambitieux pour son projet d'union continentale. Le Figaro le cite : "'Nous avons appris à vivre avec ces frontières, et il est trop tard pour revenir en arrière. Il faut reconnaître qu'elles ont fini par apporter une certaine stabilité, mais nous souhaitons les dépasser afin de constituer à terme les États-Unis d'Afrique. Il a fallu quatre-vingts ans pour passer de la conférence de Berlin aux indépendances. Qu'il en faille autant pour atteindre cet objectif ne nous effraie pas.'"

Charles Jaigu commente sobrement : "Il en faudra plus encore. Les unités rêvées ne sont pas les réalités vécues."

Le prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye assume des positions sociétales conservatrices. "Mais, en attendant, il campe le décor d'un refus du progressisme occidental. 'La plupart des Africains veulent conserver un certain mode de vie. Aucune société ne doit prétendre à une hégémonie civilisationnelle'", rapporte Le Figaro.

"Il n'a pas peur de l'affirmer : l'Afrique est genrée. L'homosexualité est illégale au Sénégal, comme dans beaucoup d'autres pays africains. Sall l'assume, afin de respecter l'équilibre traditionnel des sociétés africaines", écrit Charles Jaigu.

Macky Sall refuse également les injonctions climatiques occidentales. Le Figaro le cite : "'Le fanatisme climatique des autorités internationales est nocif.' Leur 'environnementalisme punitif' est contraire à l'intérêt de son continent. 'Nous avons besoin des hydrocarbures pour nous développer.'"

Charles Jaigu note avec ironie : "Qu'il soit rassuré, même les Européens en ont 'gros sur la patate' avec ce 'Green Deal' que leur a été imposé."

L'ancien président géologue argue que "l'émancipation passe par l'industrialisation, et c'est aux pays plus avancés de donner l'exemple en matière de réduction des gaz à effet de serre. 'L'Afrique ne veut plus être un réservoir de matières premières. Elle exige de les transformer sur son sol et de ne plus les laisser partir à l'étranger', insiste le président géologue", rapporte Le Figaro.

Un appel à l'endettement massif

Pour financer cette transformation, Macky Sall mise sur l'endettement. "Les conditions à remplir de la grande transformation sont connues : 'Eau, électricité, routes.' Mais aussi un État qui lève l'impôt et est capable de financer les biens communs. Pour y parvenir, Sall ne voit pas d'autre solution que l'endettement", écrit Charles Jaigu.

Le Figaro cite l'ancien président : "'Il nous faut des crédits étalés sur 30 ans à des taux faibles (1,5), les taux sont anormalement élevés quand ils s'appliquent aux Africains.'"

Le chroniqueur oppose à cet appel plusieurs objections de bon sens : "Comment prêter à des taux faibles quand les risques sont élevés ? Les États africains ne produisent pas de données fiables sur une économie largement informelle, et ils ne lèvent pas bien l'impôt - qui ne représente en moyenne que 20% du PIB africain, comme le rappelle l'économiste Kako Nubukpo, contre 46% en France…"

Plus grave encore, note Le Figaro, "cet appel à l'endettement se présente au pire moment dans l'histoire économique de la planète. La dette globale du monde a atteint 300 trillions de dollars, soit 360% du PIB mondial. Ce qui constitue un record absolu en temps de paix."

Macky Sall défend néanmoins l'image de son continent. Le Figaro le cite : "'L'image de l'Afrique ne peut plus se réduire à quelques pays faillis ou victimes de coups d'État', proteste-t-il."

"C'est vrai. L'art africain a décollé et une nouvelle classe moyenne s'est développée", concède Charles Jaigu. Mais il ajoute : "Mais la démographie de continent va trop vite. Les coups d'État qui ont déferlé sur les capitales subsahariennes s'appuient sur la colère d'une jeunesse surabondante, urbanisée, sans débouchés, et à portée de réseaux sociaux."

Le chroniqueur note que "c'est elle qui en partie a contraint Sall à ne pas se représenter dans son pays. C'est elle qui s'insurge contre les déceptions démocratiques et qui donne le pouvoir à des juntes stipendiées par la Russie, la Chine, la Turquie ou le Qatar."

Un retour politique au Sénégal ?

Malgré "la déroute de son parti aux élections législatives de 2024, il n'a pas tiré un trait sur la politique nationale", écrit Le Figaro. "'Je ne l'exclus pas, mais certainement pas maintenant', nous confie-t-il."

Charles Jaigu rappelle le parcours de Macky Sall : ancien membre du Parti communiste local, ingénieur géologue, compagnon d'Abdoulaye Wade avant de rompre quand Wade voulut imposer son fils Karim à la tête de l'État. "Sall le dissident fut couronné par les électeurs et élu en 2012, puis réélu en 2019, jusqu'en 2024 (le septennat ayant été raccourci en quinquennat dans l'intervalle). Douze ans au pouvoir, comme son mentor Wade."

L'ancien président regrette cette réduction des mandats. Le Figaro rapporte : "Le temps imparti se réduit, ce qu'il regrette lors de notre conversation : 'Cela ne permet plus de construire dans la durée, comme le firent les chefs des indépendances', constate-t-il."

Charles Jaigu conclut sa chronique sur une note ambiguë : "Peu consumériste, peu émettrice de gaz à effet de serre, l'Afrique a tout pour devenir un modèle de développement bien plus conforme aux attentes du XXIe siècle. Ou du suivant."

Le "ou du suivant" résume toute l'ambivalence du propos : entre l'optimisme volontariste de Macky Sall, qui refuse de se laisser impressionner par les obstacles ("Qu'il en faille quatre-vingts ans ne nous effraie pas"), et le réalisme du chroniqueur qui souligne les nombreux écueils sur la route des États-Unis d'Afrique.

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Farid


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