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MORT D’ASSATA SHAKUR, ICÔNE DE LA RÉSISTANCE NOIRE

Rédigé par leral.net le Lundi 29 Septembre 2025 à 00:08 | | 0 commentaire(s)|

"Nous n'avons rien à perdre que nos chaînes".. Cette phrase devenue slogan du mouvement Black Lives Matter, résume la philosophie de cette militante décédée jeudi à Cuba à 78 ans, après 40 ans d'exil politique

(SenePlus) - Assata Shakur, née Joanne Deborah Chesimard, s'est éteinte jeudi dans la capitale cubaine des suites de "problèmes de santé et de son âge avancé", selon un communiqué du ministère cubain des Affaires étrangères rapporté par l'Associated Press le 26 septembre 2025. Sa fille, Kakuya Shakur, a confirmé le décès sur Facebook.

Figure emblématique et controversée de la lutte pour les droits civiques, Shakur était devenue le symbole des relations tendues entre les États-Unis et Cuba. Membre des Black Panthers puis de la Black Liberation Army, elle était recherchée par le FBI depuis son évasion spectaculaire de prison en 1979, où elle purgeait une peine de prison à vie pour le meurtre d'un policier du New Jersey.

L'histoire d'Assata Shakur bascule le 2 mai 1973 lors d'un contrôle routier sur l'autoroute du New Jersey. La voiture dans laquelle elle se trouvait avec deux complices est arrêtée pour un feu arrière cassé. Une fusillade éclate, faisant deux morts : le policier Werner Foerster et l'un des compagnons de Shakur. Un autre policier est blessé.

Arrêtée après avoir pris la fuite, Shakur est jugée et condamnée en 1977 pour meurtre, vol à main armée et autres crimes. Mais son incarcération ne dure que deux ans. En novembre 1979, des membres de la Black Liberation Army, se faisant passer pour des visiteurs, prennent d'assaut la prison pour femmes de Clinton, prennent deux gardes en otage et organisent son évasion dans un fourgon pénitentiaire.

Shakur disparaît alors dans la nature avant de refaire surface en 1984 à Cuba, où Fidel Castro lui accorde l'asile politique. Cette protection illustre parfaitement la vision géopolitique cubaine de l'époque, qui considérait les mouvements de libération noire américains comme partie intégrante d'une lutte révolutionnaire mondiale contre l'impérialisme capitaliste.

Placée sur la liste des "terroristes les plus recherchés" par le FBI, Shakur n'a jamais cessé de clamer son innocence. Dans ses écrits, elle maintient qu'elle n'a tiré sur personne et qu'elle avait les mains en l'air quand elle a été blessée lors de la fusillade.

Son autobiographie, publiée en 1988, contient cette citation devenue emblématique du mouvement Black Lives Matter : "Il est de notre devoir de nous battre pour notre liberté. Il est de notre devoir de gagner. Nous devons nous aimer et nous soutenir mutuellement. Nous n'avons rien à perdre que nos chaînes."

Cette influence dépasse le seul cadre militant. Assata Shakur était proche de la famille du rappeur Tupac Shakur, qui la considérait comme sa marraine. Le groupe Public Enemy fut l'un des premiers à lui rendre hommage en 1988 dans le morceau "Rebel Without a Pause", évoquant son nom légal Chesimard. Plus tard, le rappeur Common lui consacrera une chanson entière en 2000, "A Song for Assata", ce qui provoquera des remous lors de son invitation à la Maison Blanche sous l'administration Obama.

La nouvelle de son décès a immédiatement ravivé les tensions. Les autorités du New Jersey, où elle avait été condamnée, ont exprimé leur amertume. Le gouverneur Phil Murphy et le surintendant de la police d'État Patrick Callahan ont déclaré dans un communiqué conjoint : "Il semble malheureusement qu'elle soit décédée sans avoir été tenue pleinement responsable de ses crimes odieux. Contrairement à son assassin, l'agent Foerster n'a jamais eu la chance de vivre ses derniers jours en paix."

À l'inverse, Black Lives Matter Grassroots Inc. a promis de "se battre en son honneur et en sa mémoire". Malkia Amala Cyril, l'une des organisatrices historiques du mouvement BLM, a exprimé sa tristesse car Shakur est morte "à une époque de montée de l'autoritarisme", ajoutant : "Le monde de cette époque a besoin du type de courage et d'amour radical qu'elle pratiquait si nous voulons y survivre."

Cette polarisation illustre parfaitement les fractures de la société américaine contemporaine. Là où ses détracteurs voient une criminelle et une terroriste, ses soutiens saluent une combattante de la liberté victime d'un système judiciaire raciste. Son compagnon Sundiata Acoli, également condamné pour le meurtre du policier Foerster, a été libéré sur parole en 2022 après près de trois décennies d'emprisonnement.

La mort d'Assata Shakur clôt un chapitre de l'histoire tumultueuse des relations américano-cubaines et des luttes pour les droits civiques, mais son héritage continue de diviser, témoignant de la persistance des tensions raciales aux États-Unis.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/international/mort-dassat...